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La science en Suisse, le bilan

Image prise au ‘Palais de l’équilibre’, Expo.02. swissinfo.ch

Cette série nous a permis de faire défiler des visages, et autant d'univers... Après les rencontres, c'est l'heure de la synthèse.

Car au-delà de la diversité des problématiques abordées dans chaque domaine, il existe des points de croisement.

Nous avons parlé de recherche clinique. De biologie moléculaire. D’ADN. De sciences politiques. D’archives. D’environnement. De cellules photovoltaïques. De fusion thermonucléaire. D’exoplanètes. En premier lieu, il nous paraît important de souligner l’excellent niveau de la recherche en Suisse.

A l’issue de chaque entrevue, il nous était évident que le chercheur rencontré étudiait un domaine essentiel. Et cela d’autant plus que, toujours, la passion et la volonté d’informer étaient au rendez-vous.

Quels rapports entre un physicien et un historien, un biologiste et un philosophe? Contrairement à ce qu’on peut croire, le cloisonnement entre les sciences naturelles, techniques, humaines ou sociales n’est pas étanche.

Pour dépasser le débat entre les différentes sciences, le philosophe Jean-Claude Pont a cette jolie formule: «Imaginez des parents avec deux enfants dont l’un dit: je vais aller travailler et gagner de l’argent pour vous nourrir. L’autre, dans le même temps, propose de faire une étude généalogique de la famille…»

Le problème du financement

Pour anecdotique que soit l’image de Jean-Claude Pont, elle illustre pourtant bien la situation que vivent certains savoirs.

Comment décider que telle recherche est plus importante que telle autre? Pour le politique, le Fonds national suisse ou le Conseil suisse de la science et de la technologie (CSST) le choix est ardu.

D’autant plus qu’il est impossible de contenter tout le monde: un budget n’est jamais illimité. Et on préférera souvent donner la priorité à des domaines de recherches qui débouchent sur une industrie offrant des emplois. Du point de vue électoral aussi, c’est plus rémunérateur…

Pourtant, Catherine Nissen-Druey, chercheuse en médecine et vice-présidente du CSST estime que notre société manque d’idées novatrices et de sens: une communauté qui se définit par ce qu’elle a plutôt que par ce qu’elle est. Dans ce contexte, les sciences humaines et sociales ont un rôle essentiel à jouer dans le futur.

Exportation et importation de cerveaux

La «fuite des cerveaux» est, en Suisse, une expression très à la mode. Mythe ou réalité? Difficile de juger. Tous les interlocuteurs que nous avons rencontrés affirment ne pas être confrontés à ce type de problème. En revanche, ils soulignent qu’il est important que les chercheurs aillent se former à l’étranger.

Mais il est tout aussi essentiel que la Suisse offre aux chercheurs des conditions de travail suffisamment alléchantes pour qu’ils aient envie de revenir. C’est pour aller dans ce sens qu’une des idées directrices du CSST est de créer des postes de professeurs assistants (‘tenure track’).

Par ailleurs, la Suisse reste manifestement très attractive pour les scientifiques étrangers grâce au niveau élevé de sa recherche.

Enrichissement indéniable: il est frappant de constater le nombre important de chercheurs venus d’ailleurs qui occupent des postes clés dans les universités. A première vue, les Etats-Unis ne sont pas les seuls à pratiquer une politique ouverte dans ce domaine.

Le futur?

Un avis unanime se dégage de nos rencontres avec les chercheurs. C’est celui du danger qui guette la Suisse si une augmentation des crédits alloués à la science n’est pas rapidement décidée.

Rappelons qu’entre 1960 et 1985, la Suisse a beaucoup investi dans ce secteur. Et c’est ce qui lui a permis de survivre au désinvestissement des années 90. Or la limite, aujourd’hui, semble avoir été atteinte. Si rien n’est entrepris d’urgence, alors le risque de déclin sera bien réel. Et une fois ce déclin amorcé, inverser la tendance sera difficile.

Une piste intéressante, autre que financière, pour éviter la dégénérescence de l’appareil scientifique helvétique, est politique. En effet, le CSST propose de rassembler l’enseignement supérieur – universités, écoles polytechniques (EPF), hautes écoles spécialisées (HES) – dans un seul département fédéral. Ce qui permettrait un meilleur suivi des projets.

«Le XXIe siècle sera énergétique ou ne sera pas»

C’est en pastichant la célèbre phrase attribuée à André Malraux que le professeur Minh Quang Tran souligne l’importance de l’énergie pour nos sociétés. Le physicien rappelle également que l’accès aux sources d’énergie est un facteur de développement social vital pour le Sud.

La problématique de l’énergie est d’ailleurs évoquée par la majorité des chercheurs que nous avons rencontrés. N’oublions pas que le point de départ de la révolution industrielle a été l’invention de la machine à vapeur en 1765 par James Watt…

Depuis, bien du pétrole a coulé sous les ponts. Et si on compare la carte des points chauds de la planète et celle des sources d’énergie, on constatera que les deux coïncident étonnamment.

L’humanité a besoin d’un approvisionnement énergétique sûr et abondant: une guerre de l’énergie, plus vaste que celles que nous avons déjà connues, se profile.

La recherche dans ce secteur doit être une priorité absolue. Car si on imagine mal le Nord renoncer à son confort actuel, on ne peut davantage envisager que le Sud continue à payer au prix fort le développement des pays nantis.

swissinfo/Yves Pillard

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