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La droite dure, nouvelle championne des PME

Constituant 65% des emplois du pays, les PME sont une cible de choix pour l'UDC. Keystone Archive

Parmi les 34 entrepreneurs récemment élus à la Chambre basse du Parlement, près de la moitié sont membres de l'Union Démocratique du Centre (droite dure, UDC).

Ce résultat illustre le malaise des PME frustrées et déçues par la politique économique de la Confédération.

A l’unisson, les partis bourgeois ont fait campagne en plaidant pour des allègements fiscaux et moins d’entraves à l’économie.

Mais les patrons de petites et moyennes entreprises (PME) ont l’impression que, l’UDC est mieux à même résoudre leurs problèmes, a déclaré le politologue Claude Longchamp au lendemain des élections du 19 octobre.

Des arguments simplistes

«Normal» renchérit Paul Dembinski, économiste, directeur de l’Observatoire de la finance. «L’UDC fonde sa politique économique sur des arguments simplistes, propres à séduire viscéralement les chefs d’entreprises.»

«Du point de vu de l’entrepreneur, l’Etat est un empêcheur de faire des affaires puisqu’il émet des réglementations. Il surveille et taxe les entreprises», rappelle Paul Dembinski.

En clair, avec un programme qui pourrait se résumer en un seul slogan: «moins d’impôts et moins d’Etat», l’UDC avait toutes les chances de convaincre les chefs d’entreprises «et notamment ceux qui n’ont pas tout à fait saisi la complexité du système dans lequel ils évoluent.»

Et Paul Dembinski d’asséner un exemple éloquent: «si la population devait se prononcer sur une diminution du nombre des amendes d’ordre, il y a fort à parier qu’elle voterait pour.»

Moins d’impôts et moins d’Etat

L’UDC défend la thèse selon laquelle la perte de la compétitivité de l’économie suisse s’explique avant tout par l’emprise grandissante de l’Etat sur l’économie privée.

Cela se solde, selon l’UDC, par une augmentation de la quote-part de l’Etat et de la quote-part fiscale.

Pour relancer la croissance, le parti du député Christophe Blocher préconise notamment une rigueur budgétaire absolue et une réduction des tâches de la Confédération.

Il exige également une baisse substantielle des impôts fédéraux, la stabilisation de la TVA et un climat plus favorable aux entreprises.

La droite dure demande notamment des tarifs préférentiel pour les bénéfices réinvestis dans les entreprises et la suppression de la double imposition (bénéfice dans l’entreprise et dividende chez l’actionnaire).

Une majorité de sociétés simples

«Les PME se reconnaissent peut être dans ce type de discours, souligne Paul Dembinski, mais la majorité d’entre-elles ne sont pas concernées par ces revendications.»

«En Suisse, la plupart des PME, voire les 9/10e, sont des sociétés simples», constate l’économiste.

Les mesures préconisées par l’UDC «visent avant tout à favoriser les sociétés anonymes», explique l’intéressé. «Il ne faut pas oublier que les SA sont le plus souvent des filiales de grands groupes».

Et l’économiste d’ajouter, «il est vrai que la progression de la part fiscale et la part de l’Etat ont augmenté ces dernières années, mais leur niveau reste faible en comparaison internationale.»

Pourtant, le parti de Christophe Blocher ne s’embarrasse pas de ce type de comparaison.

Pour l’UDC la croissance économique suisse est en berne, il faut donc libérer des fonds pour la consommation et les investissements, tout en obligeant l’Etat à réduire son poids économique, social, et législatif.

Réduire les taxes

«Il faut amincir l’Etat», résume Jean-François Rime, député UDC nouvellement élu.

«Aujourd’hui, dit-il, les PME croulent sous les contraintes de tous ordres. Pour relancer la machine, il faut réduire les procédures mais aussi le nombre de lois, de règlements et de formalités auxquels nous sommes soumis.»

A la tête d’une entreprise de 150 employés, Jean-François Rime se veut le défenseur des petites et moyennes entreprises. Son credo: améliorer les conditions-cadre et surtout «baisser les redevances et les taxes» qui étouffent les PME.

«L’Etat a peu de moyen d’intervenir en faveur des PME, admet le nouvel élu. En revanche, il peut éviter de prendre des mesures défavorables à leurs activités.»

Et Jean-François Rime de fustiger une politique environnementale excessivement contraignante, des aménagements du territoire exagérément restrictifs ou encore une politique des transports trop onéreuse car trop lourdement taxée.

«En Suisse, le poids économique des réglementations s’élève, selon les branches, à 2% ou 4% du chiffre d’affaires des entreprises, rétorque Paul Dembinski. Et il n’est pas plus élevé que dans les autres pays de l’OCDE, mais simplement réparti selon des modalités différentes.»

Des entreprises responsables

Par ailleurs, souligne encore l’économiste, ces coûts découlent pour la plupart de la complexité d’une société où les questions de la traçabilité des produits, de la responsabilité écologique et de la transparence des entreprises sont toujours plus importantes.

«Le message simpliste qui tend à dire que l’on va libérer les PME suisses de ces contraintes est absurde et irresponsable», affirme Paul Dembinski.

Selon lui «l’époque du Far-Ouest est révolue. Les sociétés, PME incluses, sont responsables de leurs actes et non plus uniquement du produit qu’elles commercialisent.»

Reste que le malaise des PME est bien réel. Confrontées aux mêmes tâches et aux mêmes règles que leurs grandes sœurs, elles sont clairement désavantagées par leur taille.

«En Suisse, l’idéologie économique consiste à dire que privilégier les PME conduirait à créer une distorsion de la concurrence», résume Paul Dembiski.

«Lorsqu’on veut améliorer leur sort, on se contente donc de proposer des allègements d’ordre général dans les secteurs les plus difficiles à supporter pour elles.»

Des PME délaissées

Ce constat résume toute l’ambiguïté de la politique du Département fédéral de l’économie (DFE). Présenté ce printemps par le ministre de l’économie Joseph Deiss, le dernier rapport en faveur des PME a d’ailleurs laissé un goût amer à plus d’un petit patron.

«Le DFE s’est contenté de sortir de ses tiroirs un catalogue de mesures au-dessus desquelles il a mentionné le terme de PME», déplore Paul Dembiski.

Et d’ajouter, «le terme de PME recouvre des réalités très hétérogènes. La Suisse ne possède aucune étude sérieuse concernant cette population.»

Difficile dans ces conditions de proposer des mesures réellement adaptées aux besoins de ce tissu économique qui constitue pourtant plus de 65% des emplois du pays.

swissinfo, Vanda Janka

Le plan d’aide aux PME du ministère de l’économie:

-Encourager les investissements dans le capital-risque.

– Rendre le cautionnement plus efficace.

– Modifier l’imposition des options sur titres.

– Introduire la signature électronique.

– Créer un guichet virtuel avec une palette de formulaires et de documents sur internet.

– Décompter les assurances sociales et les déclarations fiscales en une seule opération.

– Evaluer l’impact de la réglementation lors de la révision de lois concernant les PME.

– Reconduire la promotion des exportations selon la stratégie arrêtée en 2001.

– Créer un label «Business Network Switzerland» au sein de l’Office suisse d’expansion commerciale.

– Poursuivre la mise en place à l’étranger du réseau de promotion des exportations via les «Swiss Business Hubs».

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