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L’aventure libanaise des athlètes de l’EPFL

Le peloton des athlètes du polyathlon au départ d'un ultime tour de Beyrouth avant la fin de l'épreuve. Photo pierre vaudan

L'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) a vécu son premier «Polyathlon des Cèdres». Une histoire d'exploits sportifs et de rencontres où dix-sept Suisses ont testé leurs limites, fait le plein d'émotions et d'amitié. Impressions.

Beyrouth-Ouest, quartier de Raouché, six heures et demie du matin. Le soleil vient d’allumer les couleurs criardes d’un parc d’attractions assoupi. Immense et immobile, la grand-roue semble regarder fixement une Méditerranée d’un bleu particulièrement intense. La capitale libanaise fait encore la grasse matinée et le serpent de bitume longeant la Corniche se prélasse en attendant de disparaître sous le rugissement des moteurs, les flots de gaz d’échappements et le tintamarre des klaxons.

Adossé au Lunapark, les Bains Militaires du Club des Officiers sont pourtant déjà agités d’une effervescence inhabituelle. C’est là que l’équipe du Polyathtlon du Levant, premier du genre, a pris ses quartiers. Autour d’une longue table de réfectoire noyée sous les éclats de voix ou de rires, les sandwiches au fromage ou au pâté, dix-sept étudiants suisses de l’EPFL, cinq Français et une dizaine Libanais y entament gaiement leur dernière journée d’aventure commune au Pays du Cèdre.

Un périple commencé une semaine plus tôt dans des conditions particulièrement éprouvantes. Car alors que le pays suffoquait toujours dans l’humidité et la chaleur quelques jours auparavant, les «polyathlètes» ont débarqué en plein changement de saison dans un festival ininterrompu d’orages et de pluies torrentielles.

Un spectacle incroyable

Etudiant à l’EPFL et vice-président de l’Association du Polyathlon pour le Moyen-Orient, Vincent Nassar n’est pas près d’oublier ces premiers jours. «Nous sommes arrivés au Liban le samedi en pleine nuit, raconte-t-il. Autant dire que nous n’avons pas beaucoup dormi. Et le lendemain à 4 heures du matin alors que grondait un orage terrible, nous nous sommes lancés dans trois kilomètres et demi de rafting avant d’enchaîner avec 3 kilomètres de nage. Il faisait nuit et lorsque nous nous sommes retrouvés à l’eau, l’intensité des éclairs illuminait tout l’horizon avec de fabuleux coups de tonnerre en même temps. Ambiance disco. C’était un spectacle incroyable.»

A peine séchés, les aventuriers entament ensuite à travers la sublime vallée de la Qadicha, inscrite au Patrimoine mondial par l’UNESCO en 1998, une grimpée de plus de 100 km entre la ville côtière de Byblos et les sommets du Mont-Liban. En ligne de mire: les fameux cèdres devenus l’emblème du pays. Là encore, la météo transforme l’équipée en épreuve implacable.

«Nous avons tout eu, confirme René Bugnon, membre de la direction de l’EPFL et président du polyathlon. Le froid, la pluie, le vent et au sommet la grêle et même la neige. Nous progressions dans la boue et nos VTT n’avançaient plus. Il a fallu faire une halte pour les nettoyer.»

Du Polyathlon au Polygiro

Les conditions météos sont alors si désastreuses qu’il est impossible à la petite troupe d’atteindre le même jour le Qornet es Sawda, plus haut sommet du Proche-Orient culminant à 3083 mètres. Il faudra attendre le lendemain. «Le polyathlon n’est pas extrême, explique René Bugnon, mais il nous apprend à gérer les extrêmes.»

Une fois le sommet atteint, le polyathlon est alors techniquement terminé. Une autre aventure commence alors avec une autre première : un tour du Liban à vélo. «La traversée de la vallée de la Bêkaa (N.d.l.r.: située dans l’est du pays et frontalière avec la Syrie) jusqu’aux vestiges romain de Baalbeck a pour moi été une expérience fantastique, témoigne René Bugnon. En parcourant les villages du Hezbollah nous avons pris conscience de la diversité des communautés qui constituent la mosaïque libanaise. C’était fascinant.»

Choc similaire pour Joséphine, 24 ans, l’une des six «amazones» de l’équipe. «Les habitants ne devaient pas avoir souvent vu de peloton cycliste où se mêlaient des femmes, raconte l’étudiante suisse. Les enfants courraient derrière nous, des jeunes nous suivaient en scooter, nous avions l’impression de traverser une terre vierge.»

A raison de 70 kilomètres par jour, le peloton d’aventuriers boucle son «Poly Giro du Liban» le vendredi à Saida, dans le sud du pays, cumulant les défis et les aventures avant de repartir pour Beyrouth en bus. «En fait, nous n’avons pas trouvé d’itinéraire sûr pour revenir sur la capitale en vélo», confie René Bugnon.

Histoire d’un partage

Arrivés au terme de leur périple, les participants ont le sentiment d’avoir vécu une aventure exceptionnelle où l’amitié et l’entraide ont tenu la vedette. « Les étudiants libanais et français qui étaient avec nous sont devenus de vrais amis, confie Cédric, 25 ans. Ils vont nous manquer.»

Employée dans une ONG libanaise qui s’occupe de développement durable, Tina, 24 ans, retire beaucoup de ce qu’elle voit d’abord comme une expérience de partage. «Ce n’était pas seulement du sport mais un travail sur soi-même, sur la connaissance de ses propres limites, mais tout cela avec l’aide des autres.»

Et Tina de conclure: «C’est aussi une expérience qui propose des valeurs universelles, pacifistes et humanistes. Ici, les jeunes en quête d’un idéal choisissent souvent entre l’exil et l’engagement fanatique dans la politique. Les valeurs de partage, d’entraide et d’acceptation de l’autre véhiculées par le polyathlon pourraient peut-être inspirer une troisième voie.»

swissinfo, Pierre Vaudan à Beyrouth

Prévu une première fois en mars, le Polyathlon des Cèdres a dû être reporté pour raison de sécurité. La tension était alors à son comble entre les partis libanais.

Au mois de mai d’ailleurs, des combats avaient même opposé des miliciens chiites du Hezbollah et de Amal à des paramilitaires progouvernementaux dans le centre de Beyrouth et la montagne druze. Bilan, une soixantaine de morts.

Depuis, des accords conclus à Doha ont permis l’élection d’un président et la formation d’un gouvernement d’union nationale.

Aujourd’hui, une tentative de réconciliation nationale est en cours. Reste que c’est l’armée libanaise qui a accueilli et logé les polyathlètes durant tout leur périple en assurant aussi leur protection au jour le jour.

480 kilomètres à vélo

10’000 mètres de dénivelé

26 kilomètres à pied

3,5 kilomètres de rafting

3 kilomètres de nage

En conformité avec les normes du JTI

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