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La volte-face du gouvernement sur le droit de recours

Minorisé au gouvernement, le ministre de l'environnement Moritz Leuenberger compte désormais sur le Parlement. Keystone

Les associations ne devraient plus pouvoir recourir contre un projet approuvé par le peuple ou par un parlement. Après en avoir proposé le rejet, le Conseil fédéral soutient désormais cette idée.

L’automne dernier, le gouvernement s’était prononcé contre l’initiative de la section zurichoise du Parti radical (droite). Aujourd’hui, il a changé d’avis, au grand dam de la gauche et des écologistes.

En proposant au Parlement d’accepter l’initiative populaire intitulée ‘Droit de recours des organisations: Assez d’obstructionnisme – Plus de croissance pour la Suisse’ (sans lui opposer de contre-projet), le Conseil fédéral revient sur sa décision du 13 septembre.

Le texte dont il prônait alors le rejet veut interdire purement et simplement le droit de recours lorsqu’il s’agit de projets approuvés par le peuple ou le Parlement d’une commune, d’un canton ou de la Confédération.

Communiqué alambiqué

Le gouvernement est très peu disert sur les raisons de son revirement. Dans un communiqué, le Département fédéral (ministère) de l’environnement (DETEC) note que le Conseil fédéral justifie sa décision par le fait que la révision de la loi sur la protection de l’environnement adoptée par le Parlement en décembre «ne reprenait pas toutes les revendications justifiées de l’initiative».

Interrogé auparavant par la presse, le porte-parole du Conseil fédéral Oswald Sigg s’était quant à lui refusé à toute réponse, priant les journalistes de se référer au communiqué. Ce dernier précise qu’il appartient désormais au Parlement de traiter l’initiative et de formuler sa propre recommandation de vote.

Jusqu’ici la position du gouvernement, énoncée par la voix du ministre de l’environnement Moritz Leuenberger, était d’opposer le projet du Parlement comme contre-projet à l’initiative.

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Initiative populaire

Ce contenu a été publié sur L’initiative populaire permet à des citoyens de proposer une modification de la Constitution. Pour être valable, elle doit être signée par 100’000 citoyens dans un délai de 18 mois. Le Parlement peut directement accepter l’initiative. Il peut aussi la refuser ou lui opposer un contre-projet. Dans tous les cas, un vote populaire a lieu. L’adoption…

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Projet du Parlement

Ce texte, qui devrait entrer en vigueur le 1er juillet, est né d’une initiative parlementaire du député Hans Hofmann (UDC, droite nationaliste), après le blocage de la construction du nouveau stade du Hardturm à Zurich. Il vise à combattre les abus, sans toutefois supprimer le droit de recours des associations inscrit dans la législation depuis une quarantaine d’années.

Selon ce projet, l’autorité de recours n’entrera pas en matière quand un recours est abusif ou quand l’association a émis des prétentions contraires à la loi, par exemple en demandant une indemnisation en cas de renonciation au recours.

Des ententes entre les parties seront néanmoins possibles, pour autant qu’elles portent sur des engagements fondés sur le droit public. En outre, les autorités appelées à trancher ne seront pas obligées d’en tenir compte systématiquement, les compromis négociés entre les parties n’ayant que valeur de «propositions communes».

Eviter les retards

Pour éviter des retards, il sera possible de commencer avant la fin de la procédure de recours les travaux de construction des parties non contestées. Les organisations déboutées devront supporter les frais de procédure de recours. Cette clause ne vaut que pour les procédures au niveau fédéral, les cantons étant libres de définir leur pratique en la matière.

Le projet redéfinit encore la liste des organisations habilitées à recourir. Les associations doivent être actives au niveau national et ne peuvent recourir que dans les domaines visés depuis au moins dix ans par leurs statuts. Leur action doit se fonder sur un but idéal, auquel seront impérativement subordonnés leurs éventuels objectifs économiques.

Réactions de stupeur

La réaction des organisations de défense de l’environnement ne s’est pas fait attendre. Selon Pro Natura, le brusque revirement d’opinion du Conseil fédéral est «incroyable», compte tenu de la situation actuelle en matière de nature et d’environnement.

Pour Beat Jans, responsable du secteur ‘Politique’ de Pro Natura, l’argument selon lequel la révision de la loi sur le recours n’a pas pris en compte toutes les requêtes de l’initiative, cet argument ne peut tenir, puisque le gouvernement, au cours du débat, a défendu le droit de recours.

Le soutien à l’initiative n’est, en aucune manière, ce qu’avait laissé prévoir le ministre de l’environnement, Moritz Leuenberger. Selon Beat Jans, ce dernier a manifestement été débordé et mis en minorité, le gouvernement ayant cédé aux lobbies de l’économie.

«La crédibilité du Conseil fédéral est remise en question», a ajouté le militant de Pro Natura.

swissinfo et les agences.

Depuis 1966, la Loi fédérale pour la protection de la nature et du paysage accorde aux organisations nationales de protection de l’environnement le droit de recourir contre des projets de construction. Actuellement, 30 associations peuvent recourir.

Ces dernières années, ce droit a été l’objet de discussions. Les organisations écologistes ont en particulier été blâmées pour avoir recouru contre la construction du stade de football du Hardturm à Zurich et avoir ainsi bloqué un projet pourtant accepté par le peuple.

Suite à cet épisode, le Parti radical (droite) a lancé une initiative populaire qui demande d’enlever le droit de recours pour tous les projets de construction qui ont été acceptés lors d’un vote populaire ou par une assemblée législative.

En septembre dernier, le gouvernement avait rejeté l’initiative «Droit de recours des associations: assez d’obstructionnisme – Plus de croissance pour la Suisse!». Aujourd’hui, il a changé d’avis.

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