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La lutte contre l’Alzheimer part des eaux usées

Des cyano-bactéries Nostoc cultivées en laboratoire. (Photo: Karl Gademann) K. Gademann

Des chercheurs suisses ont isolé une substance prometteuse pour traiter l'Alzheimer. La molécule provient d'une algue qui croît dans les eaux usées.

Mais la recherche n’en est qu’à ses tout premiers pas et la mise au point d’un médicament n’est pas pour demain.

Les chercheurs l’ont baptisée nostocarboline, du nom de l’algue qui la contient, la cyano-bactérie Nostoc 78-12A. Cette algue bleu-vert se développe dans les eaux usées américaines.

Lors d’essais en laboratoire, ils ont constaté que cette substance active neutralisait l’enzyme cholinestérase, en partie responsable de la maladie d’Alzheimer. Or, en neutralisant la cholinestérase, il est possible de ralentir l’évolution de la maladie.

L’Ecole polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ) a fait breveter la nostocarboline, selon les magazines universitaire «ETHLife» et «unipublic» publiés jeudi.

Champ de recherches

La nostocarboline ouvre tout un champ de recherches et d’applications nouvelles. Les chercheurs ont ainsi découvert qu’à un atome de chlore près, la substance issue d’algues bleues a une structure chimique identique à celle d’une molécule produite par le cerveau humain.

«La question est maintenant de savoir si une trop grande ou trop faible quantité de cette substance endogène est susceptible de déclencher ou au contraire de stopper la maladie d’Alzheimer», explique le chimiste de l’EPFZ Karl Gademann, qui dirige le groupe de chercheurs avec un collègue de l’Université de Zurich.

L’équipe zurichoise a aussi reçu le soutien du biologiste Julien Beuchat de l’Université de Lausanne. Les résultats de son étude ont été publiés le 26 décembre dans la revue scientifique «Journal of Natural Products».

Le médicament n’est pas pour demain

Des années pourraient s’écouler jusqu’à la fabrication d’un médicament à base de cette substance. «Ce que nous faisons ici, à l’Université, c’est de la recherche fondamentale. Nous sommes donc au tout début du développement», a expliqué Karl Gadermann à swissinfo.

«L’espoir existe, poursuit-il. Mais il faudra encore des années avant qu’un médicament puisse être testé sur des êtres humains.»

La prochaine étape consiste maintenant à trouver une entreprise pharmaceutique qui accepte de soutenir la poursuite des recherches. Il faudra ensuite tester la substance sur des souris, puis sur des primates. Et c’est seulement si ces essais sont concluants que des tests cliniques pourront être réalisés sur des êtres humains.

«Encore une fois, l’espoir existe, mais cela durera encore très longtemps, des années et des années», conclut Kurt Gademann.

Aussi un herbicide

Mais la nostocarboline pourrait aussi être utilisée comme herbicide. L’algue bleu-vert qui la contient ne la produit pas par hasard: elle se protège ainsi contre les insectes, les petits crabes ou les autres algues.

La nostocarboline, qui freine la croissance d’algues, pourrait par exemple servir à lutter contre la prolifération d’algues dans les mers, selon les chercheurs. Ce d’autant plus qu’il est facile et bon marché de produire cette substance biodégradable.

swissinfo et les agences

Plus de 24 millions de personnes souffrent dans le monde de la maladie d’Alzheimer ou de troubles apparentés.
Ce nombre devrait doubler tous les vingt ans, avec un nouveau cas toutes les sept seconde selon une étude publiée dans la revue médicale britannique The Lancet.
En Suisse, environ 90’000 personnes souffrent d’une dégénérescence progressive et inéluctable du cerveau.

– La maladie a été décrite pour la 1ère fois en 1907 par Aloïs Alzheimer.

– Elle est provoquée par une destruction progressive des cellules du cerveau, ce qui entraîne un lent déclin des facultés mentales.

– Cette maladie, dont l’origine reste inconnue, provoque notamment des pertes de mémoire et des troubles de l’orientation.

– L’Alzheimer frappe surtout des personnes âgées. On estime qu’environ 8% des plus de 65 ans en souffrent. Mais il existe aussi une forme précoce (10% des cas) qui touche les 30-50 ans.

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