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La fermeture du Gothard condamne le Tessin

Le tronçon uranais de l'A2 restera fermé pour plusieurs semaines. Keystone

Le dommage économique que devrait subir le Tessin suite à la fermeture de l'axe du Gothard pourrait se chiffrer en millions de francs. Un scénario déjà vécu en 2001.

De toutes les branches, le tourisme tessinois est le plus sensible face à la fermeture de l’A2. Pourtant, durant la Pentecôte les hôtels affichaient complet.

Selon une étude menée par l’Institut de recherches économiques de l’Université de la Suisse italienne (USI), la fermeture du tunnel du Gothard – suite à l’incendie qui avait fait 11 morts en octobre 2001 – a coûté plus de 33 millions de francs à l’économie tessinoise.

Cette fois, l’A2 devrait rester bouclée jusqu’à la fin de la première semaine de juillet, juste avant les grands départs en vacances. Le tronçon autoroutier entre Wassen et Amsteg présente toujours d’importants dangers. Un pan de la falaise surplombant le village de Gurtnellen menace encore de se détacher de la montagne.

Des travaux de préparation pour le dynamitage de cette masse de granit, pesant près de 10 tonnes, sont en cours.

Une fois encore, le montant des pertes que devrait essuyer l’économie de la Suisse italienne, pourrait être élevé. Un exemple: le chiffre d’affaire de la station d’essence de Stalvedro, à quelques kilomètres de l’entrée sud du tunnel du Gothard, atteignait à peine 15’000 francs lundi de Pentecôte. Habituellement et à pareille date, le contenu de la caisse avoisine les 200’000 francs.

Tous les distributeurs d’essence et les petits commerces installés le long de l’autoroute A2 sont touchés de plein fouet par cette fermeture. Et, il ne s’agirait là que de la pointe de l’iceberg.

Inflation de frais

Toutes les entreprises qui dépendent d’échanges commerciaux avec le nord des Alpes sont concernées par le problème.

«Les petites et moyennes entreprises qui doivent livrer leurs marchandises au nord du pays, ont intérêt à garder leurs stocks. Pour le moment, les frais de transport sont si élevés qu’ils rendent l’opération aléatoire», affirme Luca Albertoni de la Chambre de commerce et d’artisanat du Tessin, (CCIATI).

«Il faut compter un franc de plus par kilomètre parcouru et 150 francs de l’heure de surtaxe pour les transports effectués à bord de véhicules de 40 tonnes. Pour rallier le sud des Alpes à Berne, deux heures de trajet supplémentaires sont nécessaires», explique Waldo Bernasconi, président de la section tessinoise de l’Association des transporteurs (ASTAG).

Face à ce constat, les milieux économiques tessinois réagissent et exigent que l’interdiction de rouler de nuit des poids-lourds soit levée temporairement et sans attendre. Selon eux, cette mesure permettrait d’atténuer les dommages économiques découlant de la fermeture de l’A2.

Mais pour l’heure, l’Office fédéral des routes (OFROU) maintien sa position et s’oppose au principe même d’une telle exception. Quant au canton des Grisons, qui est précisément traversé par l’A13 et le San Bernardino, celui-ci refuse de devenir «le parking de l’Europe».

Grande distribution

«La grande distribution est l’un des secteurs les plus touchés», souligne le professeur Roman Rudel, auteur d’une étude sur les conséquences économiques subies par le Tessin au lendemain de la fermeture du tunnel du Gothard en 2001.

L’essentiel des marchandises contenues dans les rayons des supermarchés au Tessin provient de Suisse alémanique.

«Même si nous ne les avons pas calculés avec précision, nos frais ont effectivement augmenté», admet Francesca Sala, porte-parole des filiales Migros au Tessin.

«Mais, plus de 50% de nos marchandises sont expédiées par le train», précise Francesca Sala en relativisant la situation.

