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La Suisse doit durcir la lutte anti-corruption

La justice se doit de protéger les informateurs pour lutter contre la corruption. swissinfo.ch

L'organisation non gouvernementale Transparency Switzerland (T-CH) exige la protection des informateurs en matière de corruption publique et privée.

Une motion parlementaire sera déposée la semaine prochaine devant le Conseil national.

Contrairement à d’autres pays, la législation suisse contre la corruption ne protège pas les dénonciateurs de délits, trop souvent victimes de leur vertu.

Appelé «whistleblower» en anglais – préféré à «délateur», trop péjoratif en français -, celui qui révèle des délits de corruption au sein de son entreprise risque en effet des représailles.

«Trop souvent, estime Philippe Lévy, président de Transparency Switzerland (T-CH), la dénonciation d’activités illégales des services publics ou d’entreprises provoque le licenciement et équivaut à une sorte de suicide professionnel.»

En outre, une fois l’affaire devant la justice, certains de ceux qui ont tiré la sonnette d’alarme se rétractent souvent, précisément par crainte de représailles.

Protéger les courageux

Philippe Lévy poursuit: «Il s’agit de protéger ces personnes qui prennent un risque courageux». L’assurance d’une protection allégerait en quelque sorte le dilemme qui se pose à un éventuel informateur.

T-CH a donc décidé d’accélérer les choses. Elle a dévoilé son plan d’action vendredi à Berne.

Lors de la session spéciale de la semaine prochaine, le conseiller national socialiste Reto Gysin déposera une motion parlementaire demandant la protection des «whistleblowers».

De son côté, le radical (droite) Dick Marty fera de même devant le Conseil des Etats durant la session de juin.

Une réalité en Suisse aussi



Il y a encore dix ans, beaucoup estimaient que la corruption était affaire de républiques bananières et qu’elle ne pouvait entacher les activités d’administrations publiques ou d’entreprises suisses.

Entre-temps, plusieurs cas spectaculaires tels que l’affaire Huber (pots-de-vins contre patentes de cafés) à Zurich ou celle du juge Verda (lié à un trafiquant de la mafia italienne) au Tessin ont montré que les institutions suisses n’étaient pas à l’abri.

Depuis 1995, T-CH lutte pour encourager la transparence au sein de l’économie privée ainsi que dans l’administration publique, pour l’adoption de codes de conduite par les uns et les autres.

Il s’agit aussi de faire admettre des clauses d’intégrité pour les marchés publics et d’élaborer une législation efficace en la matière.

Des standards internationaux

L’ONG a notamment œuvré pour que la Suisse ratifie la Convention de l’OCDE sur la lutte contre la corruption d’agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales. Ce qui a été fait le 31 mai 2002.

Les délits subissant aussi la loi de la mondialisation, il s’agissait d’uniformiser les législations des 33 pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) dans ce domaine.

En 2000, la Suisse a introduit une nouvelle législation pénale plus restrictive. Le versement et l’acceptation de pots-de-vin sont réprimés plus sévèrement, la réclusion pour cinq ans au plus sanctionne de la même façon la corruption active et passive.

Dans les deux cas, le délai de prescription a été porté à dix ans. La définition des comportements tombant sous le coup de la loi est plus large qu’autrefois.

On a également supprimé cette curiosité de la loi helvétique, selon laquelle les pots-de-vin étaient déductibles des impôts.

Pour ce qui est de la protection des «whistleblowers», la forme exacte qu’aura la nouvelle loi n’a pas été précisée vendredi par l’ONG. Ce sera l’affaire des juristes de la Confédération.

La révision touche le droit du travail et le droit pénal. Il faut aussi tenir compte des limites imposées par la protection de la personnalité.

La route est encore longue

De même T-CH avait demandé l’année dernière au Conseil fédéral la création d’un poste d’ombudsman de la lutte contre la corruption, la nomination d’un «Monsieur Propre» au sein de l’administration fédérale. Le gouvernement devrait se prononcer l’été prochain.

T-CH admet que l’industrie helvétique est «majoritairement réticente». Mais Philippe Lévy se dit convaincu que, le jour où une grande affaire éclatera, la majorité des entreprises seront alors convaincues qu’il faut réagir: «ça leur coûtera moins cher et améliorera leur image».

Pour Philippe Lévy, «la corruption est le deuxième plus vieux métier du monde et il serait donc naïf de croire qu’on peut l’éradiquer d’un trait de plume juridique.»

Somme toute, le président de T-CH est optimiste: «si on est encore loin du but, on est tout de même en marche».

swissinfo, Isabelle Eichenberger

La Suisse a introduit une nouvelle législation pénale contre la corruption en 2000.
Le 31 mai 2002, elle a ratifié la Convention de l’OCDE sur la lutte contre la corruption.
En 2003, elle ratifiera la Convention du Conseil de l’Europe, qui prévoit la protection des «whistleblowers» (délateurs).

– Créée en 1993 à Berlin, Transparency International (TI) est une ONG qui se consacre à la lutte contre la corruption.

– Parmi 80 sections nationales, Transparency Switzerland (T-CH) a été fondée en 1995 et compte une centaine de membres.

– T-CH est présidé par Philippe Lévy, ancien ambassadeur.

– Son but est de lutter contre la corruption dans l’administration et les entreprises suisses.

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