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Le métier d’infirmière sous le signe de la pénurie

La célébration de la journée internationale de l’infirmière, mercredi, a été l’occasion de se demander pourquoi ce métier très féminisé a mal à son image.

En Suisse, une nouvelle filière de formation pour palier la pénurie vient d’être créee. Un défi.

«Il y a des choix qu’on ne regrette jamais». Un slogan fort et une image sportive qui attirent l’œil. C’est la campagne lancée le 26 avril à vaste échelle par l’Etat de Vaud pour attirer les jeunes vers un métier marqué par le manque permanent d’effectif.

Une vaste opération de recrutement avec affiches, annonces dans la presse, plaquettes dans les gares etc. Ainsi, Isabelle Meister, directrice du Centre d’information des professions de la santé (CPIS), espère mette en valeur «les exigences et les qualifications pour les métiers de la santé afin de sortir des clichés ‘blouse blanche, sourire et vocation’.»

Vendre le métier aux garçons

Il s’agit au contraire de «vendre» ce métier en mettant en valeur sa forte composante humaine, relationnelle et scientifique. En montrant que les gens ne sont plus cantonnés dans des voies de garages mais ont la possibilité de progresser jusqu’à des postes importants.

Après tout, relève Josiyne Antille, adjointe au Service vaudois de la Santé publique, «c’est un métier bien payé: en sortant de l’école à 23 ans l’infirmier gagne déjà 4800 francs par mois». Au cas où le public ne le saurait pas, le salaire figure en bonne place sur les affiches.

«En fin de carrière, sans spécialisation, il en gagnera jusqu’à 8’000, sans compter qu’il pourra accéder à des postes de cadre très bien payés.» La campagne met aussi l’accent sur les nombreuses possibilités de spécialisation.

Situation fragile



En Suisse, il manque 2000 infirmières, malgré d’intenses campagnes d’embauches dans les pays européens. C’est une des rares professions (qui occupe 50% d’étrangers) qui ne connaisse pratiquement pas de chômage. Et pourtant, la relève est loin d’être assurée.

«Cette pénurie est aussi vieille que le métier lui-même», répond Josiane Antille, adjointe au Service vaudois de la Santé publique. Qui rappelle que, «à l’origine, il a été très longtemps exercé par des religieuses».

«C’est peut-être ce qui explique que les gens en ont une vision très positive vu de l’extérieur. Mais s’ils doivent s’y projeter personnellement, c’est fini.»

Un double préjugé

Aujourd’hui encore, les soins infirmiers occupent 90% de femmes et c’est une partie du problème, ajoute Josiane Antille.

«Une profession trop féminisée associée à son caractère ‘donnant’ crée une sorte de double préjugé contre ce métier, qui est pourtant l’un des plus complets et qui offre un maximum de perspectives de développement professionnel et personnel.»

Au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), Patrick Genoud, directeur adjoint des soins des Hospices, refuse de parler de pénurie. «Tous les pays occidentaux, sauf l’Espagne, manquent de professionnels de la santé. La situation est fragile, certes, mais pas désespérée.»

Mais elle pourrait s’aggraver, par exemple si nos voisins européens se mettent à revaloriser cette profession et les salaires, très inférieurs à ceux pratiqués en Suisse.

En outre, avance ce spécialiste, cela dépend des secteurs. «Un hôpital universitaire n’a aucune peine à trouver du personnel. Mais, bien sûr, c’est plus difficile pour les petits hôpitaux régionaux, ou les homes pour personnes âgées.»

Les femmes désertent



Majoritairement féminine, cette profession est souvent exercée à temps partiel, ce qui, associées aux responsabilités familiales des femmes, peut aussi expliquer le manque d’effectif.

D’autre part, les filles ont aujourd’hui un choix de carrières beaucoup plus ouvert que leurs mères. «Pour la 2e année consécutive, s’enorgueillit Patrick Genoud, les femmes médecins sont majoritaires au CHUV, avec plus de 50% de l’effectif total des médecins.»

Autre obstacle: la complexité, la lourdeur physique du travail, les risques liés aux accidents professionnels et la charge émotionnelle. En outre, les réformes hospitalières voire les mesures d’économie ont accru le stress, encore augmenté par la pénurie d’infirmières.

Cette pénibilité est accrue aussi par le fait que les soins hospitaliers d’aujourd’hui impliquent la prise en charge de plus de patients, et surtout de patients plus malades.

«C’est surtout dans la gériatrie qu’on manque de personnel, déplore Patrick Genoud, et pourtant ce secteur est appelé à se développer.» Compte tenu de l’évolution démographique, c’est donc le dernier moment pour améliorer la relève.

Améliorer la formation



La formation a été revalorisée. D’une part avec la reconnaissance haute école spécialisée (HES) accordée en 2002 aux écoles de soins infirmiers.

Et puis, relève Patrick Genoud, un Certificat fédéral de capacité (CFC) en soins et assistance communautaire a été créé. «Il s’agit d’une nouvelle formation d’apprentissage ou d’école, selon les cantons, qui permet aux jeunes d’accéder à la profession et, ensuite, leur ouvre toutes les portes pour une spécialisation.»

Josiane Antille est convaincue que cette nouvelle formation contribuera à «masculiniser la profession», et donc à inverser la tendance. «On aura d’une part des spécialistes de haut niveau sortis des HES et des assistant(e)s bien formés et ayant la possibilité de grimper les échelons.»

Les premières volées sortiront sur le marché en juin prochain

swissinfo, Isabelle Eichenberger

Le 12 mai marque la journée mondiale de l’infirmière avec diverses manifestations, notamment à Genève, siège des associations internationales des métiers de la santé.
Le 26 avril le Service vaudois de la santé a lancé une vaste campagne publicitaire pour attirer les jeunes vers un métier marqué par la pénurie.

– En Suisse, 2000 postes de soins infirmiers ne sont pas pourvus.

– Ce sont surtout les hôpitaux régionaux et les homes pour personnes âgées qui manquent de personnel.

– 90% du personnel infirmier est féminin et 50% d’origine étrangère.
Depuis 2002, les écoles de soins infirmiers bénéficient du statut de haute école spécialisée (HES).

– Un professionnel gagne 4800 francs en sortant de l’école et peut en espérer jusqu’à 8000 en fin de carrière.

– Un Certificat fédéral de capacité (CFC) en soins et assistance communautaire a été créé. Les premiers apprentis diplômés arriveront sur le marché du travail en juin prochain.

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