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La Suisse devrait en faire plus contre la torture

Juin 2001: les défenseurs des droits de l'homme manifestent à Sion après la mort d'un Nigérian lors de son expulsion forcée. Keystone Archive

Les ONG appellent la Suisse à mieux prendre en compte le problème de la torture dans la manière dont elle traite les dossiers des requérants d’asile.

Un appel lancé à l’occasion de la Journée internationale des Nations Unies de soutien aux victimes de la torture.

«L’interdiction de la torture est absolue, c’est-à-dire non négociable. Aucune circonstance ne justifie qu’elle soit enfreinte», a affirmé vendredi le secrétaire général de l’ONU en vue de la Journée de dimanche, dédiée par les Nations Unies au soutien aux victimes de la torture.

«Cette interdiction signifie notamment qu’aucun Etat partie à la Convention de l’ONU contre la torture n’expulsera, ne refoulera, ni n’extradera une personne vers un autre Etat où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture», a ajouté Kofi Annan.

Appel aux autorités suisses

En Suisse, plusieurs organisations non gouvernementales appellent les autorités à assurer le plein respect de leurs engagements en la matière. Elles rappellent les récentes critiques du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe Alvaro Gil-Robles quant au traitement dispensé aux demandeurs d’asile ainsi que les conclusions du comité de l’ONU contre la torture (CAT).

L’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture, Amnesty International, l’Association pour la prévention de la torture, l’Organisation Mondiale contre la Torture et le Service ambulatoire pour victimes de la torture et de la guerre de la Croix-Rouge suisse (CRS) demandent aux pouvoirs publics d’appliquer sans délai leurs recommandations.

En limitant de manière drastique l’accès à la procédure ainsi qu’au droit à un recours effectif auprès de la Commission suisse de recours en matière d’asile, en restreignant le droit aux prestations sociales de base et en criminalisant les requérants d’asile, la Suisse devient «l’un des Etats européens les plus restrictifs en matière d’accueil de réfugiés», écrivent les ONG.

La procédure d’asile dans les aéroports et la situation des personnes frappées de «non-entrée en matière» (NEM) sont notamment épinglées dans le rapport du Conseil de l’Europe. Pour sa part, le CAT a critiqué la politique d’asile restrictive de la Suisse et s’est inquiété du possible usage d’appareils à électrochocs.

Plus précisément, concernant l’obligation de non refoulement, le Comité de l’ONU a enjoint les autorités suisses de «s’assurer que les décisions d’expulsion, déportation ou extradition d’une personne vers un Etat tiers soient conformes aux conditions de l’article 3 de la Convention contre la torture, notamment le test de la preuve, ou le risque de torture».

Afin de donner plus de poids à leur appel, les ONG ont rédigé une lettre ouverte au Parlement, que chacun peut signer via leurs sites internet.

«Indigne»

Depuis avril 2005, il existe, en plus du Service ambulatoire de la CRS à Berne, une consultation pour les victimes à Genève. La CRS, les Hôpitaux universitaires de Genève et le CAT y financent deux postes et demi de médecins et de psychologues.

Au départ, il s’agissait simplement d’une consultation médicale, pour voir si les requérants d’asile étaient en bonne santé. Mais on s’est rapidement aperçu que nombre d’entre eux avaient subi des traumatismes importants.

«61% des requérants qui arrivent chez nous ont un vécu traumatique, de guerre ou de famine par exemple, et 18% affirment avoir été torturés», explique à swissinfo le docteur Laurent Subilia, un des responsables de cette consultation.

Selon ce médecin spécialisé dans la réhabilitation des victimes, le plus difficile est d’aider ces gens à reconstruire un projet de vie, surtout quand la cause pour laquelle ils se sont battus et ont souffert n’existe plus.

«Ils sont comme des soldats qui ont perdu une guerre. Et le fait d’avoir dû émigrer augmente encore le traumatisme. Ainsi, le fait d’avoir des problèmes d’intégration sociale ne fait que leur rappeler leur sentiment de déchéance et d’exclusion», note le docteur Subilia.

«Depuis le 11 septembre, poursuit ce dernier, on a tendance à considéréer en Occident qu’il est admissible de torturer quelqu’un pour éviter un attentat. C’est une évolution inquiétante. Car la torture est inadmissible, et elle n’est même pas efficace comme méthode d’interrogatoire. Ceci a été prouvé».

Laurent Subilia est inquiet également de l’évolution enregistrée en Suisse. En dix ans de pratique, il a vu les conditions d’accueil et de séjour des requérants se durcir dangereusement. Aujourd’hui, bien qu’il insiste sur le fait qu’il n’est «qu’un médecin», il les juge «indignes d’un pays signataire des conventions contre la torture».

swissinfo et les agences

– La Suisse est un des 139 pays signataires de la Convention des Nations Unies contre la torture et les autres traitements et punitions cruels, inhumains ou dégradants.

– Elle l’a ratifiée en décembre 1986

– La Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales fixe en outre une série de droits fondamentaux, comme l’interdiction de la torture, de l’esclavage et du travail forcé le droit à un procès équitable.

– La Suisse l’a ratifiée en 1974.

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