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L’archéologie neuchâteloise s’illustre

Les rives neuchâteloises, riches en traces néolithiques. Une maquette présentée au Laténium (swissinfo). swissinfo

Le Laténium décroche le Prix du Musée du Conseil de l'Europe 2003, et un chercheur, Robert Michel, invente la «céramostratigraphie».

Rencontre avec celui-ci dans les bureaux du Service cantonal d’archéologie.

Le «Laténium», sous-titré «Parc et Musée d’Archéologie de Neuchâtel», a ouvert ses portes en septembre 2001. Un peu plus d’une année après, le Conseil de l’Europe, qui réunit les représentants de 44 états, lui décerne son «Prix du Musée». Il lui sera remis le 1er avril 2003 à Strasbourg.

Un prix symbolique (5000 euros), mais qui souligne la qualité de l’approche neuchâteloise: «un bon exemple de musée archéologique moderne», écrit le jury, qui voit dans son domaine d’intérêt et sa démarche «une dimension européenne».

Depuis 1977, le prix honore chaque année un musée apportant une vraie contribution à la connaissance du patrimoine culturel européen. Parmi les récipiendaires figurent le Buddenbrookhaus de Lübeck (Allemagne, 2002), le Musée du Théâtre d’Helsinki (Finlande, 2001), le musée «In Flanders Fields» (Belgique, 2000) et le Palais des Beaux-Arts de Lille (France, 1999).

«Un écrin fantastique»

Le Laténium est implanté au bord du lac, à Hauterive, entre Neuchâtel et le site de La Tène, où l’on découvrit les premiers artefacts de la période qui porte depuis le nom d’«Epoque de La Tène», c’est-à-dire le deuxième âge du Fer de la civilisation celtique européenne.

Désormais le plus grand musée archéologique de Suisse, le Laténium propose une exposition permanente intitulée «Hier… Entre Méditerranée et Mer du Nord». Un parcours aussi limpide qu’esthétique au travers de 50.000 ans d’histoire et de préhistoire.

«Le Laténium est devenu un instrument essentiel dans la présentation au grand public de nos recherches, dont le résultat se trouve maintenant dans un écrin fantastique», constate l’archéologue Robert Michel, chercheur, et également chargé de cours à l’Université de Neuchâtel.

Robert Michel qui voit dans le prix octroyé par le Conseil de l’Europe la «concrétisation des efforts qui ont été consentis par les Neuchâtelois pour faire de l’archéologie neuchâteloise l’une des plus importantes de Suisse».

Les Neuchâtelois au sens large, puisqu’en 1996, c’est la population qui avait dit oui à un crédit de 26 millions de francs pour la construction du musée.

Deux cent mille tessons

Au-delà des récompenses, le travail continue. Ainsi vient de paraître le 27e tome de la série «Archéologie neuchâteloise», en deux volumes, un tome placé justement sous la direction de Robert Michel.

Au cœur de cet ouvrage, l’analyse des céramiques qui ont été trouvées entre 1986 et 1988 sur le site du «Bains des Dames», à Saint-Blaise, un site fouillé avant que ne se construise l’autoroute A5. Ce gisement a livré les vestiges de plusieurs villages lacustres qui se sont succédés sur le même emplacement entre 2800 et 2500 avant J-C.

Et ce ne sont pas moins de 3,5 tonnes de débris de céramique, constituées d’environ 200.000 tessons, qui ont été extirpées de la zone de fouille, d’une superficie de 2500 m2.

Face à cette masse de débris, face à ce gigantesque puzzle, Robert Michel a développé une nouvelle méthode qu’il a baptisée la «céramostratigraphie», et qui a valu une mention à la thèse qu’il a défendue cet été.

La «céramostratigraphie»

«En faisant le recollage des céramiques, on constate souvent que les tessons proviennent d’unités stratigraphiques différentes. A St-Blaise, j’ai réalisé qu’il y avait eu des erreurs au niveau de l’attribution stratigraphique. Et grâce au recollage des tessons, on a pu retrouver les vraies strates» explique l’archéologue.

Autrement dit, au lieu que les strates permettent de dater un objet, ce sont en l’occurrence les différentes parties d’un objet brisé – et l’analyse précise de leurs emplacements – qui ont permis de mieux connaître les strates. Le tesson devient alors un «traceur sédimentaire».

«Reconstituer des pots à partir de fragments est un travail ordinaire de l’archéologie… Mais ce travail n’était pas conduit jusqu’au point de pouvoir reconstituer aussi la céramostratisgraphie.

D’où l’intérêt de ma méthode: utiliser des données qui sont de toute façon collectées – l’emplacement de chaque tesson – pour reconstituer la stratigraphie du gisement», ajoute Robert Michel, qui a largement utilisé l’outil informatique en créant une gigantesque banque de données.

Sur le site des «Bains-des-Dames», les vestiges de trois civilisations quasi contemporaines étaient ’emmêlées’. Et c’est cette nouvelle approche qui a permis de clairement les délimiter.

swissinfo/Bernard Léchot

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