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L’armée suisse au régime minceur

Le gouvernement veut une armée de 80'000 hommes. Keystone/Gaetan Bally

Le ministre de la Défense se voit désavoué de fait par ses collègues du Conseil fédéral (gouvernement). Le collège veut réduire le nombre de militaires à 80'000 et plafonner les dépenses annuelles à 4,4 milliards de francs. Principes inscrits dans un rapport très attendu, qui a été remis vendredi au Parlement.

Ce document, on en parle depuis des mois. Et depuis des mois également, Ueli Maurer souffle le chaud et le froid sur ses intentions. Une chose était sûre: le ministre de la Défense réclamait davantage d’argent. Devant la presse, il a fait contre mauvaise fortune bon cœur.

Mais il n’a pas manqué d’affirmer que pour remplir sa mission, l’armée avait tout de même besoin de 5,5 milliards de francs. Ueli Maurer a néanmoins un an pour faire des propositions en vue de respecter le plafond fixé par le Conseil fédéral, qui selon lui impliquera des économies de l’ordre de 20 à 25%.

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Parmi les pistes évoquées figure le renoncement au remplacement des avions de combat Tiger, un objet pour l’instant reporté à 2015. Ueli Maurer s’est gardé de s’avancer trop sur ce terrain, rappelant que le gouvernement tient à cette acquisition et qu’une solution financière doit encore être trouvée. Le ministère des Finances étudiera la question d’ici à la fin de l’année.

Autres possibilités d’économies: renoncer à certains équipements, revoir le niveau technologique à la baisse, couper dans la coopération internationale. Et le conseiller fédéral d’avertir: «il faut s’attendre à de nombreuses suppressions de postes au ministère de la Défense et dans l’armée».

Certains sites devront être fermés et des systèmes d’armement abandonnés. Il faudra aussi des coupes dans l’entretien, de nouveaux modèles de prestations et une réduction du nombre de jours de service. Cette dernière devrait passer par des écoles de recrues plus courtes ou moins de cours de répétition.

Taille réduite

Dès 2015, l’armée devrait de toute façon voir sa taille fortement réduite. Au lieu d’un effectif actif actuel de 184’000 militaires, elle ne devrait plus compter que 80’000 personnes dans ses rangs. Un seuil à ne pas franchir, a glissé Ueli Maurer.

Le noyau dur destiné à la défense proprement dite et doté d’équipements lourds devrait fondre pour passer à 22’000 militaires. Aucune arme, artillerie ou aviation, ne devrait disparaître, mais le nombre de bataillons devrait être réduit. S’ajouterait un corps de 22’000 personnes chargé du soutien (instruction, service de santé, exploitation d’infrastructures).

Quelque 35’000 fantassins seraient engagés dans les missions d’appui aux autorités civiles, dont 150 pour l’aide en cas de catastrophe, 800 pour l’appui rapide et 8000 pour la protection des conférences et des infrastructures critiques.

Enfin, les opérations à l’étranger devraient gagner en importance avec un effectif de 1000 soldats. D’ici 2014, on devrait déjà être à 500, alors que le chiffre actuel est de moins de 250.

Quelque 16’000 Suisses devraient effectuer leur école de recrue chaque année. Et cinq cours de répétition devraient ensuite suffire, a précisé Ueli Maurer.

Pas d’alternative

Ce concept se base sur le maintien de l’obligation de servir et de l’armée de milice. Le gouvernement rejette d’autres modèles. Il ne veut donc pas d’une armée de métier, d’une armée composée exclusivement de militaires de milice en service long, ni d’une armée dont les cadres seraient tous des militaires contractuels ou professionnels.

L’augmentation de la part des militaires en service long reste en revanche d’actualité. Cette formule aurait différents avantages: accroissement de la disponibilité de l’armée, meilleure compatibilité entre service militaire et études ou travail, instruction plus efficace.

Mais le Conseil fédéral y voit aussi des inconvénients. Les premiers calculs n’indiquent notamment aucun effet d’économie significatif.

Une large discussion est désormais lancée, selon les souhaits d’Ueli Maurer. Le Parlement pourra empoigner le rapport dès la session d’hiver. Le Conseil fédéral lui remettra fin 2012 une proposition de révision de la loi pour concrétiser la réforme. Celle-ci pourrait entrer en vigueur dès 2015.

Réactions contrastées

Discussion amorcée dès les premières réactions. S’il est bien admis par le centre droit et les socialistes, le rapport va trop loin pour la droite conservatrice (UDC) et pas assez pour les verts et les pacifistes.

La critique la plus virulente émane de l’UDC. La réduction des effectifs et la hausse massive du nombre d’hommes en service long minent le principe de la milice et l’obligation générale de servir. L’augmentation des engagements internationaux est tout aussi inacceptable pour le parti. Mêmes critiques de la part de l’Action pour une Suisse indépendante et neutre (ASIN).

Pour les Verts, le plus grand point faible du rapport réside dans le maintien du service militaire obligatoire, alors qu’un tiers déjà des conscrits potentiels ne font pas de service.

Le Groupe pour une Suisse sans armée (GSsA) reproche aussi au Conseil fédéral d’avoir maintenu le concept du service militaire obligatoire, alors que son initiative populaire pour le supprimer suscite actuellement un grand intérêt dans la population.

Pendant la Guerre Froide, les forces armées absorbent environ un tiers du budget fédéral. Avec près de 700’000 soldats en activité, soit plus de 10% de la population la Suisse, petit pays neutre, posséde l’une des plus grandes armées d’Europe continentale.

Le 26 novembre 1989, quelques jours après l’effondrement du mur de Berlin, un tiers des Suisses disent «oui» à une initiative populaire pour la suppression de l’armée. Un choc pour la classe dirigeante, et le début d’une remise en cause de la politique de défense nationale, qui dure encore aujourd’hui.

Armée 95. Le premier projet de réforme conduite à une réduction des effectifs à 400’000 unités dans la seconde moitié des années 90.

Armée XXI, entrée en vigueur en 2004, fait descendre le chiffre à 120’000 soldats actifs et 80’000 réservistes. Le budget a été lui réduit à moins d’un dixième du total des dépenses fédérales.

Le rapport 2010 du Gouvernement veut réduire le nombre de soldats à 80’000 et plafonner les dépenses à 4,4 milliards de francs. Le budget actuel est proche de 4,1 milliards. Le ministre de la Défense Ueli Maurer estime toujours que les forces armées devraient disposer de 5,5 milliards pour s’acquitter de leur mandat.

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