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La CIA américaine contourne le secret bancaire

La Banque nationale suisse fait partie des superviseurs de Swift depuis les années 80. Keystone Archive

Washington a confirmé avoir espionné depuis cinq ans des transactions financières internationales – et suisses - au nom de la lutte contre le terrorisme.

Informées par l’ambassade américaine à Berne, les autorités fédérales ne s’affolent pas, mais juristes et experts de la protection des données sont inquiets.

Le secrétaire au Trésor John Snow a confirmé dans un communiqué les révélations apportées vendredi par la presse américaine.

M. Snow a justifié cette surveillance, menée par le biais de Swift, une compagnie basée en Belgique par laquelle transitent la plupart des transactions financières mondiales, comme l’indiquent le «New York Times» et plusieurs autres grands quotidiens américains.

Mené par la CIA sous la supervision du département du Trésor, ce programme secret a été lancé après les attentats du 11 septembre 2001.

Plus de 350 institutions suisses

Créée en 1973 à Bruxelles, la société Swift (Society for Worlwide Interbank Financial Telecommunication) gère un système de messageries sécurisé pour les banques dans plus de 200 pays.

En Suisse, elle compte 99 banques et 254 instituts financiers parmi ses membres. De même 2 des 25 sièges du conseil d’administration sont occupés par des membres de l’UBS et du Credit Suisse.

Swift a reconnu vendredi avoir transmis un «nombre limité» de données aux autorités américaines engagées dans la lutte anti-terroriste. En précisant que le groupe des banques nationales, qui ont un droit de regard sur Swift, en avait été informé.

Zone grise de la loi

Mais l’affaire fait grand bruit. Aux Etats-Unis, les organisations de défense des libertés s’inquiètent. Le Trésor américain souligne que les restrictions d’accès aux transactions financières ne s’appliquent pas au réseau SWIFT, considéré comme un prestataire de services et non pas comme une banque.

Mais le «New York Times» cite des responsables qui estiment plutôt que les renseignements évoluent dans une «zone grise» de la loi. En Suisse, l’UBS a déclaré dimanche que «le secret bancaire n’est pas lésé».

Mais le ministère belge de la Justice ne l’entend pas de cette oreille. Informé, comme tout le monde, de l’affaire par la presse américaine de vendredi, il a demandé l’ouverture d’une enquête au service de renseignement belge ainsi qu’une analyse juridique auprès de ses services pour savoir si le droit belge a été lésé.

En Suisse aussi, le préposé à la protection des données s’inquiète. Hanspeter Thür estime qu’il n’y a aucune base légale pour transmettre des informations sur des clients et que ceux-ci devraient en être informés.

«Nous allons prendre contact avec les services européens de protection des données afin de coordonner notre réaction», déclare-t-il dans la «NZZ am Sonntag».

Toujours dans le journal du dimanche, Mark Pieth, professeur bâlois de droit pénal, juge la situation problématique. Mais il explique que Swift est «vulnérable aux pressions» et que les autorités états-uniennes peuvent facilement bloquer son fonctionnement en lui faisant retirer sa licence aux Etats-Unis.

Pas d’infraction au droit suisse

La presse américaine a fait état de pressions gouvernementales pour empêcher la publication de ces informations. Lorsque celles-ci ont tout de même paru vendredi, l’ambassade des Etats-Unis a contacté d’elle-même le gouvernement suisse.

Qui a fait répondre à la presse du dimanche qu’il ne voyait pas d’atteinte au droit suisse et que cette affaire incombait à la Banque nationale (BNS). Contactés à son tour, celle-ci a répondu n’avoir «aucun pouvoir de contrôle juridique en Belgique».

Le Trésor américain, lui, affirme que la surveillance financière était limitée et ne visait que les transactions de personnes soupçonnées de liens avec le terrorisme.

«En suivant les flux d’argent, les Etats-Unis ont été capables de localiser les activistes et leurs financiers, repérer des réseaux terroristes et aider à les traduire en justice et à sauver des vies», a déclaré M. Snow.

La banque de données de Swift, selon le «New York Times», a permis la capture de Riduan Isamuddin, alias Hambali, considéré comme le cerveau des attentats qui avaient fait plus de 200 morts à Bali en 2002.

swissinfo

– Créée en 1973 en Belgique, Swift gère un système de messageries sécurisé pour 7800 institutions financières dans 200 pays, avec un volume de transaction de 6000 milliards de dollars par jour.

– En Suisse, elle regroupe 99 banques et 254 instituts financiers et les transactions atteignent 200 milliards de francs par jour.

– Deux des 25 sièges du conseil d’administration sont occupés par les Suisses Yves Mass (Credit Suisse) et Stephan Zimmermann (UBS), élu récemment vice-président.

– Depuis les années 80, la Banque nationale Suisse (BNS) fait partie du groupe des banques nationales (g-10) qui supervise Swift.

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