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Le sapin de Noël suisse doit convaincre

700 000 arbres sont importés du Danemark et d’Allemagne. Keystone

Le public délaisse les épicéas suisses au profit des nordmann danois. Résultat: les sapins étrangers occupent les deux tiers du marché.

Les producteurs suisses regroupent leurs forces pour reprendre des parts de marché.

A Noël, un million de sapins vont garnir le salon d’un ménage suisse sur trois. Mais seul un tiers des arbres proviennent de Suisse. 700 000 arbres sont importés du Danemark et de l’Allemagne, des sapins nordmann pour la plupart.

Les goûts des consommateurs ont évolué ces dernières années en faveur de ce sapin d’origine caucasienne, plus fourni et plus résistant. Alors qu’en Suisse, on cultive traditionnellement de l’épicéa et des sapins blancs.

De sérieux problèmes aux pépiniéristes

Les chiffres sont parlants: l’an dernier, les étalages romands de Migros comptaient encore plus de 50% d’épicéas. Contre 80% de nordmann cette année. En Suisse alémanique, les consommateurs sont acquis au nordmann depuis plus longtemps.

Ces variations du marché d’une année à l’autre, quand on sait qu’il faut huit ans pour qu’un sapin atteigne un mètre de hauteur, posent de sérieux problèmes aux pépiniéristes.

Face aux grands distributeurs qui exigent des quantités importantes dans des délais très courts, ainsi qu’une qualité standard à un prix compétitif, leur situation n’est tout simplement pas tenable face à la concurrence étrangère.

Coop et Migros, qui représentent un tiers du marché, achètent ainsi 80% de leurs sapins à l’étranger.

La faute aux cultivateurs suisses «qui n’arrivent pas à suivre en nordmann», selon Jörg Birnstiel, porte-parole de Coop. «Vous connaissez la lenteur suisse», ajoute Jacqueline Pisler de Migros-Vaud.

Les Suisses contre-attaquent

Face à cette emprise étrangère, une bonne cinquantaine de producteurs suisses d’arbres de Noël ont décidé de s’organiser. Pour cela, ils ont créé fin novembre une communauté d’intérêt nommée «Sapin de Noël».

Ils espèrent accroître de 30% leurs parts de marché, selon Josef Brägger, l’un des initiateurs de la communauté d’intérêt.

En rationalisant la production, en transmettant le savoir-faire des plus expérimentés aux jeunes producteurs, Jean-Jacques Funfschilling, pépiniériste de Lully (FR), est persuadé que le sapin suisse peut être concurrentiel et de bonne qualité.

Les arguments économiques et écologiques des producteurs pourraient faire mouche auprès du public. Qui «accepterait certainement de payer un peu plus pour soutenir l’agriculture suisse», selon ce membre fribourgeois du comité de «Sapin de Noël».

Encore faut-il que les grands distributeurs suivent.

Critères de proximité

«Il va falloir convaincre», s’exclame celui qui a introduit voilà trente ans le nordmann dans la région bernoise et en Romandie.

«Les transports sont limités, donc moins coûteux et plus écologiques. Les sapins sont aussi plus frais. Nous pouvons par ailleurs assurer un meilleur service grâce à notre proximité», conclut Jean-Jacques Funfschilling.

Migros, en comparaison, affrète des camions directement du Danemark jusqu’à ses succursales. Une manière, selon le géant orange, de minimiser la pollution par rapport à des transbordements multiples.

Les producteurs suisses prétendent encore que leurs méthodes de culture emploient moins d’engrais et de fongicides que celles des pays nordiques.

Certains d’entre eux utilisent même des moutons du Shropshire pour brouter l’herbe autour des arbres, à la place de machines polluantes.

Grands distributeurs favorables

«Sapin de Noël» n’a toutefois aucune chance de s’imposer sur le marché suisse sans un coup de pouce des grands distributeurs.

Coop n’hésiterait pas à accroître son quota de sapins suisses. Elle cherche d’ailleurs des producteurs du pays depuis un certain temps. La Coop de la région de Berne achète déjà 90% des arbres dans la région, essentiellement dans l’Oberland bernois.

Migros, dont les dix centrales d’achat sont autonomes, favorise autant que possible les producteurs locaux.

La qualité des nordmann suisses laisserait toutefois à désirer, le climat ne se prêterait pas à la culture de cette essence. Ce que conteste le pépiniériste de Lully. A l’entendre, ce n’est pas le climat qui est déterminant, mais la qualité des sols.

Les risques d’un pari sur l’avenir

Aux intentions affichées par les grands distributeurs, répondent malgré tout les doutes des producteurs. Comment savoir ce que Coop et Migros vont acheter dans dix ans, le temps nécessaire à la croissance des arbres?

Aucun des deux géants ne s’engage formellement face aux producteurs. A eux d’assumer les risques d’un pari sur l’avenir. Le nordmann pourrait bien être démodé d’ici à dix ans. D’autres espèces de sapins sont déjà testées.

L’expérience vécue par Jean-Jacques Funfschilling semble confirmer que les deux coopératives n’ont guère d’états d’âme. Alors qu’il fournissait depuis des années Migros en sapins, le pépiniériste a perdu ce marché de 150 000 francs brusquement.

Avec pour seule justification qu’il ne pouvait pas fournir la totalité de la demande. Migros avait préféré s’adresser à un importateur unique.

swissinfo/Anne Rubin

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