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Le long et tortueux apprentissage de l’État de droit

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Au moment où les Suisses se demandent s'il faut armer leurs soldats en mission à l'étranger, il paraît opportun d'évoquer certaines réalisations qui se veulent aussi de véritables contributions de la Suisse à la paix. Mais qui sont méconnues. D'où cette série d'articles qui leur est consacrée. Troisième volet: le Centre pour le contrôle démocratique des forces armées à Genève (DCAF).

Armée et démocratie peuvent faire bon ménage. Sans cette conviction, le troisième et dernier-né des centres mis en place par la Suisse à Genève pour promouvoir de nouvelles activités de construction de la paix n’aurait aucune raison d’être.

La création de ce Centre pour le contrôle démocratique des forces armées se situe par ailleurs dans la droite ligne de l’engagement de la Suisse dans le Partenariat pour la paix. Dès le début, elle a fait savoir, en effet, qu’elle entendait participer de manière quasi prioritaire au développement des valeurs démocratiques.

Pour l’ambassadeur Theodor Winkler, directeur du DCAF, «les nouvelles démocraties – en particulier celles des Balkans, de l’Europe centrale et orientale – ont une claire volonté politique de réorganiser leurs forces de sécurité armées et la communauté internationale doit les y aider, sans quoi l’on prendrait le risque de guerres à répétition».

Mettre ou remettre les différents corps d’armée, les diverses polices et les services secrets sous contrôle civil n’est pas une mince affaire. Cela suppose de faire de nouvelles lois, de réduire les effectifs, de former aux règles démocratiques non seulement les militaires mais aussi les parlementaires et les fonctionnaires de l’État.

On devine les obstacles. «Il y a l’impatience des gens, explique Theodor Winkler, puis l’équilibre à trouver entre le démantèlement des anciennes traditions policières et la nécessité de maintenir des unités capables de faire face entre autres aux groupes mafieux, et encore le professionnalisme auquel il faut initier les forces armées.» Bref, ce n’est pas du jour au lendemain que l’on passe de la dictature à l’état de droit.

Que peut faire le DCAF? Il n’a que six ou sept mois d’existence et il a donc encore besoin d’un peu de temps pour trouver son rythme de croisière. Sa Fondation compte actuellement 29 États, plus le Canton de Genève. Le budget annuel qui lui est alloué par la Suisse doit passer progressivement des 2,5 millions de francs de l’an passé à 10 millions en 2003.

Ses activités, pour le moment, se résument en trois axes: la collecte et l’évaluation des connaissances et des expériences de démocratisation dans le domaine de la sécurité, le développement de normes et de modèles de démocratisation dont pourraient s’inspirer les Etats, et l’appui à des projets de coopération (notamment en Bosnie-Herzégovine, en Yougoslavie et en Ukraine).

Avec quel «bénéfice» pour la Suisse? «Nous savons dans ce pays ce que signifie le contrôle démocratique des forces armées, nous répond Theodor Winkler, mais n’oublions pas que l’armée suisse traverse une période de profonde transformation et que toute réflexion en matière de sécurité internationale peut lui être utile.»

A plus long terme, il est évident aussi que les contacts que des fonctionnaires, diplomates ou officiers suisses peuvent nouer lors d’un passage dans l’un ou l’autre des centres de Genève ouvrent des perspectives intéressantes en termes de partenariat pour la stabilité européenne.

L’ambassadeur Winkler insiste en particulier sur la grande flexibilité dont jouit le DCAF de par son statut quelque peu hybride. Cette Fondation indépendante mais composée d’Etats peut, en effet, dialoguer avec toutes sortes d’instances gouvernementales et non gouvernementales, bilatérales et multilatérales. Autant d’atouts fort précieux quand on sait que la paix a besoin de rassembler tous les interlocuteurs possibles.

Bernard Weissbrodt, Genève

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