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Le nouveau Traité européen ne changera rien pour la Suisse

Le Premier ministre britannique Gordon Brown signant le Traité de Lisbonne. Keystone

Version «light» de la Constitution dont la France et les Pays-Bas n'ont pas voulu, le texte signé jeudi par les 27 à Lisbonne ne changera rien dans les relations entre la Suisse et l'UE, estime le politologue René Schwok.

Pour le titulaire de la Chaire Jean Monnet à l’Institut européen de l’Université de Genève, les obstacles à l’adhésion de la Suisse restent les mêmes et le Traité n’affectera pas les négociations bilatérales.

Signature très discrète jeudi à Lisbonne du Traité qui remplace la défunte Constitution de l’Union européenne (UE). Les 27 Etats membres ont paraphé le document, qui doit entrer en vigueur en 2009 après ratification par l’ensemble des pays.

Echaudés par le «non» des Français et des Néerlandais en 2005, ceux-ci feront adopter le texte par leurs parlements, sauf en Irlande, où la Constitution oblige le gouvernement à poser la question au peuple.

swissinfo: On est un peu étonné de cette signature presque en catimini, alors qu’en son temps, la Constitution européenne avait été très fortement médiatisée…

René Schwok: A l’époque, on a exagéré en disant que c’était une grande révolution et aujourd’hui, on sous-estime trop l’affaire en disant qu’il n’y a rien qui change.

La réalité est au milieu. Le premier texte n’était pas un grand Traité constitutionnel, mais il contenait quand même des petites avancées significatives. Et aujourd’hui, avec quasiment le même texte, on arrive à donner l’impression qu’il n’y a rien de nouveau, ce qui est quand même un peu exagéré dans l’autre sens.

Cela dit, ce Traité ne va pas rendre l’Europe plus centralisée ni moins centralisée. Il ne change pas le rapport fondamental entre Bruxelles et les Etats membres. L’UE reste cet «objet politique non identifié», qui n’entre pas dans les catégories classiques d’une construction fédérale ou d’une confédération. On ne sait toujours pas quelle sera la structure constitutionnelle finale, on reste dans cette ambiguïté de la construction européenne.

swissinfo: Le Traité de Lisbonne va-t-il changer quelque chose dans les relations Suisse-EU?

R.S.: Je ne vois pas ce que ça pourrait changer. Les obstacles à l’adhésion de la Suisse restent essentiellement les mêmes. De toute façon, ces obstacles sont du côté suisse et le Traité ne rendra pas l’adhésion plus facile, ni plus difficile.

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Initiative populaire

Ce contenu a été publié sur L’initiative populaire permet à des citoyens de proposer une modification de la Constitution. Pour être valable, elle doit être signée par 100’000 citoyens dans un délai de 18 mois. Le Parlement peut directement accepter l’initiative. Il peut aussi la refuser ou lui opposer un contre-projet. Dans tous les cas, un vote populaire a lieu. L’adoption…

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swissinfo: Mais tout de même, il prévoit quelque chose qui ressemble à notre droit d’initiative. Est-ce que cela pourrait convaincre une partie des eurosceptiques, tellement attachés à la démocratie directe?

R.S.: Ce n’est pas un vrai droit d’initiative, c’est un droit de pétition. Un million de citoyens peuvent demander à la Commission européenne de rédiger une législation. Mais la Commission n’est pas obligée d’accepter cette demande.

Et si elle l’accepte, ce sera ensuite au Parlement et au Conseil des ministres d’adopter ou non cette législation. Elle ne sera pas soumise à référendum dans l’ensemble de l’Europe. C’est quand même une grande différence avec l’initiative populaire comme on la connaît en Suisse.

A mon avis, ce n’est pas suffisant pour convaincre la majorité des Suisses qui sont sceptiques par rapport à une adhésion à l’UE.

swissinfo: Et du point de vue de nos négociations bilatérales avec Bruxelles. Est-ce que ce Traité, qui renforce les pouvoirs de la Commission, pourrait rendre la vie plus facile aux diplomates suisses?

R.S.: C’est surtout un renforcement dans des domaines qui ne concernent pas la Suisse. Avec la Suisse, l’UE a essentiellement des relations économiques, qui fonctionnent bien et pour cela, le Traité ne change rien.

Ce qui est nouveau, c’est ce ministre des Affaires étrangères, qui n’en a pas le titre, puisqu’il s’appelle haut représentant. Sous sa houlette, les dimensions de politique étrangère, de sécurité et de défense seront mieux intégrées. Donc précisément cela ne touche pas la Suisse, car elle n’a pas vraiment de problèmes ni de négociations dans ces domaines avec l’UE.

Interview swissinfo: Marc-André Miserez

– Contrairement à la défunte Constitution, le Traité de Lisbonne amende mais n’abroge pas les Traité fondateurs (Rome 1957, Maastricht 1992).
– On en a retiré la mention «la monnaie de l’UE est l’euro » et tous les symboles qui pourraient assimiler l’Union à un Etat (constitution, drapeau, hymne), même si ceux-ci continuent à exister.
– Le terme de «ministre» des Affaires étrangères est remplacé par celui de «haut représentant».
– La Charte des droits fondamentaux (liberté, égalité, droits économiques et sociaux) est incluse dans le corps du Traité.

– Un million de citoyens peuvent «inviter» la Commission à «soumettre» au Parlement et au Conseil des ministres une proposition législative.
– Le mandat du président de l’UE passe de six mois à deux ans et demi.
– A partir de 2014, la Commission comptera un nombre de membres égal aux deux tiers des Etats membres, et non plus un commissaire par Etat.
– Le Traité définit 51 domaines supplémentaires dans lesquels les décisions peuvent se prendre à la majorité qualifiée. Parmi eux, la coopération judiciaire et policière, l’éducation et la politique économique.
– L’unanimité reste toutefois la règle pour la politique étrangère, la sécurité sociale, la fiscalité et la culture.

– Le Traité de Lisbonne inclut un protocole qui souligne l’importance des services publics d’intérêt général et mentionne «le rôle essentiel et la grande marge de manoeuvre des autorités nationales, régionales et locales».
– Il inclut des références spécifiques au changement climatique et à la sécurité énergétique.

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