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La condamnation de Microsoft par l’UE est confirmée

L'amende astronomique est une bagatelle pour Microsoft mais nuit à son image. Keystone

Le tribunal de première instance de l'Union européenne (UE) a confirmé l'amende-record de 497 millions d'euros infligée par la Commission européenne à Microsoft pour abus de position dominante.

Selon Matthias Zehnder, expert en nouvelles technologies, les répercussions pour l’usager resteront limitées. A long terme toutefois, il voit un affaiblissement de Microsoft dans le domaine des formats musicaux.

Le 24 mars 2004, la Commission européenne (CE) avait condamné Microsoft à une amende record de 821 millions de francs, la plus forte qu’elle ait jamais imposée à une entreprise. Décision contre laquelle le géant américain avait alors fait appel.

Plus que cette somme astronomique, l’entreprise américaine contestait les deux mesures correctives imposées par la CE.

Celle-ci avait alors contraint Microsoft à commercialiser une version de son système d’exploitation Windows, qui équipe 92% des PC de la planète, purgée du logiciel Media Player. Elle estimait en effet qu’en intégrant automatiquement le Media Player à Windows, le groupe se servait de sa position dominante pour éliminer ses concurrents.

Bruxelles avait également obligé le géant américain à fournir une meilleure documentation technique à ses concurrents, afin qu’ils puissent concevoir des logiciels compatibles avec la version Windows pour serveurs.

La décision de lundi confirme «l’objectivité et la crédibilité» de la CE, s’est réjoui José Manuel Barroso, président de l’exécutif européen.

De son côté, Microsoft a fait savoir, par l’un de ses avocats, qu’elle attendait de connaître les considérants de la Cour pour décider s’il fera appel ou non.

swissinfo a demandé des explications à Matthias Zehnder, expert des nouvelles technologies.

swissinfo: Le jugement de la cour européenne était très attendu. Quelles sont ses implications?

Mathias Zehnder: Microsoft a fait appel du jugement il y a trois ans, et les juges ont tranché. Ils ont affirmé que Microsoft a enfreint la loi européenne sur la concurrence. Pour le géant américain, c’est un coup dur pour deux raisons. La plus haute instance européenne a confirmé d’une part que Microsoft ne respectait pas les règles de la concurrence et, d’autre part, qu’il devait en assumer les conséquence au niveau financier et opérationnel.

swissinfo: La confirmation du jugement aura-t-elle des conséquences sur le marché suisse des utilisateurs d’ordinateurs?

M. Z.: Pour l’utilisateur, les conséquences sont très difficiles à évaluer. La décision d’aujourd’hui aura plutôt des effets sur le marché et encore, sur un segment bien particulier, qui touche au couplage des technologies multimédias au système d’exploitation.

Il est très difficile d’imaginer ce qui va se passer dans ce secteur. L’ironie de la situation, c’est que Microsoft n’a pas tiré grand profit dans toute cette affaire. C’est Apple, malgré sa taille plus modeste, qui règne dans le secteur audio-vidéo.

Pour les utilisateurs qui ont déjà un ordinateur, les conséquences sont relativement peu importantes. Mais ce découplage qui doit être appliqué peut avoir des conséquences à plus long terme sur le marché.

swissinfo: Pourquoi le couplage des logiciels multimédias avec le système pose-t-il un problème, en matière de concurrence?

M. Z.: Si j’achète un PC doté d’un système d’exploitation Windows, je n’ai aucun choix, car le Mediaplayer est automatiquement intégré. Mais en choisissant ce logiciel, je choisis aussi le format de la musique que je stocke. Si je veux installer un autre logiciel audio-vidéo, je ne pourrai plus écouter ce que j’aurai enregistré.

swissinfo: Apple occupe une position plus importante en Suisse que dans d’autres pays européens. Cela a-t-il une quelconque importance?

M. Z.: C’est vrai que la Suisse compte plus d’ordinateurs Apple, mais c’est encore trop peu pour être significatif.

Dans le domaine des technologies audio-vidéo, il faut occuper des parts de marché beaucoup plus importantes et, pour être concurrentiel, il faut être européen et global.

swissinfo: L’amende est énorme. Mais le jugement lui-même peut-il momentanément ternir l’image de Microsoft?

M. Z.: Oui, momentanément. Mais attention, Microsoft est déjà talonné par la concurrence sur le marché des technologies muldimédias.

Interview swissinfo: Renat Künzi
(Traduction de l’allemand: Isabelle Eichenberger)

1998: Sun Microsystems porte plainte contre Microsoft auprès des autorités de régulation de la concurrence de la Commission européenne. Motif: Microsoft cherche à étendre sa position dominante sur le marché européen.

Février 2000: la CE ouvre une enquête.

Août 2001: la CE critique le groupage du lecteur Media Player au système d’exploitation Windows.

Mars 2004: la CE inflige à Microsoft une amende de 497 millions d’euros pour «abus de position dominante». Elle exige aussi que Microsoft commercialise une version de Windows sans lecteur multimédia dans les pays de l’UE.

Juin 2004: Microsoft fait appel.

Septembre 2007: le tribunal de première instance de l’UE rejette l’appel et confirme l’amende.

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