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La famille séduit même les patrons

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Parent pauvre de la politique fédérale, la famille suscite un plus grand intérêt à droite comme à gauche. Les patrons se penchent, eux aussi, à son chevet.

Tour d’horizon à l’occasion de la journée internationale de la famille de l’ONU, célébrée jeudi.

«Il n’y a pas si longtemps, les milieux économiques et la frange la plus conservatrice du monde politique n’hésitaient pas à dire que chacun devrait réfléchir avant de décider s’il voulait ou non avoir une famille», lance Jürg Krummenacher.

Et le président de la Commission fédérale de coordination pour les questions familiales (COFF) d’ajouter: «en d’autres termes, ceux qui n’avaient pas les moyens devraient tout simplement y renoncer.»

Ce temps pourrait bientôt être révolu. En effet, de mémoire de parlementaire, même à l’approche d’élections fédérales, jamais la famille n’a suscité autant d’intérêt.

L’union fait la force

Et ses plus farouches défenseurs, démocrates chrétiens et socialistes, n’hésitent plus à unir leurs forces pour faire avancer le dossier au niveau du parlement.

Les deux partis réclament des déductions fiscales en faveur des familles. Ainsi qu’une unification des allocations familiales au plan fédéral avec le versement d’une prime minimale comprise entre 200 et 250 francs par enfant.

Les conseillères nationales Jacqueline Fehr (PS/Zh) et Lucrezia Meier-Schatz (PDC/SG) ont en outre déposé chacune une initiative parlementaire demandant l’élargissement du «modèle tessinois» à l’ensemble suisse.

Calculées sur le mode des prestations complémentaire de l’AVS et de l’AI, ces allocations ciblées visent essentiellement à soutenir les familles à bas revenus.

Une première victoire

«Nous avons enregistré une première victoire puisque ces initiatives ont passé la rampe du Conseil national (chambre du peuple), explique Lucrezia Meier-Schatz. Elles devraient être soumises au Parlement au printemps prochain.»

«Toutefois, nous craignons que l’état des finances fédérales ne freine la mise en œuvre des différents projets à l’étude», tempère la députée et secrétaire générale de Pro Famillia.

En effet, malgré la prise de conscience de la nécessité de soutenir les familles, les instruments pour y parvenir et leur mode de financement ne font pas l’unanimité.

En la matière, les seuls projets en voie de concrétisation sont d’ailleurs ceux qui ont obtenu le soutien du monde économique.

Mobilisation du patronat

Pour mémoire, le programme d’impulsion à la création de structures d’accueil pour les enfants, voté par les Chambres fédérales l’an dernier, doit son succès au ralliement d’une partie des milieux économiques.

Démocrates et socialistes avaient en effet réussi à convaincre Peter Hasler, le directeur de l’Union patronale, que l’économie avait tout à gagner dans la mise en œuvre de conditions-cadres facilitant la vie quotidienne des mères, et favorisant donc le taux d’activité des femmes.

L’assurance maternité pourrait, elle aussi, renaître de ses cendres grâce au bon vouloir du patronat.

Le projet Triponez – du nom du député radical et directeur de l’Union des arts et métiers (USAM) – semble en effet avoir de bonnes chances de faire l’unanimité au Parlement.

A la différence du paquet refusé par le peuple en 1999, le nouveau projet d’assurance maternité ne concerne que les femmes actives. Elles pourraient percevoir 80% de leur salaire durant 14 semaines.

Qui paye quoi

«Je ne vois pas pourquoi nous devrions financer les femmes au foyer, déclare Pierre Triponez, l’économie n’est pas responsable de la famille.»

«En revanche, dans la mesure où les femmes participent toujours plus au monde du travail, il est clair que l’économie doit s’engager en matière de politique familiale», poursuit le directeur de l’USAM.

Pour autant, le patronat n’entend pas passer à la caisse. D’ailleurs, en matière de soutien à la famille, il soutient le principe des déductions fiscales au détriment des aides directes.

«Nous serions toutefois disposés à rediscuter le système actuel des allocations familiales», précise Pierre Triponez.

«Mais, dit-il, il faudrait en revoir le mode de financement. Pour l’heure, ces prestations sont, en effet, entièrement à la charge du patronat.»

Du côté de la Commission fédérale pour les questions familiales, on affirme qu’une proposition en ce sens est d’ores et déjà à l’étude.

«Les organisations de politique familiale envisagent une contribution des salariés en vue de la mise en œuvre d’une allocation familiale fédérale, souligne Anouk Friedmann, secrétaire de la COFF.

Et d’ajouter, «il faut toutefois encore définir la participation respective des employeurs et des employés. Et c’est une décision politique.»

Des motivations divergentes

«Il est vrai que depuis quelques temps, le monde de l’économie peut être considéré comme un partenaire important pour le développement de la politique familiale en suisse», poursuit Anouk Friedmann.

«Mais, dit-elle, il ne faut pas s’y tromper. Il existe toujours des divergences importantes quant au sens et à l’ampleur du soutien qui doit être accordé à la sphère familiale.»

En clair, les défenseurs de la famille estiment que l’éducation d’un enfant est une prestation à part entière qui doit être soutenue par la société.

Pour sa part, le patronat entend avant tout favoriser l’intégration des femmes sur le marché du travail.

La bataille pour une nouvelle politique familiale en Suisse est donc encore loin d’être gagnée.

Le sujet a encore de beau jour devant lui, d’autant que, au vu de la transformation économique et sociale de la société, les pressions en faveur d’interventions publiques dans les questions familiale se font toujours plus vives.

swissinfo, Vanda Janka et Hansjörg Bolliger

En 1960, 50% des ménages étaient composés de familles avec enfants. Cette proportion n’est plus que d’un tiers.

Plus de 40% des diplômes sont délivrés à des femmes.

Plus de 70% des femmes ayant des enfants de plus de 10 ans sont actives.

Avant la naissance de leur 2e enfant, 60% des femmes travaillent à temps complet et 10 à temps partiel.

Position des partis politiques suisses:

– PDC : Il soutient surtout l’intérêt de l’enfant et réclame des améliorations fiscales pour les familles et l’allégement des primes d’assurance maladie. Il soutient en outre les projets de prestation complémentaires pour les familles à bas revenu.

– PS : Il revendique la sécurité matérielle des familles. Au moyen d’une allocation familiale pour tous les enfants, de crédits fiscaux et de prestations complémentaires. Il réclame aussi des mesures visant à concilier travail et vie familiale.

– PRD: Il soutient essentiellement des mesures visant à concilier profession et famille. La responsabilité en incombe toutefois essentiellement aux entrepreneurs et aux familles elle-même.

– UDC : Il conçoit la famille comme un fondement de la communauté nationale. Mais refuse toutefois d’étendre les prestations de l’Etats.

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