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La politique prend en main l’avenir de l’école

L'école... avec ou sans notes? Keystone

Dans plusieurs cantons suisses, l’éducation suscite un très vif débat et le monde politique s’en empare.

Mais cette avancée démocratique doit préserver la cohérence du système scolaire, selon des responsables de l’harmonisation de l’école en Suisse.

En Suisse alémanique, le débat sur l’école est dominé par la question du choix des langues enseignées. Dans les cantons francophones – du moins ceux qui bordent le lac Léman – les discussions se focalisent sur les méthodes d’évaluation des élèves.

Le feu des discussions est également régulièrement alimenté par les comparaisons des systèmes éducatifs menées par l’OCDE (études PISA) dans les pays riches.

Résultat : l’instruction publique véhicule une image de plus en plus négative. Une tendance que ses responsables tentent d’inverser, comme vient de le faire Charles Beer, chef de l’école publique genevoise.

En présentant son plan d’action la semaine dernière, le ministre socialiste a déclaré vouloir conjuguer les changements et les repères. Et ce, en rétablissant les notes dès la troisième année primaire et les sections (scientifiques, latin, langues, artistique et générale) dans le secondaire.

Le responsable genevois espère ainsi rétablir des jalons compréhensibles par les élèves et leurs parents dans une école en mutation depuis près de 10 ans.

«Ces mesures sont un correctif aux réformes en cours. Le système doit en effet évoluer au même rythme que la population », explique Charles Beer.

La parole aux citoyens

Pour l’heure, rien n’indique que le débat soit clos. En outre, les Genevois auront de toute façon le dernier mot, puisqu’ils devront se prononcer l’année prochaine sur une initiative réclamant le rétablissement des notes et un contre-projet proposé par le gouvernement du canton.

Reste que le magistrat genevois a bien cherché à couper l’herbe sous les pieds des partis qui le critiquent en reprenant une partie de leurs propositions. Et ce après deux ans de larges consultations auprès de tous les milieux concernés.

Vaud, le canton voisin a suivi un parcours du même type suite aux polémiques suscitées également par le système d’évaluation des élèves. Anne-Catherine Lyon, responsable vaudoise de l’enseignement publique a également largement consulté le parlement vaudois – et passé devant lui – pour calmer le débat parfois virulent qui agitait le canton.

Légitime ou non, ce retour à une école plus traditionnelle correspond bien à l’évolution politique de la Suisse de ces dernières années, marquée par un retour des valeurs conservatrices.

Cette évolution témoigne aussi d’une reprise en main du système scolaire par la classe politique, ses partis et ses élus.

«Le dossier scolaire est devenu beaucoup plus politique aujourd’hui », confirme Christian Berger, secrétaire général de la Conférence intercantonale de l’instruction publique de la Suisse romande et du Tessin (CIIP).

Des pédagogues contestés

Pour preuve, le processus de coordination et d’harmonisation de l’école romande – connu sous le nom de PECARO – passera devant les parlements des cantons concernés et pourra faire l’objet d’un referendum populaire. Et ce, vraisemblablement en 2007.

Au départ pourtant, les responsables de l’instruction publique n’imaginaient pas une telle trajectoire. Seuls les départements concernés devaient se prononcer et adopter ce programme qui porte sur des moyens d’enseignement communs, une réforme de la formation des enseignants, les systèmes d’évaluation (des lignes directrices sur ce thème seront présentées cet automne) et, pour finir, un plan d’étude commun.

Mais, depuis l’année dernière, il est devenu évident que ce programme d’harmonisation devait passer devant les représentants des citoyens, les partis politiques s’étant emparé de l’affaire.

La coordination des politiques scolaires au niveau suisse (dans le cadre d’un programme baptisé HarmoS) n’est, elle, pas encore l’objet de grandes batailles politiques.

Mais ces responsables pensent déjà qu’il devra franchir l’arène politique, avant d’être éventuellement adopté.

En d’autre terme, les pédagogues doivent aujourd’hui sortir de leur tour d’ivoire et affronter les saines réalités du débat démocratique

Des démagogues surmédiatisés

Reste à savoir si l’école sortira grandie de ces discussions. « Dans les cantons vaudois et genevois, le débat fait la part belle aux tenants d’une école réactionnaire, homogène (composées d’élèves issus d’un même milieu) et sélective», vitupère Olivier Maradan.

Le risque, selon le responsable du projet HarmoS, est de casser la cohérence de l’ensemble du système scolaire. Et ce, par des mesures ponctuelles adoptées sous le coup de l’émotion ou de débats biaisés.

Charles Beer pointe, lui, un autre dommage collatéral causé par la polémique scolaire: le discrédit jeté sur le corps enseignant. Son plan d’action vise justement à rétablir la confiance entre les enseignants, les élèves et leurs parents.

Mais le responsable genevois avertit déjà que de nouvelles coupes dans le budget de l’école ruinerait son programme. Un choix qui revient là aussi à la classe politique et qui permettra de voir si les parlementaires les plus critiques du système scolaire sont également ceux qui taillent dans les finances de l’éducation.

swissinfo, Frédéric Burnand à Genève

– Lancé en 2003, le projet HarmoS (harmonisation de la scolarité obligatoire) concerne l’ensemble des cantons suisses.

– Il doit permettre la mise en place, à l’échelon national, de standards contraignants dans les principaux domaines de formation.

– Ces standards indiquent les compétences que les élèves doivent acquérir aux différentes étapes de leur scolarité.

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