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L’aménagement du territoire mis en cause

La Flaz dans son nouveau lit: ce projet exemplaire de protection contre les inondations en Engadine a été primé. Keystone

Après les inondations, les organisations suisses de protection de l'environnement demandent au gouvernement d'investir davantage pour la prévention.

Les autorités fédérales répondent que la répartition actuelle des tâches entre cantons et communes est satisfaisante, car elle tient compte des différences entre les régions.

Au lendemain des graves intempéries et des inondations qui ont dévasté différentes régions de Suisse il y a dix jours, des voix critiques se sont élevées et il a été demandé aux autorités fédérales de consacrer davantage de moyens financiers à la prévention.

La polémique est venue de Berne, capitale et ville fédérale. Le maire a ouvertement accusé les autorités du canton de n’avoir rien fait.

En Suisse, la protection contre les inondations relève de la compétence des cantons, les autorités fédérales n’exerçant qu’une tâche de surveillance générale. Au niveau financier, la Confédération, les cantons et les communes se partagent les coûts des ouvrages de protection.

Pour Andreas Götz, de l’Office fédéral des eaux et de la géologie, cette réglementation est tout à fait logique: «En Suisse, la diversité des régions et des besoins est telle que les cantons sont mieux à même d’agir avec efficacité».

Pression et coordination

Au niveau de la protection contre les inondations, la Fondation suisse pour l’aménagement et la protection du paysage (FSP) ne voit pas de raison de remettre en question le principe fédéraliste. Mais elle souhaite néanmoins une meilleure coordination.

«Le fédéralisme mal compris peut signifier que chaque commune est laissée à elle-même, notamment en cas de catastrophe», explique Richard Patthey.

La FSP réclame la mise en place d’une politique d’aménagement du territoire plus intelligente qui permette de mieux contenir les dégâts en cas d’inondation. Maintenir un bon équilibre au niveau de la réglementation entre mesures d’endiguements, cours d’eau naturels et renaturalisations doivent être les fondements de cette politique.

Andreas Knutti du WWF Suisse partage cette analyse. «Nous serions très heureux de voir les autorités fédérales agir avec davantage de détermination et faire davantage pression sur les communes.»

La répartition des tâches dans le domaine de la protection contre les inondations est judicieuse à la condition que les autorités fédérales jouent effectivement leur rôle de coordinateur.

En proie aux lobbys

Greenpeace Suisse va beaucoup plus loin dans la critique. Les choix de la Confédération de se limiter à donner les grandes lignes stratégiques sont contestables notamment par rapport aux politiques à mettre en place pour faire face aux changements climatiques.

«Les circonstances nous obligent maintenant à agir», déclare Alexander Hauri de Greenpeace, qui critique en particulier les lobbys de l’automobile et du pétrole qui ont jusqu’ici privilégié une politique irresponsable dictée par la seule défense de leurs intérêts.

La Confédération répond qu’une limitation du droit de recours des associations et organisations dans le domaine de la protection contre les inondations ne permettrait guère d’améliorer la situation.

«Il y aura toujours des conflits d’intérêt. Il s’agit de confronter les avis divergents en présence et d’essayer de trouver ensemble une bonne solution en discutant », estime Andreas Götz de l’Office fédéral des eaux et de la géologie.

Ce fonctionnaire estime qu’il faudra investir des milliards pour adapter à la nouvelle donne les ouvrages de protection actuels sur le Rhône, le Rhin et la Linth.

Contexte d’économies budgétaires

Le débat surgit dans un contexte de restrictions budgétaires de l’Etat qui touchent aussi la protection contre les inondations: en d’autres termes, les communes, les cantons et la Confédération doivent là aussi réduire leurs budgets.

Andreas Götz ne cache pas son scepticisme face au bien-fondé de cette politique et il n’est pas le seul. Tant au niveau des organisations de protection de l’environnement que de l’Association suisse pour l’aménagement des eaux ou de l’Association du personnel forestier, le risque de prendre de mauvaises décisions existe bel et bien.

L’entretien des forêts, qui n’est plus soutenu par la Confédération est un bon exemple. En fin de compte, l’Etat doit investir plus d’argent dans la réparation des dommages consécutifs aux catastrophes qu’il n’aurait dû le faire s’il avait financé les mesures de prévention.

Plutôt que déplorer le sempiternel manque de moyens, le WWF plaide en faveur de politiques complètement nouvelles. L’organisation demande par exemple qu’un certain pourcentage de la taxe sur les eaux soit utilisé dans les projets de renaturalisation des cours d’eau. On généraliserait ainsi une pratique qui a fait ses preuves dans les régions.

Il faut du temps

Pour Andreas Götz de l’Office fédéral de la protection des eaux et de la géologie, l’opinion publique doit admettre qu’une protection absolue contre les inondations n’existe tout simplement pas.

«Dans un délai de 10 ans, nous allons établir une carte globale des zones de dangers au niveau hydrologique et géologique en Suisse. Nous n’avons qu’un petit nombre d’experts et il faut du temps pour concrétiser une approche nouvelle en matière de prévention des dangers d’inondation», estime Andreas Götz.

«Après les récentes inondations, je vais particulièrement insister pour faire passer l’idée que cette carte des dangers est absolument prioritaire», ajoute le fonctionnaire.

La fondation pour l’aménagement et la protection du paysage se montre très réservée par rapport à ce projet : cette carte est très contestée et face à la nécessité de réduire les ouvrages de protection, beaucoup d’intérêts financiers sont en jeu, y objecte-t-on.

swissinfo, Urs Geiser
(Traduction de l’allemand: Bertrand Baumann)

La protection contre les inondations est une tâche des cantons.
Les autorités fédérales soutiennent les cantons dans leur action et exercent la surveillance générale.
Les dégâts des inondations de 1987 et 1999 se sont chiffrés à 8 milliards de francs.
Pour les récentes inondations, les dégâts sont estimés à 2 milliards de francs.
Et la rénovation des ouvrages de protection le long des grandes rivières de notre pays se chiffrera en milliards, selon les autorités.

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