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Le parti le plus conservateur fait la campagne la plus moderne

Les vaincus des 2007 devront repenser leur campagne 2011. Keystone

L'Union démocratique du centre (UDC / droite nationaliste) a dépensé beaucoup d'argent et utilisé des thèmes populistes pour remporter les élections fédérales du 21 octobre. Mais les raisons du succès se trouvent avant tout dans sa campagne.

Le parti de Christoph Blocher est jusqu’à présent le seul qui utilise des méthodes de marketing politique à la fois modernes et efficaces.

«Au lieu de développer leurs thèmes, nos adversaires ont continuellement parlé de notre campagne. Ils ont fini par lui donner une énorme visibilité. Aujourd’hui, nous ne pouvons donc que les remercier». Ce sarcasme de Claude-Alain Voiblet, coordinateur de la campagne électorale de l’UDC en Suisse romande a de quoi faire réfléchir ses adversaires.

Certes, le plus grand parti de Suisse a dépensé beaucoup plus que les autres partis pour cette campagne et a mis l’accent sur des thèmes populistes et xénophobes. Mais cela ne suffit pas à expliquer son succès.

«L’UDC a proposé une campagne conçue avec beaucoup d’anticipation par rapport aux autres partis et l’a organisée d’une manière beaucoup plus professionnelle. Les instruments, les échéances, les interventions et les messages provocants ont été soigneusement planifiés et étudiés, afin d’obtenir le maximum d’effet», observe Georg Lutz, politologue à l’Université de Berne.

Trois thèmes et mille variations

En d’autres mots, le parti le plus conservateur a mis en scène la campagne la plus moderne. Les adversaires, qui ne sont pas parvenus à mettre leurs thèmes en lumière pendant plus d’une journée, travaillent avec des méthodes de propagande qui semblent remonter à au moins 20 ans. Par exemple, avec des plateformes électorales trop complexes pour attirer l’attention.

«Aujourd’hui, un parti ne peut plus se contenter de se présenter avec quinze thèmes différents en cherchant à montrer qu’il est compétent dans chacun de ces dossiers. Il est beaucoup plus efficace de faire passer seulement un ou deux messages, mais d’une façon claire. C’est ce que fait l’UDC. Depuis une quinzaine d’années, ce parti attire toujours l’attention avec deux ou trois thèmes qui ne sont pas très originaux; mais il le fait sur mille variations différentes», affirme Georg Lutz.

«La communication politique fonctionne désormais comme la publicité normale. Pour vendre un produit, il faut mettre constamment l’accent sur les mêmes avantages, sur le même message de base», explique Mark Balsiger, consultant politique et auteur d’une livre sur les campagnes électorales en Suisse.

«L’UDC se concentre seulement sur trois thèmes: la question européenne, les étrangers et la réduction des impôts. Et elle le fait de manière consciente, systématique, pratiquement dans chaque phrase prononcée par ses politiciens. Cela peut sembler monotone. Mais jusqu’à aujourd’hui, les élèves des écoles secondaires sont en mesure d’associer l’UDC à ces trois thèmes», ajoute Mark Balsiger.

Presque une organisation d’entreprise

Selon ce spécialiste de la communication politique, cette capacité de marteler les mêmes messages à chaque occasion et dans chaque recoin du pays est liée à la structure de l’UDC, l’unique parti à être «organisé de manière hiérarchique, pratiquement comme une entreprise».

«L’UDC nationale dispose d’un leadership clair vis-à-vis des sections cantonales. C’est elle qui décide ce qui se fait et comment. Cette organisation est due en bonne partie au fait que, dans beaucoup de cantons, l’UDC s’est développée en peu d’années seulement. Pour gérer leur croissance rapide, les sections cantonales se sont appuyées sur les connaissances et la direction du secrétariat central», remarque Mark Balsiger.

Pour des raisons surtout historiques, les autres partis disposent en revanche encore d’une structure plutôt fédéraliste. Cela constitue vraiment un obstacle à un marketing efficace, juge le spécialiste.

Travaillant comme consultant pour quelques sections cantonales, Mark Balsiger a pu constater à plusieurs reprises que celles-ci agissent indépendamment de leur parti national. «Ce mode de fonctionnement provoque une grande cacophonie, juge-t-il. De nos jours, pour avoir du succès, un parti doit avoir une véritable unité de doctrine et promouvoir des campagnes nationales.»

Repenser les campagnes

Pour ne pas répéter les mêmes erreurs dans quatre ans, le Parti socialiste, le Parti radical-démocratique (PRD / droite) et le Parti démocrate-chrétien (PDC / centre-droit) sont appelés à repenser non seulement leur campagne, mais également leur organisation interne.

«La faiblesse de la communication politique en Suisse est notamment liée au système de milice dans les organes dirigeants des partis. Entre dix et quinze personnes travaillent auprès des secrétariats centraux; c’est trop peu pour conduire des campagnes efficaces et modernes», déclare Mark Balsiger.

Les adversaires de l’UDC doivent en outre apprendre à utiliser aussi l’arme de la provocation. «La provocation ne doit pas forcément être négative, souligne Mark Balsiger. Les socialistes l’ont déjà démontré à l’époque de la présidence de Peter Bodenmann dont les déclarations occupaient régulièrement les pages des journaux.»

Pour le spécialiste de la communication politique, socialistes, radicaux et démocrates-chrétiens doivent «commencer aujourd’hui déjà à définir les grandes lignes de leur campagne pour les élections 2011 ainsi que les personnes qui la conduiront. Le principe de la campagne électorale permanente est désormais une réalité en Suisse également.»

swissinfo, Armando Mombelli
(Traduction de l’italien: Olivier Pauchard)

Résultats à la Chambre basse du Parlement en 1995, 1999, 2003 et 2007

Union démocratique du centre: 14,9%, 22,5%, 26,7%, 29%

Parti socialiste: 21,8%, 22,5%, 23,3%, 19,5%

Parti radical-démocratique: 20,2%, 19,9%, 17,3%, 15,6%

Parti démocrate-chrétien: 17%, 15,8%, 14,4%, 14,6%

Parti écologiste suisse: 5%, 5%, 7,4%, 9,6%

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