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La montagne accouche d’une souris

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Le Parlement approuve l'octroi de 2 milliards pour maintenir une compagnie aérienne nationale. Le plan gouvernemental passe le cap sans modifications.

Le Conseil des Etats a donné son accord samedi par 36 voix contre 3. Le Conseil national avait fait de même vendredi par 110 voix contre 56 et 10 abstentions.

Sauver l’essentiel

Une majorité des parlementaires a accepté les crédits plus par peur des conséquences d’un crash de l’aviation civile que par enthousiasme. «Il n’est pas nécessaire de faire preuve d’enthousiasme pour adopter ce projet», a d’ailleurs relevé le conseiller national Fernand Mariétan (PDC/VS).

Plusieurs orateurs ont insisté sur le fait que l’économie suisse ne peut pas se passer d’une compagnie aérienne nationale. Un avis défendu également par le ministre des finances Kaspar Villiger.

Les parlementaires ont également voulu éviter un désastre social. La faillite totale de Swissair aurait été synonyme de la disparition de milliers d’emplois.

Contestation avortée

Pourtant, de nombreux élus ne se sont pas gênés pour faire part de leur colère. L’Union démocratique du centre s’est fermement opposée à tout financement public d’une société privée. Les écologistes également, redoutant que les fonds publics ne soient dilapidés sans compensations.

Des parlementaires ont aussi estimé que la nouvelle compagnie serait surdimentionnée. Le plan prévoit en effet d’ajouter 26 long-courriers et 26 moyens-courriers de Swissair aux 82 appareils de l’actuelle Crossair. Pour la conseillère nationale Barbara Polla (Lib/GE), «la grenouille a déjà voulu se faire plus grosse que le bœuf»; il ne faut donc pas recommencer la même erreur.

L’incurie des anciens responsables de Swissair a par ailleurs été dénoncée, parfois en termes très durs. Le conseiller national Claude Frey (PRD/NE) a notamment parlé d’une «galerie d’autistes» pour désigner les anciens administrateurs. Or pour certains députés, ce n’est pas au contribuable de rattraper les erreurs crasses d’une «certaine élite autoproclamée».

Mais, au final, la montagne a accouché d’une souris. Après des heures d’un débat-fleuve, les élus ont sagement approuvé l’octroi des 2 milliards. Le score obtenu dans les deux conseils et même assez confortable. Malgré une vive contestation, le Conseil fédéral n’a donc pas vraiment senti passer le souffle du boulet.

Pas une miette pour les salariés

Cette session spéciale a eu un goût assez amer pour les socialistes. Ebranlés par les conséquences sociales d’une éventuelle liquidation totale de Swissair, ils se sont résolus à approuver les crédits. Même si ceux-ci sont destinés à réparer les erreurs de l’«élite zurichoise» et même si, pour la droite, le cas Swissair ne remet pas en cause la libéralisation.

Les socialistes auraient cependant voulu qu’une partie de l’argent public serve à aider les salariés touchés par la déconfiture de Swissair. Mais le camp bourgeois a rejeté toutes les demandes en ce sens, estimant que cela créerait un «fâcheux précédent».

Battus sur toute la ligne, les socialistes ont donc dû faire le poing dans leur poche. Ils ont approuvé l’octroi de 2 milliards pour une activité privée ne relevant même pas du service public, et cela sans qu’une miette ne soit accordée aux travailleurs.

Session pour la forme

La Confédération consacre un peu plus de 2 milliards au maintien d’une compagnie nationale. 450 millions ont déjà été versés comme aide d’urgence lorsque les avions de Swissair étaient cloués au sol. Un milliard doit aider Swissair à continuer de voler jusqu’à fin mars. Enfin, 600 millions seront injectés dans le capital de la nouvelle Crossair, qui doit prendre le relais à cette date.

Ces crédits, décidés par la délégation des finances et accordés par le Conseil fédéral, ne peuvent pas être remis en question. Si le Parlement les avait désapprouvés, le gouvernement aurait essuyé un cinglant désaveu politique, mais l’argent aurait quand même été versé.

Des parlementaires se sont élevés contre cette situation. Pour le conseiller national Patrice Mugny (Verts/GE), il ne s’agit rien de moins que d’une «farce démocratique». Son collègue Claude Frey parle pour sa part d’un «Parlement fantoche».

Le Parlement pourrait donc revenir prochainement sur les énormes pouvoirs financiers accordés au gouvernement et à la délégation des finances. Mais il le fera «à tête froide…»

Olivier Pauchard, Palais fédéral

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