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L’envol virtuel de l’avion solaire

Bertrand Piccard et André Borschberg, les deux futurs pilotes de l'avion sans carburant. Keystone

Solar Impulse, l'avion solaire de Bertrand Piccard, se trouve quelque part entre Hawaï et la Floride. Et si le vol est virtuel, les conditions météo sont bien réelles.

C’est la troisième simulation de ce type avant le grand départ, prévu en 2011. D’ici là, il faut s’assurer que l’avion peut emmagasiner assez d’énergie le jour pour rester en l’air la nuit.

«Mon job ici est très agréable, on ne me demande que de trouver du soleil. Et des vents favorables», plaisante Luc Trullemans, le météorologue belge qui avait déjà guidé Bertrand Piccard et Brian Jones en 1999 pour leur tour du monde en ballon.

Solar Impulse en effet n’a pas de moteur de secours. Pour voler la nuit, il ne pourra compter que sur l’énergie emmagasinée durant la journée. Et lorsque le niveau des batteries commencera à approcher dangereusement de zéro, le pilote saluera avec soulagement l’arrivée de l’aube.

L’avion se trouvera alors à 3000 mètres d’altitude et il aura absolument besoin d’un ciel dégagé pour que les cellules solaires qui tapissent ses ailes et son aileron arrière puissent recharger rapidement ses batteries. Cette énergie lui permettra de grimper à 12’000 mètres, son altitude de croisière en vol diurne.

«Un immense parapente»

Mais pour l’heure, personne ne risque sa vie dans l’étroit cockpit de l’avion. Car celui-ci n’existe que sur les planches à dessin et dans les disques durs des ordinateurs. La construction doit démarrer cet automne et le prototype effectuera son premier vol en 2008.

Il n’empêche: le sujet passionne déjà. Et depuis longtemps. Cette année, l’équipe de Solar Impulse a très opportunément choisi d’organiser son vol virtuel à l’aéroport de Genève aux mêmes dates qu’Ebace, le salon de l’aviation d’affaires, installé juste à côté, à Palexpo.

C’est donc une meute de journalistes – spécialisés pour la plupart – qui ont pu pénétrer mardi matin dans le centre de contrôle, le même qui avait servi pour le fameux tour du monde en ballon.

Ici, les ordinateurs traitent en permanence quelques milliers de paramètres et l’équipe au sol s’efforce de trouver la meilleure route possible pour un avion virtuel parti d’Hawaï en direction de la Floride, une des cinq étapes du tour du monde prévu en 2011.

A ce stade, il s’agit essentiellement de tester le comportement de la machine face aux caprices de la météo et la gestion de l’énergie entre les cellules solaires, les batteries et les moteurs.

Les tests de résistance des matériaux, eux, ont déjà été faits et Solar Impulse est bien plus solide que ce que sa silhouette longiligne pourrait laisser supposer, assure André Borschberg.

Pour le directeur du projet, qui le pilotera en alternance avec Bertrand Piccard, les sensations aux commandes de cet appareil lent et majestueux n’auront rien à voir avec celles d’un jet. André Borschberg le qualifierait plutôt d’«immense parapente».

«Sexy»

Avec l’envergure d’un Airbus A 380 pour transporter une seule personne, le plus souvent à moins de 100 kilomètres à l’heure, il est clair que Solar Impulse n’a aucun avenir commercial.

Ce n’est pas sur lui qu’il faudra compter pour réduire les quantités considérables de CO2 que le trafic aérien relâche dans l’atmosphère, contribuant au réchauffement de la planète.

Alors finalement, toute cette dépense de matière grise et d’énergie innovatrice, ça sert à quoi ? «C’est un symbole, qui montre ce qu’on peut accomplir en poussant à l’extrême les énergies renouvelables», répond Bertrand Piccard.

«Si nous continuons comme ça, nous allons droit dans le mur», avertit le ‘savanturier’, pleinement conscient des enjeux environnementaux, qui risquent de faire de l’avenir «une catastrophe majeure».

Avec son avion, il entend simplement montrer que «protéger l’environnement est une aventure excitante, quelque chose de sexy, et pas quelque chose de rébarbatif. Ensuite, ce sera aux industriels d’en tirer les conséquences».

Des industriels qui profiteront forcément des retombées technologiques du projet. Car Solar Impulse va permettre de développer des cellules solaires plus efficaces, des batteries plus légères et des moteurs plus performants.

Sans oublier des innovations majeures, comme son système de pressurisation de la cabine, qui ne pèse que 500 grammes et consomme à peine plus de 100 watts. Toujours plus léger et moins gourmand en énergie, c’est aussi cela l’avenir du transport aérien.

swissinfo, Marc-André Miserez

A l’origine, l’avion solaire devait accomplir un tour du monde sans escale. Les contraintes de poids interdisent toutefois d’embarquer deux pilotes, ce qui obligera l’avion à boucler son périple en cinq escales, de trois à cinq jours chacune.

Solar Impulse ne pèse que deux tonnes, pour une envergure de 80 mètres. Ses qualités aérodynamiques sont sans égal à ce jour.

Le budget de l’aventure avoisine 70 millions d’euros. Pour l’heure, il est assuré à 65% grâce aux partenaires, ce qui suffira à aller jusqu’au premier prototype. Celui-ci doit voler dès l’année prochaine à Payerne, dans le canton de Vaud, à moins que d’éventuelles limitations des vols sur l’aéroport n’obligent Solar Impulse à déménager à l’étranger.

Né le 1er mars 1958 à Lausanne dans une famille de savants et d’aventuriers, Bertrand Piccard est psychiatre de formation.

Son grand-père Auguste Piccard (1884-1962), professeur de physique à l’Université de Zurich, a inspiré à Hergé la figure du Professeur Tournesol. Il a ouvert la voie à l’aviation moderne et à la conquête spatiale en réalisant une ascension à 16’201 mètres en ballon stratosphérique.

Son père Jacques Piccard (né en 1922) descend en 1960 dans la Fosse des Mariannes, le point le plus profond des océans de la Terre (-10’916 mètres). Il construit ensuite le Mésoscaphe, attraction de l’Exposition nationale de 1964.

En 1983, Bertrand Piccard, alors Champion d’Europe de vol acrobatique participe au premier Tour de France des ULM (ultra-légers motorisés). Il est le premier à traverser les Alpes en ULM dans le sens Suisse-Italie.

En mars 1999, après deux tentatives infructueuses, il boucle avec Brian Jones le premier tour du monde en ballon sans escales, en 19 jours, 21 heures et 47 minutes.

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