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La Suisse rêve à nouveau de Jeux olympiques

Lors de la Journée de Macolin 2010, mercredi, le ministre des Sports Ueli Maurer (2e depuis la gauche) s'est dit favorable à des Jeux olympiques en Suisse. Keystone

Deux éditions, en 1928 et 1948 et puis… une longue liste de projets rejetés. La Suisse, siège du Comité international olympique, pourrait néanmoins se relancer… pour les joutes d’hiver 2022 au plus tôt.

Tout avait pourtant bien commencé. La Suisse et la station chic de St-Moritz, en Engadine, avaient pu organiser la deuxième édition des Jeux olympiques d’hiver, après la «Semaine internationale de sport d’hiver» de Chamonix, en 1924, qui avait reçu l’étiquette olympique après coup.

En 1948, la Suisse et ses infrastructures intactes après la guerre pouvaient accueillir une nouvelle fois le rendez-vous olympique, toujours à St-Moritz. Contrairement à 1928, les sportifs allemands et japonais n’étaient pas conviés.

Mais la suite de l’histoire olympique de la Suisse ne s’est pas poursuivie par des lieux de médailles, même si les médailles récoltées ailleurs n’ont pas manqué. Le lien avec l’olympisme est aussi très fort de par la présence du siège du Comité international olympique (CIO), à Lausanne.

Les tentatives d’accueillir une nouvelle édition des Jeux, principalement d’hiver, n’ont pourtant pas manqué. Le Valais a été sur les rangs pour les éditions de 1976, de 2002 et de 2006. Lorsque la décision, au profit de Turin, est tombée pour cette dernière tentative, le 19 juin 1999, la déception et la colère ont été énormes.

Presque un traumatisme national. Le rêve semblait enterré à jamais. Swiss Olympic, l’association olympique suisse, freinait elle-même des quatre fers.

Décision de principe

Mais le rêve de voir le nom de la Suisse diffusé dans le monde entier à l’occasion des JO est en train de renaître. La communauté pro-olympique de Suisse a affûté ses arguments.
Ce vendredi, l’assemblée générale de Swiss Olympic, devrait décider de «mandater le Conseil exécutif d’œuvrer en vue de la présentation d’une éventuelle candidature.»

«C’est une première phase qui se termine, explique Jörg Schild, président de Swiss Olympic, Si le ‘oui’ pour la préparation d’une candidature l’emporte bel et bien, nous préparerons un projet concret qui pourrait être soumis au vote fin 2011.» Selon lui, «on ne peut pas vouloir gagner des médailles et toujours laisser les autres organiser les Jeux.»

«Quelques pas en arrière»

Quant au «traumatisme» des précédents échecs, le Bâlois veut empoigner le problème autrement. «Il faut avoir le courage de faire quelques pas en arrière, dit-il, et de revenir à davantage de modestie.»

«Jusqu’ici, ajoute le président, les Jeux devenaient toujours plus grands. Nous pouvons offrir au Comité international olympique de changer la donne et, surtout, de revenir à des jeux «dans la neige», et non à deux heures de route des pistes, comme à Turin ou à Vancouver.»

«Des Jeux blancs et pas verts!»

C’est l’argument principal des Grisons, aussi. Dans un communiqué publié il y a une semaine, le gouvernement cantonal a indiqué être prêt à se lancer et avoir le soutien de plusieurs communes.

Sans être mandaté officiellement, le conseiller national (membre du Parlement suisse) Tarzisius Caviezel, patron du club de hockey de Davos, est le principal artisan d’une candidature grisonne. «Je me mobilise depuis que j’ai vu Vancouver», précise-t-il, qui était justement trop loin des événements sportifs.

A Vancouver, où se sont tenus les Jeux d’hiver 2010, le ministre de la Défense et des Sports suisses Ueli Maurer avait aussi déjà indiqué qu’une telle manifestation en Suisse serait, pour lui, «la réalisation d’un rêve», rappelle Jörg Schild. Dans certains médias, le ministre déclare aussi qu’il trouve un tel projet plus profitable pour l’image du pays qu’une Exposition nationale, par exemple.

«Nous devons revenir aux racines des Jeux d’hiver, ajoute Tarzisius Caviezel, et organiser des jeux blancs, pas verts! Le CIO doit changer de paradigme!» Selon lui, Davos et St-Moritz sont «prédestinés» à la tenue de JO.

