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L’Union européenne sur la voie du fédéralisme

Sauf surprise, l'Europe sera dotée d'une Constitution en mai 2004. Keystone

Après le sommet de Rome, la nouvelle Constitution européenne est sur les rails. La future Union s’apparentera à un Etat fédéral.

Le projet présente quelques analogies avec le système fédéral suisse.

Les dirigeants de la future Union européenne (UE) élargie ont ouvert les tractations pour l’adoption d’une première Constitution européenne, le week-end dernier à Rome.

Le texte présenté par la Convention européenne définit les contours de la future Europe politique.

Le projet n’a pas suscité de fortes oppositions. En réalité, la bataille s’est focalisée sur quelques points de détail.

Pour l’heure, il n’y a pas d’accord sur le principe de majorité nécessaire aux prises de décision.

On ne sait pas non plus si l’exécutif comptera 15 ou 25 commissaires ayant le droit de vote. Ou si le texte final évoquera ou non les racines chrétiennes du Vieux Continent. Mais une chose est claire: l’Europe de demain sera plus unie.

Une entité à part entière

Thomas Fleiner, directeur de l’Institut du fédéralisme de l’Université de Fribourg, souligne le caractère historique du projet.

«Le projet de Constitution est une base pour la création d’un véritable Etat, dit-il. Alors que jusqu’à présent, l’Union Européenne se contentait d’un statut proche de celui d’une organisation internationale».

La future Europe sera en effet dotée d’un parlement chargé d’élaborer les lois, d’une commission exécutive et d’un tribunal qui détiendra le pouvoir de contrôle.

En clair, les 25 pays constituant l’Europe de 2004 s’uniront en une entité à part entière avec laquelle il faudra compter.

«On passe finalement d’un statut de fédération à celui d’Etat fédéral», résume Thomas Fleiner.

De son côté, Lorenzo Allio reconnaît que «les décisions prisent à Rome vont dans cette direction». Cela dit, cet expert de l’European Policy Center de Bruxelles met un bémol: «Le chemin pour y parvenir est encore long.»

Le respect des minorités, comme en Suisse

La Suisse moderne est, elle aussi, bâtie sur un système fédéral. C’est en 1848 que les cantons se sont dotés d’une constitution unitaire ainsi que d’un gouvernement central.

Le modèle du petit Etat des Alpes laissera-t-il son empreinte sur l’Europe de demain?

«On ne peut pas le formuler ainsi, relativise Thomas Fleiner. Mais certains points du projet de la Convention européenne ressemblent à des modèles connus. Quelques-uns d’entre eux sont appliqués depuis 150 ans en Suisse».

Ainsi, le projet de Constitution fixe le principe de respect des minorités et des diversités, «un élément fondateur de la Suisse», précise Thomas Fleiner.

Le fonctionnement du futur gouvernement européen est lui aussi proche du système helvétique: les décisions sont prises collégialement par tous les commissaires.

En revanche, la Suisse ne connaît pas un système présidentiel fort, comme celui proposé par la Convention européenne.

Participation et équilibre

Révolutionnaire pour beaucoup de pays, le projet de Constitution européenne prévoit également un droit d’initiative permettant la participation directe de quelque 450 millions d’habitants.

«Toutefois, nous sommes très éloignés du système de démocratie directe que connaît la Suisse», note encore Thomas Fleiner.

La proposition est toutefois novatrice. De nombreux pays européens ne connaissent en effet que la démocratie représentative. Le peuple est appelé aux urnes pour élire un représentant politique et non pas pour voter sur un objet précis.

Pour garantir l’équilibre entre le gouvernement central et les gouvernements nationaux, la Commission exécutive sera dotée d’un poids important. Le parlement pourra toutefois destituer ses membres.

A la différence de la Suisse, la primauté n’est pas donnée aux représentants du peuple. Ces derniers bénéficieront toutefois de moyens de pression sur l’exécutif.

L’Europe du futur aura sûrement un président et un ministre des Affaires étrangères, une défense coordonnée et une Banque centrale qui définira les grandes lignes du développent économique.

En outre, tous les processus de décision seront soumis au contrôle des juges de la Cour constitutionnelle.

Le pouvoir de la raison

«Pour autant, l’Europe de demain ne sera pas un État unitaire et encore moins un pays fédéraliste, précise pour sa part Lorenzo Allio. Le terme de fédéralisme n’apparaît d’ailleurs pas dans le texte présenté par la Convention européenne».

Et l’intéressé d’ajouter: «pour de nombreux européens, y compris les Français et les Britanniques, le concept reste encore tabou»

Les débats ne sont pas terminés. Le texte de la Constitution européenne doit encore être peaufiné. Et, pour l’heure, les membres de la future Europe cherchent toujours à défendre leurs points de vue.

Toutefois, à l’instar de l’Allemand Gerhard Schroeder, les chefs d’Etat de l’UE élargie se disent confiants dans le «pouvoir de la raison».

Le calendrier a été confirmé à l’occasion du sommet de Rome: en mai 2004 l’Europe sera dotée d’une Constitution.

Mais, ce ne sera pas l’année prochaine que l’Union se transformera en «Etats-Unis d’Europe» ni même en une «Confédération européenne».

swissinfo, Daniele Papacella
(Traduction, Vanda Janka)

– Il aura fallu pratiquement un an de débats à une commission préparatoire baptisée «Convention» pour élaborer un projet de constitution pour l’Europe unie. But de l’opération: créer des structures centrales et unitaires qui préparent l’Union à son élargissement à l’Est en 2004.

– Il s’agissait d’une première au niveau européen. La Convention a en effet réuni les représentants des gouvernements nationaux, des régions et du Parlement européen dans un débat volontairement transparent.

– Avec ce projet, l’UE se dote d’un véritable gouvernement. Certains détails sont encore à clarifier. Mais on prévoit qu’un compromis sera trouvé d’ici le mois de mai 2004, date de l’arrivée de dix nouveaux pays membres dans l’Union.

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