Les touristes préfèrent le rail



L’avalanche d’annulations tant redoutée par les hôteliers ne s’est finalement pas produite. «Le bilan du week-end de la Pentecôte a dépassé tous nos espoirs. Ceux qui avaient réservé sont venus malgré tout», se réjouit pour sa part Marco Boggia, secrétaire de la Société tessinoise des hôteliers.

Les trains ont été pris d’assaut. Et, les CFF avaient aussi prévu 4000 places de plus à bord de leurs voitures. Puis, indépendamment de la fermeture du Gothard, force est de constater que le rail est une alternative qui séduit un nombre grandissant de touristes se rendant au Tessin ou en Italie.

Tiziano Gagliardi, directeur de TicinoTurismo aussi affiche un large sourire. Seul bémol à ce tableau réjouissant: la Léventine, qui a été boudée par la clientèle. «Cette région vit du tourisme de passage et les établissements de la vallée ont du faire face à de nombreuses annulations», regrette Tiziano Gagliardi.

«Heureusement, la fermeture de l’autoroute est limitée dans le temps et le tunnel devrait à nouveau être praticable avant les grands départs en vacances», ajoute encore le patron de TicinoTurismo.

«Qualité de la vie»

«En 2001, le nombre de touristes qui s’étaient rendus au sud des Alpes n’avait pas diminué, au contraire», souligne le professeur Rudel.

«Il est vrai, que la fermeture de l’axe du Gothard avait eu lieu en basse saison touristique. Mais les séjours des clients avaient duré davantage. En fait, plus le voyage est long et difficile et plus les gens tendent à augmenter le nombre de leurs nuitées sur place».

«Cette fois, cette fermeture a au moins l’avantage d’ouvrir le débat sur la question suivante: la perfectionnement des voies d’accès favorise-t-il véritablement la branche du tourisme?», ajoute encore le chercheur.

De toute évidence, la fermeture de l’axe de l’A2 ne fait pas que des malheureux. «De nombreuses personnes que je croise se réjouissent de la qualité de vie retrouvée», relève Sergio Mariotta, le fondateur du mouvement «Leventina vivibile».

Cette petite association, née au lendemain de la catastrophe de 2001, a pour but de maintenir le débat sur les questions de trafic et d’environnement qui concernent la Léventine, cette vallée d’accès au Gothard.

«Certains commerçants travaillent même davantage, parce que des propriétaires de résidences secondaires dans la vallée y retournent maintenant plus volontiers qu’auparavant», ajoute encore Sergio Mariotta.

swissinfo, Daniele Mariani

Quelque 1’255’000 véhicules ont transité à travers les Alpes suisses en 2004.
Le texte de loi prévoit que d’ici 2009, soit deux ans après l’ouverture du tunnel de base du Lötschberg, ce chiffre descende à 650’000.
L’axe autoroutier du Gothard absorbe à lui seul les trois quarts du trafic poids lourds en transit par la route en Suisse.
En 2004, 3’328 camions avaient emprunté le Gothard chaque jour.
En 2000, cette même moyenne quotidienne avait atteint 4’498 poids lourds.

La politique fédérale en matière de transport de marchandises vise le transfert du trafic de la route vers le rail. En 1994, le peuple suisse avait approuvé l’initiative dite «des Alpes». Cet article constitutionnel attribue à la Confédération la tâche de protéger l’arc alpin des conséquences néfastes du trafic des poids lourds dans cette région.

La mise en œuvre de ladite politique s’articule en premier lieu autour des Nouvelles Lignes ferroviaires transalpines (NLFA) soit, la galerie de base du Lötschberg (qui devrait être terminé d’ici 2007) et celle du Gothard (qui devrait être inaugurée vers 2016).

A l’exception de 2003, depuis 2001 le trafic des camions à travers les Alpes suisses est en constante diminution. Les causes principales de ce recul: les camions de 40 tonnes peuvent désormais transiter par les routes helvétiques, l’introduction de la taxe poids-lourds et, l’encouragement du transport intermodal (transfert des camions de la chaussée vers le rail).

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