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La Suisse veut restituer 620 millions au Nigéria

Le dictateur Sani Abacha l'année de sa mort en 1998. Keystone Archive

Pour la Suisse, la plus grande partie des fonds Abacha est d’origine «délictuelle».

Plus de 600 millions de francs de l’ancien dictateur gelés dans les coffres de banques helvétiques vont donc être rendus au Nigéria. Ils devraient permettre de financer des projets de développement.

L’une des plus grosses affaires de blanchiment à la sauce suisse est donc à deux doigts de son épilogue. Deux doigts, car la décision de restitution des fonds peut encore être contestée devant le Tribunal fédéral (TF). Et ce, dans un délai de trente jours.

L’avocat de la famille Abacha indique à cet égard qu’aux yeux de ses clients, la preuve de l’«origine délictuelle» des fonds n’a pas été faite.

Et Bruno de Preux d’ajouter: «Je pars du principe que mes clients vont vouloir faire recours contre la décision de la Suisse devant le Tribunal fédéral».

En face, l’avocat du Nigeria s’attend à un tel recours. «C’est la tactique dilatoire qu’ils ont utilisée depuis le début, assure Enrico Monfrini. Les avocats ont fait recours contre toutes les décisions de la justice genevoise et de l’OFJ. Leur but est de faire perdre du temps».

Une décision «historique»

Reste que sur le fond, Enrico Monfrini qualifie la décision helvétique d’«historique». A ses yeux, la Suisse a eu «un rôle moteur» dans toute l’affaire Abacha, qui a eu «un retentissement mondial».

Pour l’avocat, cette décision «consacre le principe de la restitution directe au Nigéria des fonds bloqués sans attendre que les intéressés – à savoir l’organisation criminelle de la bande d’Abacha – soit condamnés au Nigéria et qu’un juge de ce pays exige la restitution des fonds».

«La plus grande partie des fonds Abacha bloqués en Suisse est manifestement d’origine délictuelle», constate, lui aussi, l’Office fédéral de la justice (OFJ) pour justifier sa décision.

L’Office précise qu’il a pu analyser de «manière approfondie» le cheminement des fonds de l’ex-dictateur grâce à des informations et des documents fournis par le Nigéria ou provenant de la procédure pénale menée à Genève.

Pour une faible partie des avoirs (8,7 millions de francs), l’origine délictuelle «n’est que probable», indique l’OFJ.

Transférés à Bâle

Les 620 millions de francs seront transférés à la Banque des règlements internationaux à Bâle (BRI), à l’intention du Nigéria. Les autorités nigérianes ne pourront en disposer que lorsqu’elles auront pris une décision de confiscation.

Les montants en question seront affectés à des projets de développement (santé publique, éducation et construction d’infrastructures), avait assuré le président Nigérian Olusengu Obasanjo aux autorités suisses en début d’année.

Au total, 870 millions de francs ont été bloqués à la suite des demandes d’entraide judiciaires adressées à la Suisse (comme à d’autres pays) à partir de 1999.

Jusqu’ici, la Suisse en a déjà restitué quelque 250 millions au titre d’accords particuliers.

Trois milliards de francs

Fondamentalement, les autorités nigérianes reprochent à l’ancien chef de l’Etat Sani Abacha d’avoir pillé le pays. Et en particulier la Banque centrale du Nigéria.

Selon certaines estimations, l’ex-dictateur et ses proches auraient détourné au total quelque 3 milliards de francs entre 1993 et 1998 (date de sa mort).

En 2002, les deux fils Abacha – qui contrôlaient l’essentiel des sommes en question – avaient refusé un accord à l’amiable accordant quelque 650 millions à l’Etat du Nigéria et 125 millions à la famille.

swissinfo et les agences

Les autorités nigérianes reprochent à Sani Abacha d’avoir confisqué environ 3 milliards de francs.

Quelque 870 millions de francs ont été retrouvés en Suisse.

La Suisse qui a restitué 250 millions et rendra encore 620 millions au Nigéria.

– Les fonds Abacha ont été retrouvés dans pas moins de 19 banques helvétiques.

– L’Office fédéral de la justice estime qu’une grande part de ces fonds sont d’origine délictuelle.

– L’avocat de la famille Abacha indique qu’un recours est probable contre la restitution annoncée par la Suisse.

– La décision finale reviendra au Tribunal fédéral (Haute cour helvétique).

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