«Mais il faut que ce soit la candidature de toute la Suisse, soutenue par l’économie, la population, les sportifs et les politiques», nuance-t-il. Swiss Olympic insiste aussi sur la nécessité de ne pas mettre les régions en concurrence et d’avoir un projet pour tout le pays – avec le soutien politique du gouvernement.

Déjà des voix très critiques

Mais le mécontentement, voire le refus catégorique, se sont déjà manifestés dans les Grisons. Mercredi, une alliance d’organisations environnementales a publié une position commune pour dire tout le mal qu’elles pensaient d’un tel projet, «agressif pour le paysage, ne remplissant pas les attentes économiques, et tout cela pour 17 jours de manifestations» – si l’on résume le message.

Genève, qui pourrait préparer un projet avec Vaud et Valais, attend aussi la décision de ce jour avec impatience. «Nous avions déjà réalisé un rapport de faisabilité pour une candidature 2018, que nous sommes en train d’actualiser», indique Michael Kleiner, secrétaire général adjoint au sport du canton de Genève.

«Si la décision est de poursuivre sur la voie d’une candidature, nous aurons une année pour convaincre», précise-t-il. Ses points forts, Genève les voit dans sa «grande proximité avec les lieux de compétition de glisse et de neige, à Crans-Montana par exemple.»

Genève est par ailleurs «très bien placée pour voir comment Annecy prépare son dossier, puisque nous sommes associés à la candidature française (pour 2018, ndlr) pour l’infrastructure hôtelière et pour l’aéroport.»

Echéance le 6 juillet

Le CIO prendra sa décision, pour l’édition de 2018, le 6 juillet. «Si Annecy ou Munich sont choisies – contre la ville sud-coréenne de Pyeongchang, nous ne présenterons pas de dossier pour 2022, mais au plus tôt pour 2026», affirme Jörg Schild.

Quant à l’intérêt de la Suisse centrale, plus discrète, il est pour l’heure personnifié par le toujours très présent financier-promoteur Samih Sawiris, qui a déjà indiqué qu’il était prêt à financer une étude de faisabilité pour la tenue des jeux à Andermatt, dans le canton d’Uri, la commune où il construit un centre de vacances.

«Le fantôme olympique a fait sa réapparition, écrivait un commentateur alémanique la semaine passée. Il réveille périodiquement les communes, les cantons et le ministre des Sports pour leur faire dire que la Suisse a besoin de Jeux olympiques d’hiver! Mais les Jeux dans une vallée des Alpes, c’est idiot!»

Le soutien populaire, considéré comme nécessaire à une candidature, n’est donc pas encore acquis. Pourtant, selon Michael Kleiner, l’organisation de la coupe d’Europe de football a laissé des traces. «L’Euro 08 a montré non seulement que la Suisse pouvait organiser un grand événement, mais aussi qu’elle le faisait très bien…»

28 ans après la renaissance des Jeux olympiques à Athènes, les premiers Jeux olympiques d’hiver s’ouvrent à Chamonix.

La Suisse, pays de sports d’hiver, organise les joutes hivernales deux fois, en 1928 et en 1948, chaque fois à St-Moritz.

Depuis, d’innombrables tentatives ont été lancées, mais aucune n’a abouti.

Pour l’édition de 1976, Zurich et Berne étaient intéressées, mais les citoyens avaient rejeté les crédits nécessaires en votation. Ils ont aussi secoué la tête négativement à Davos, St-Moritz et Lausanne pour les JO de 1996 de même que pour Berne/Montreux qui voulait se lancer pour 2010.

Pour l’édition 2014, Zurich et Davos ont renoncé avant toute votation, tandis que Genève en faisait de même pour 2018, préférant soutenir le projet d’Annecy.

Le dernier échec devant le Comité international olympique, avait suscité une grande colère. Le 19 juin 1999, par 53 voix contre 36, Turin était choisie contre Sion, qui en était à son troisième essai.

«Pour la Suisse, l’organisation des Jeux olympiques relève presque du cas d’urgence». C’est ce qu’a affirmé le ministre Ueli Maurer, en charge des sports, cette semaine.

«Il est temps que la Suisse se mobilise à nouveau pour un grand projet. Nous sommes devenus un peu trop paresseux», a-t-il estimé.

Pour Ueli Maurer, les principales difficultés que pourraient rencontrer la Suisse dans l’organisation des JO concernent les secteurs du transport, de la sécurité et l’environnement. Mais ces problèmes ne sont pas insolubles», a-t-il assuré.

«Si la Suisse, avec ses standards, ne peut pas organiser des JO, qui pourrait y arriver?», a-t-il lâché.

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