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Le procès de Michel Tabachnik consacre la frustration

Au terme d'une audience qui n'a permis d'élucider aucune des nombreuses zones d'ombre de cette affaire exceptionnelle par sa nature et son ampleur, le procureur, étrangement discret tout au long de l'audience, joue son va-tout: il réclame cinq ans de prison contre le chef d'orchestre franco-suisse. Le jugement a été mis en délibéré au 25 juin.

La fragilité des éléments permettant de fonder l’accusation d’association de malfaiteurs permettra-t-elle au Tribunal correctionnel de Grenoble de rendre un verdict de culpabilité? Les parties civiles elles-mêmes en doutent.

Si le procès intenté à Michel Tabachnik, le seul qui a permis l’évocation publique de la dérive de l’Ordre du Temple Solaire (OTS), dont les assassinats et suicides ont abouti à la mort de 74 personnes, devait permettre une forme d’expiation, l’exercice a été réussi. Du moins en partie. Car les proches des victimes ont eu l’occasion d’exprimer leur douleur, leurs doutes et leurs interrogations, même si la plupart de ces dernières n’ont pas trouvé de réponse.

L’audition d’anciens membres de la secte a, elle aussi, démontré la force d’envoûtement de certaines communautés. A Grenoble, on a donc beaucoup parlé de l’OTS et des drames collectifs de Cheiry (FR), Salvan (VS) et du Vercors, mais il a fallu attendre les derniers jours d’audience pour entendre les déterminations de l’unique accusé. Seul au pupitre, Michel Tabachnik n’a renié aucun de ses écrits ésotériques, mais il a farouchement contesté toute intention morbide.

Agissant en ordre dispersé au côté d’un procureur qui jusqu’au moment de son réquisitoire est plus apparu comme un observateur qu’un accusateur public, les parties civiles ne sont même pas parvenues à soutenir une thèse commune.

Ainsi, les proches de Patrick et Edith Vuarnet continuent à plaider le complot organisé de l’extérieur, exprimant du même coup une grande frustration face une enquête forcément incomplète.

Et dans cet exercice, le juge d’instruction Luc Fontaine n’a pas excellé. Même si les «services» ont pour coutume de renvoyer les investigateurs judiciaires à leurs étu-des, le magistrat grenoblois aurait pu, sur son aire de compétence, s’intéresser d’un peu plus près aux liens entre Jo di Mambro, certains proches de Charles Pasqua et des fonctionnaires du ministère de l’Intérieur.

Mais il a préféré se livrer à un vaste «digest» du dossier constitué en Suisse, sans parvenir à en tirer des éléments plus probants en faveur de l’incrimination de per-sonnes ayant survécu aux massacres successifs.

Indépendamment du verdict que rendra la Cour correctionnelle de Grenoble, le procès n’a pas permis d’élucider pourquoi certains membres de l’OTS ont décidé d’effectuer le transit vers l’au-delà, entraînant dans ce voyage macabre, parfois contre leur volonté, des proches et amis.

Isidore Fuchs

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