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L’Europe est en train de fournir des armes à Christoph Blocher

Face aux ambitions politiques du leader populiste autrichien Jörg Haider, l’Union européenne est sortie de ses gonds. Mais elle risque de renforcer la position de ceux qui, en Suisse, sont hostiles au processus de rapprochement avec l’Europe.

Face aux ambitions politiques du leader populiste autrichien Jörg Haider, l’Union européenne est sortie de ses gonds. Mais elle risque de renforcer la position de ceux qui, en Suisse, sont hostiles au processus de rapprochement avec l’Europe.

Politiquement correcte, mais dangereuse et contre-productive! En qualifiant ainsi l’attitude crispée de l’Europe face à la prétention du national populiste Jörg Haider à partager le pouvoir en Autriche, Pierre De Senarclens prend la mesure d’une situation particulièrement délicate. Professeur de relations internationales à l’Université de Lausanne, il tempère.

D’abord, l’Europe, qui a menacé l’Autriche d’une mise en quarantaine, «n’a pas les moyens de sa politique, puisqu’elle ne dispose d’aucun mécanisme sérieux pour isoler l’Autriche». Elle peut tout juste mettre Vienne sous observation. Comme l’a annoncé, mardi, le président de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. L’Ecossais Lord Russel-Johnston suivra «de près» la politique et les objectifs déclarés de la future coalition autrichienne.

Il faut dire que la réaction européenne touche à une question très sensible: la souveraineté. Cela est d’autant plus gênant que «le gouvernement autrichien est l’expression d’une logique électorale», souligne Pierre De Senarclens. Après tout, Jörg Haider est sur le devant de la scène politique à la suite d’un processus démocratique.

«Si, arrivé au gouvernement, il se comporte de la manière la plus démocratique possible, il n’y a pas de raison de s’inquiéter. Et ce, même si je désapprouve ses idées politiques», renchérit Claude Raffestin. Professeur à l’Université de Genève, il pourfend un concept à la mode en Europe. Celui de «racisme alpin», qu’incarneraient Jörg Haider et Christoph Blocher. Une manipulation idéologique, selon lui, qui ne correspond pas à la réalité.

Le risque induit par l’attitude de l’UE face à l’Autriche est, selon Pierre De Senarclens, de faire le lit de l’UDC. Et même «de donner des armes à Christoph Blocher», renchérit Claude Raffestin. En faisant resurgir les mythes d’une Suisse indépendante, capable d’affirmer sa propre souveraineté au cœur d’une constellation d’Etats, dirigés par des structures européennes dont on désapprouve le mode de fonctionnement.

Une erreur tactique, voire stratégique qui, selon De Senarclens, peut, à terme, «renforcer les tendances conservatrices, voire fascisantes et créer, en Suisse, un mouvement d’hostilité à l’Union européenne».

Jugurtha Aït-Ahmed

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