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Le combat contre l’esclavage au Niger primé

Ousmane Toudou, lauréat du «Prix suisse des radios du Sud 2003». swissinfo.ch

L’esclavage est bien vivant au Niger. Un reportage de Radio Anfani dénonce vigoureusement cette situation.

Dans le cadre du Festival Médias Nord-Sud, «Le Prix suisse des radios du Sud 2003» a été remis au journaliste Ousmane Toudou. Rencontre.

Le Niger. Un pays démocratique depuis une douzaine d’années. Et un pays où l’esclavage, ancré dans les traditions, reste de mise, sur l’ensemble du territoire.

Avec une dureté particulièrement extrême parmi les ethnies nomades, les Touaregs en particulier, ces mêmes Touaregs qui font tant rêver les Occidentaux.

Le poids de la tradition

Le Niger, un pays où un «maître» peut châtier ses esclaves, allant éventuellement jusqu’à la castration. En toute légalité? Non. Mais la force de l’habitude, le poids des mentalités, se moquent parfois de la Loi.

Comme le constate Ousmane Toudou, il est difficile de faire bouger les choses, car «il y a des esclavagistes parmi les politiciens et même parmi les défenseurs des droits de l’Homme».

Plus grave encore, peut-être: «Les esclaves eux-mêmes ne veulent pas toujours se libérer: un esclave ne sait rien faire d’autre que ce que le maître veut qu’il fasse. Et le maître le nourrit. Il y a donc la peur du lendemain», constate le journaliste. Et aussi la peur de parler.

Pourtant, l’Association nigérienne Timidria articule le chiffre de plus de 850’000 esclaves. Mais son décompte n’est sans doute pas exhaustif.

C’est cette situation scandaleuse que Ousmane Toudou a voulu dénoncer à travers une émission intitulée «Les pratiques esclavagistes au Niger et la démocratie: le paradoxe nigérien». Une émission produite par le média qu’il dirige, «Radio Anfani», la deuxième station privée du pays.

L’encouragement du Nord

Le Prix suisse des radios du sud, créé par swissinfo/SRI et géré aujourd’hui par la Radio suisse romande, a été remis mercredi après-midi à Ousmane Toudou pour Radio Anfani.

Un prix qui souhaite encourager «les valeurs citoyennes, l’engagement démocratique, le courage journalistique, ainsi que le souci de qualité formelle». Un prix décerné sous forme de matériel technique et de formation journalistique ou technique dispensés sur le terrain par des collaborateurs de radios suisses.

Ce prix, Ousmane Toudou l’apprécie: «C’est un très grand plaisir, d’abord par rapport au travail sur l’esclavage que je mène depuis plusieurs années. Le fait que cette émission soit primée, qu’on puisse l’écouter sur Internet, cela aidera peut-être à apporter un changement», dit-il.

Car sa préoccupation principale reste celle-ci: que son travail participe à faire bouger les choses.

Un prix… et ensuite?

De la même façon, le lauréat de l’année dernière, le Camerounais René Tchouamo, de CRTV Baffoussam, rêve aussi de changement.

Il avait été primé pour un reportage intitulé «Villes du Sud, poubelles de celles du nord?», qui évoquait les poulets défraîchis, les médicaments périmés, les produits nocifs, les fripes inutiles que le Nord déverse ‘généreusement’ sur le Sud.

Le prix qu’il a reçu, René Tchouamo, également présent cette année à Genève, s’en réjouit. Mais ajoute: «J’avais une autre attente, qui jusqu’ici n’a pas été comblée: le sujet que j’ai traité ayant des ramifications ici, en Europe, je m’attendais à ce que quelqu’un prenne le relais pour mener l’enquête au Nord.»

Et d’ajouter: «Savoir pourquoi des produits que vous ne voulez plus se fabriquent encore, et se retrouvent dans les pays du Sud. J’espère qu’en accordant des interviews cette année, mon propos va faire tache d’huile.»

Un luxe «insolent»

Le Festival Médias Nord-Sud se tient au siège de la Télévision suisse romande, à Genève, ouvert au public à cette occasion. Projections dans un vaste studio, bar, échanges divers. Autant Ousmane Toudou que René Tchouamo se réjouissent des rencontres qui ont lieu, des expériences qui se transmettent, des relations qui se tissent.

Mais le journaliste camerounais émet toutefois une réserve: «Pour un Africain qui vient découvrir cet univers, cela fait un peu… insolent. Pourquoi? Quand on compare nos conditions de travail et ce qu’on voit ici, on se dit que c’est un luxe insolent. Et on regarde cela avec un peu de jalousie!»

Alors il suggère une idée: «Si un jour on pouvait délocaliser ce genre de manifestations et les tenir en Afrique, peut-être que cela nous apporterait bien des choses». Le Festival Médias Nord-Sud édition 2004, à Niamey ou à Yaoundé? Voilà qui serait intéressant…

swissinfo, Bernard Léchot à Genève

– Le 19e Festival médias nord-sud se tient à la Télévision suisse romande, à Genève, jusqu’au 26 septembre.

– Des projections ont aussi lieu le soir au CAC Voltaire et à l’Auditorium Arditi-Wilsdorf.

– S’intéressant aussi bien à la télévision qu’à la radio et à la presse écrite, il propose plusieurs concours et prix.

– Lieu d’échange, il s’adresse aussi bien aux professionnels qu’au public.

– Le Festival médias nord-sud vit également hors Genève grâce à deux «antennes»: à La Chaux-de-Fonds (Club 44, du 24 septembre au 1er octobre) et au Tessin (Bellinzone, Bioggio, Lugano du 20 au 25 octobre).

– On peut le suivre quotidiennement sur les ondes de la RSR (Tombouctou 52 jours) et de la TSR ou de TV5 (Zig Zag Café).

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