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Le plaidoyer de Ruth Dreifuss à New York

Pour Ruth Dreifuss, la pire chose qui puisse arriver, c'est nier la réalité du sida. Keystone

Les représentants de 180 pays sont réunis à l'ONU pour dresser un plan de bataille mondial contre le Sida. Les débats ont tourné à la guerre des mots. Une coalition de pays musulmans a tenté de rayer de la déclaration finale toute référence à l'homosexualité, la toxicomanie et la prostitution. A New York, la conseillère fédérale Ruth Dreifuss a pris le parti de la clarté et de l'ouverture. Interview.

– swissinfo: Que vous inspirent ces pays conservateurs qui ne veulent pas voir les mots «homosexuel», «prostitué» ou «toxicomane» figurer dans la déclaration finale de cette session spéciale de l’ONU sur le sida?

– Ruth Dreifuss: La pire chose qui puisse arriver, c’est de nier la réalité du sida. En la niant, on empêche les personnes vulnérables de s’exprimer, de chercher les soins, de se défendre, de se protéger, de protéger leur environnement. Il faut appeler un chat un chat et avoir le courage d’affronter la maladie avec la même lucidité qu’un médecin le ferait. Le problème est médical et politique. Et les politiciens ne peuvent pas utiliser une langue de bois face à une telle urgence.

– La Suisse pourrait servir d’exemple…

– R. D: Je suis assez fière de ce que nous faisons en Suisse. Ce pays pudique, qui n’aime pas parler de sexualité, où la famille a une valeur très importante, mais qui est peut-être le pays d’Europe dont la campagne de prévention du sida est la plus drôle, la plus directe. Notre contribution vient directement de notre expérience dans la participation des groupes concernés. Nous avons énormément appris grâce à la mobilisation des homosexuels, grâce aux demandes des jeunes. Ce problème ne peut se résoudre qu’en étant à l’écoute des populations.

– Avez-vous été surprise par ces 11 pays musulmans qui ont tenté d’exclure de la conférence la seule représentante de la communauté homosexuelle ?

– R. D: Pour nous, les ONG sont des partenaires à respecter et à prendre au sérieux. L’exclusion d’un dialogue avec les personnes touchées sous prétexte que leur comportement ne correspondrait pas à la norme, n’est pas seulement une réaction de pudibonderie, c’est une réaction qui tue.

– Pensez-vous que ce type de conférence mondiale, qui mobilise des milliers de personnes, soit malgré tout utile?

– R. D: L’impression pourrait être que c’est une succession de discours qui ne servent pas à grand chose, et ce n’est pas toujours passionnant à écouter. Mais c’est la seule façon qu’on a trouvé pour confronter les gouvernements. Ici, ils sont obligés de répondre à une interpellation et d’assumer leurs responsabilités. Oui, c’est efficace malgré les apparences.

Propos recueillis par Philippe Bolopion

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