Le lynx n’est peut-être pas le fossoyeur des chevreuils

Le lynx décime-t-il les populations de chevreuils? La chose reste à prouver. Keystone Archive

Les chasseurs accusent les lynx d'être responsables de la baisse du nombre des chevreuils. Mais de récents comptages semblent montrer une reprise des effectifs. Pour en avoir le coeur net, le Pays d'Enhaut a décidé de compter ses chevreuils samedi.

Le Service vaudois de la faune organise samedi deux battues de comptage. Tôt le matin, environ 80 bénévoles se réuniront près de Rougemont puis de Château d’Oex. Parmi eux, beaucoup de chasseurs, mais aussi quelques écologistes et des habitants de la région.

Fiabilité

Sur place, le groupe se scinde en deux: les compteurs se postent à des endroits fixes. Les rabatteurs arpentent le terrain. Ils avancent bruyamment pour effrayer les chevreuils et les faire fuir vers les compteurs. Ces derniers n’ont plus qu’à compter les cervidés qui passent près d’eux.

Ce type de comptage avait été abandonné depuis une dizaine d’année au profit de méthodes plus douces, moins perturbatrices pour le gibier. On y revient, car ces battues ont l’avantage de la fiabilité, raconte Cornelis Neet, conservateur vaudois de la faune.

Tirs de lynx

Comme tout ce qui touche au lynx, l’enjeu n’est pas anodin. Ce comptage, complété par d’autres analyses, permettra d’établir un «diagnostic du chevreuil dans les Préalpes occidentales». Il servira à définir les critères pour autoriser les tirs de lynx.

Le projet, financé par la Confédération, débute sur territoire vaudois où les tensions sont les plus vives. Les Préalpes fribourgeoises et bernoises suivront.

Mettre tout le monde d’accord

«Nous voulons être en mesure d’informer précisément sur la situation du chevreuil et allons essayer de mettre tout le monde d’accord», explique Cornelis Neet. En effet, le ton monte entre les chasseurs et les protecteurs de la nature, respectivement ennemis et partisans du lynx.

«Le cheptel de chevreuils a énormément diminué par la faute du lynx depuis 1990», accuse Jean-Louis Blum, chasseur et président de l’association de chasse la Diana du Pays d’Enhaut. «Certes, il se peut que l’effectif ait légèrement augmenté cette année, mais très peu».

Trop de lynx

Les chasseurs accepteront le verdict du «diagnostic chevreuil», mais cela ne changera pas leur position à l’égard du lynx. «Il y en a trop. Nous admettons un couple de lynx au Pays d’Enhaut, mais pas plus», explique Louis Blum. Les autres félidés (ils seraient dix à quinze dans la région), les chasseurs veulent pouvoir les tirer.

Il n’y a probablement pas plus de deux lynx actuellement au Pays d’Enhaut, estime pour sa part Philippe Morier-Genoud, représentant local de Pro Natura. Le programme fédéral de recherche Kora a établi qu’il y avait trois félidés dans la région en 1999-2000, année record.

Rumeur

«Au Pays d’Enhaut, il s’est dit n’importe quoi sur le sujet ces dernières années», explique Philippe Morier-Genoud. On parlait de 50 lynx et de la disparition du chevreuil. «Cette idée a été véhiculée dans tous les ménages par la rumeur. Ici, elle a force de vérité».

Confronté au lynx, le chevreuil a changé ses habitudes. Moins confiant, il se fait plus discret hors des forêts. Ce qui explique qu’on le voit moins, mais cela ne veut pas dire qu’il soit moins présent. «Si on regarde ses traces – crottes ou empreintes -, on est étonné de voir qu’il y en a partout», note Philippe Morier-Genoud.

Dos à dos

Le «diagnostic chevreuil», attendu pour la fin août, pourrait bien renvoyer dos à dos les parties. «Nous espérons que l’on cessera d’exagérer dans un sens ou dans l’autre. On ne peut pas dire qu’il n’y a plus de chevreuils nulle part. Mais il ne faut pas dire non plus qu’il n’y a pas de problèmes», relève Cornelis Neet.

Localement, le lynx peut avoir un impact assez fort sur le gibier. Il faut en tenir compte, ajoute le conservateur vaudois de la faune.

swissinfo avec les agences