L’argent du terrorisme n’a pas besoin de la Suisse
Roland Jacquard, président de l'Observatoire international du terrorisme, conteste beaucoup d'idées reçues sur Al-Qaida.
Selon lui, l’argent des islamistes passerait par des porteurs de valises, et non par des comptes dans des banques en Suisse.
swissinfo: L’argent du réseau Al-Qaida vient-il de la fortune d’Oussama Ben Laden?
Roland Jacquard: Absolument pas. Lorsqu’il a quitté l’Arabie Saoudite et sa famille, pour se réfugier au Soudan, il devait disposer de 100-120 millions de dollars.
Ce n’est pas une somme suffisante pour faire vivre un réseau comme Al-Qaida. En fait, cette internationale du terrorisme vit grâce aux collectes faites chaque vendredi dans les mosquées.
Selon vous, une organisation aussi puissante, capable de provoquer les attentats du 11 septembre 2001, ou le massacre de Bali, survit-elle grâce à des quêtes?
R.J.: Savez-vous combien peut rapporter une collecte pendant une semaine dans une mosquée fondamentaliste de la région parisienne? Jusqu’à 30 ou 40 000 euros.
Bien évidemment, cette quête se fait pour un autre motif, comme celui de l’aide aux réfugiés afghans au Pakistan. Ensuite l’argent circule grâce à des fourmis, des porteurs de valises.
Le “trésor” d’Al-Qaida n’a donc pas besoin du secret bancaire pour se dissimuler dans des banques en Suisse?
R.J.: A priori non. L’argent du terrorisme, contrairement à celui de la mafia, n’utilise pas de l’argent sale que l’on cherche à blanchir. Il s’agit au contraire d’argent propre, car il vient de citoyens honnêtes et généreux, que l’on cherche à noircir. Oussama Ben Laden n’a pas eu besoin de son frère Yeslam, financier installé à Genève, pour trouver de l’argent.
A combien estimez-vous la préparation et la réalisation d’un attentat comme celui du 11 septembre qui a provoqué la mort de 3000 personnes?
R.J.: Les dernières estimations officielles donnent le chiffre de 333 000 dollars. Une somme finalement fort modeste pour modifier l’équilibre de la planète et coûter 1400 milliards de dollars rien qu’à l’économie américaine.
En revanche, Al-Qaida doit trouver beaucoup d’argent pour financer des Kamikazes, et payer une rente à toutes leurs familles après leurs morts.
Dans votre dernier livre, “Les archives secrètes d’Al-Qaida” (1), vous évoquez la présence du docteur Ayman al-Zawahiri, le bras droit d’Oussama Ben Laden, en Suisse.
R.J. : Il faut savoir que c’est Oussama Ben Laden qui a pratiquement créé les organisations islamistes algériennes lorsqu’il était au Soudan. Le docteur al-Zawahiri est venu en Suisse, avec un faux passeport suisse, en mai 1995 pour organiser des contacts entre les islamistes égyptiens et le Groupe islamique armé (GIA). Quelques semaines plus tard, il y a eu l’attentat du métro Saint-Michel à Paris.
swissinfo/propos recueillis par Ian Hamel
(1) “Les archives secrètes d’Al-Qaida”, par Roland Jacquard, Editions Jean Picollec (Paris). 361 pages.
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