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Le bostryche à l’assaut des forêts

La vermoulure blanche trahit la présence du bostryche. Institut fédéral de recherche WSL

Les forêts suisses subissent actuellement une attaque massive de bostryches. La faute à l'ouragan Lothar et à deux années de chaleur.

Les spécialistes s’y attendaient. Ils connaissent bien les modes d’action du bostryche. Ils ont déjà pu l’observer après les ouragans qui ont sévi en Suisse en 1967 et en 1990.

«Ce coléoptère ne s’attaque normalement qu’à des bois affaiblis», explique Beat Forster, ingénieur forestier à l’Institut fédéral de recherche WSL.

Or les résineux, surtout les épicéas, perdent de leur résistance après des périodes de sécheresse ou suite à des tempêtes.

La dernière en date a pris l’allure d’un ouragan dévastateur. Lothar s’est abattu sur plus de 46 000 hectares de forêt, le 26 décembre 1999. Il était donc facile de prévoir une attaque massive du bostryche. Elle est actuellement en cours.

Le bostryche perce sans problème l’écorce des arbres. Il y développe ses larves par milliers et essaime par la suite vers d’autres résineux. Et même si le coléoptère vole mal, il se répand assez vite, contamine d’autres secteurs des forêts, y compris ceux qui sont sains.

La faute à dame météo

Coïncidence malencontreuse: aux dégâts de Lothar se sont ajoutés des conditions météo idéales à la prolifération du coléoptère.

«Après l’ouragan, les années 2000 et 2001 ont été très chaudes et très sèches, affirme Beat Forster. Lorsqu’il fait trop chaud, les sapins fleurissent anormalement. Ce qui augmente la production de pollen. Avec pour conséquence un affaiblissement encore plus marqué de l’arbre.»

L’ampleur des dégâts est désormais quantifiable. Selon l’Office lucernois des forêts, en 2001, les coupes d’épicéas dues aux dégâts des bostryches en Suisse ont porté sur plus de 1,2 million de m³.

Autant dire qu’il s’agit là d’un record. Ce chiffre dépasse de 30% l’exploitation annuelle moyenne de ces résineux sur tout le territoire helvétique.

Fribourg et Vaud touchés

Ce constat inquiétant se confirme notamment du côté des services cantonaux fribourgeois et vaudois des forêts.

«La coupe de bois due à l’attaque des bostryches est chiffrée à 230 000 m³ pour 2001, affirme Alain Lambert, chef de secteur au Service fribourgeois de la forêt et de la faune. Soit plus du double que la normale».

Quant au canton de Vaud, il n’échappe pas à la règle. «Le phénomène touche essentiellement le plateau vaudois», lance Gaston Jeantet, responsable phytosanitaire du service cantonal.

Les dégâts sont gigantesques. La preuve: lors d’une année normale, 50 000 m³ de résineux sont abattus à cause du coléoptère. Or, après Lothar, 100 000 m³ d’épicéas ont été infectés par le bostryche en 2001 et coupés.

Pire encore: «dans les meilleures conditions, précise Gaston Jeantet, entre 120 000 et 160 000 m³ de résineux vont être coupés en 2002.»

En revanche, le Valais est moins touché. «Nous avons constaté des attaques fréquentes de bostryches dues à la sécheresse dans le canton, précise Christina Purnstich, du service valaisan des forêts et du paysage. Lothar a fait très peu de dégâts en Valais, comparé aux autres cantons du Plateau».

En effet, seuls 60 000 m³ de bois ont été endommagés suite au passage de l’ouragan. Et les coupes d’épicéas abîmés par les bostryches ne dépassent pas les 5000 m³ pour l’an 2000 et 6000 m³ pour 2001.

La parade

Reste à savoir comment le fléau peut être éradiqué. «Difficilement, répond Beat Forster, l’ingénieur de WSL. Car il n’y a pas de prévention possible.»

La seule façon d’enrayer la prolifération reste, selon lui, une augmentation active de la surveillance. «Si des zones de nidification sont décelées rapidement, l’abatage et l’écorçage – qui tue les larves – peuvent se faire immédiatement et ainsi éviter un essaimage», déclare l’ingénieur.

Et si l’écorçage devient trop long ou impossible, les forestiers éloignent les troncs des arbres infectés de la lisière des forêts. Ce qui diminue encore le danger de contamination.

Ces méthodes donnent des résultats. Elles sont toutefois assez longues à porter leurs fruits. C’est pourquoi la situation ne reviendra pas à la normale avant la fin 2004. S’il n’y a pas d’autres ouragans ni de périodes de sécheresse…

swissinfo/ Jean-Louis Thomas

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