Des perspectives suisses en 10 langues

Le ski nordique, une affaire de Suisses

Simon Ammann (à gauche) et Dario Cologna font de l'ombre aux grandes nations du ski nordique.

C'est une première historique: deux Suisses trônent au sommet des disciplines majeures du ski nordique. Si le sauteur Simon Ammann semble à l'apogée de sa carrière, Dario Cologna est quant à lui le fer de lance d'une jeune génération talentueuse de skieurs de fond helvétiques.

Simon Ammann l’avait pourtant clamé haut et fort avant le début de la saison: oui, il faudra compter avec lui pour le général de la Coupe du monde. Mais peu de spécialistes auraient parié que le St-Gallois survole les débats d’une manière aussi magistrale. Sur 5 concours, «Simi» en a remporté 3, s’est classé une fois 2e et une fois 5e.

Ce week-end, à Pragelato, sur le tremplin des Jeux olympiques de Turin 2006, le petit sauteur du Toggenburg a réalisé des bonds de géant. Une manche calculée à 144m, record du lieu, et des atterrissages à la limite du possible, dans des zones où la pente ne présente plus que quelques degrés de déclivité.

«Avec son expérience, sa force mentale et son niveau technique exceptionnel, Simon va être difficile à battre ces prochains mois», prévient Sylvain Freiholz, ancien sauteur professionnel vaudois.

Seul le jeune prodige autrichien Gregor Schlierenzauer semble actuellement en mesure de rivaliser avec Simon Ammann. Mais si ce dernier continue sur sa lancée exceptionnelle, il peut légitimement espérer devenir le premier sauteur suisse à remporter le général de la Coupe du monde.

Cologna devant les Scandinaves

Au sein de la famille du ski nordique, un autre Suisse est en train de donner des cheveux blancs aux grandes nations scandinaves. Chez lui, dans les Grisons, Dario Cologna s’est emparé de la tête du général de la Coupe du monde de ski de fond le week-end dernier. Du jamais vu pour un Suisse!

Trois fois champion du monde des moins de 23 ans en 2007 et 2008, Dario Cologna est déjà entré à trois reprises dans le top-10 cette saison, dont une 2e place remarquée lors du 30 km libre à La Clusaz. «C’est un talent béni, qui possède toutes les qualités anatomiques et génétiques pour réussir», explique Adriano Iseppi, chef de la discipline à la Fédération suisse de ski (Swiss-Ski).

A Davos, le week-end dernier, ce spécialiste des épreuves de distance a prouvé qu’il était capable de briller sur tous les terrains de jeu en décrochant la 4e place du sprint. Décrit comme un jeune homme simple et discret, Dario Cologna a la placidité nécessaire et la robustesse physique pour s’imposer durablement au sommet de la discipline, estiment les spécialistes.

Une jeune équipe prometteuse

Derrière Dario Cologna, c’est toute une équipe de jeunes talents qui émerge gentiment. Autre espoir Grison, Eligius Tambornino s’est classé 10e du sprint à Davos. «Plusieurs de nos jeunes athlètes ont réussi à se faire une place en Coupe du monde. Parmi eux, il y a effectivement beaucoup de Grisons. La raison est simple: le centre de performance national installé à Davos, au coeur du canton, offre des structures d’entraînement exceptionnelles», affirme Adriano Iseppi.

L’avènement de Dario Cologna et des jeunes talents ne pouvait pas mieux tomber pour le ski de fond suisse, qui se dispute avec les autres disciplines (ski alpin et snowboard notamment) la manne limitée de la Fédération.

Le manque de résultats des dernières années a été lourd de conséquences. De 1,43 million auparavant, le budget est passé à 1,18 million annuel. Les exploits de Dario Cologna pourraient faire pencher la balance de l’autre côté dans les années à venir.

Derrière Ammann et Küttel, le néant

En saut à skis, la situation est paradoxale. Malgré les exploits répétés de Simon Ammann et d’Andreas Küttel, fers de lance de l’équipe de Suisse depuis plusieurs années, la jeune génération peine à émerger.

Pour Sylvain Freiholz, la situation est même assez inquiétante: «Le nombre de sauteurs à ski est en train de passer sous la barre des 200 en Suisse. C’est difficile de concurrencer des pays comme la Norvège ou l’Autriche, qui peuvent compter sur 4000 à 5000 pratiquants».

Difficile pour le grand public d’imaginer un jour les plus prestigieux concours privés d’athlètes du cru. «Et pourtant, si on continue comme ça, il n’y aura plus de sauteur suisse en Coupe du monde dans 3 ans!», affirme Sylvain Freiholz.

Une image à améliorer

Pour l’ancien sauteur et consultant à la Télévision suisse romande (TSR), les raisons de ce déclin sont claires: «En 2002, après les deux médailles d’or olympiques de Simon Ammann, la Fédération a décidé de reprendre en mains tout le secteur de la formation, qui était alors du ressort des clubs et des associations dans les régions. Conséquence: les structures ont été désintégrées et il ne reste plus que quelques clubs formateurs».

La Fédération, consciente de l’échec, a abandonné son projet au printemps dernier et redonné les moyens financiers aux clubs pour assurer eux-mêmes la formation des jeunes. Mais il faudra du temps pour reconstruire l’édifice.

Sylvain Freiholz estime également «qu’il faudrait dépoussiérer l’image de ce sport traditionnel pour en faire une discipline plus attractive chez les jeunes». C’est uniquement à ce prix-là que le public suisse pourra encore vibrer aux exploits de ses athlètes volants dans les années à venir.

swissinfo, Samuel Jaberg

Le ski nordique trouve ses origines dans les pays scandinaves.

La discipline principale est le ski de fond, qui peut se pratiquer selon deux techniques différentes.

La technique traditionnelle, dite classique, qui consiste à avancer dans deux traces parallèles et la technique du «skating», dont le style peut s’apparenter au patin à glace.

Le saut à skis, le combiné nordique (saut & ski de fond combiné) et le biathlon (ski de fond & tir à la carabine) sont les autres disciplines majeures du ski nordique.

Né le 25 juin 1981 à Grabs, dans le Toggenburg st-gallois, Simon Ammann fait ses débuts en Coupe du monde en 1998 à l’âge de 16 ans seulement. Il participe à ses premiers Jeux olympiques à Nagano la même année.

Aux JO de 2002 à Salt Lake City, il crée la sensation en remportant les médailles d’or des deux épreuves individuelles.

Surnommé «Harry Potter» en raison notamment de la forme de ses lunettes et de l’allure de son manteau, il est soudainement propulsé sur le devant de la scène médiatique.

Les 4 années qui suivent sont très difficiles pour Simon Ammann, qui n’arrive pas à confirmer son double exploit olympique.

En 2007, il fait son retour au premier plan en remportant deux victoires en Coupe du monde et la médaille d’or aux Mondiaux de Sapporo.

Avec trois victoires depuis le début de la saison, Simon Ammann occupe la tête de la Coupe du monde de saut à skis.

Dario Cologna est né le 11 mars 1986 à Santa Maria, dans le Val Müstair grison.

Après des débuts en ski alpin à l’âge de 5 ans, il découvre le ski de fond en 1999. En parallèle, ce passionné de sport pratique le football et le vélo.

A 22 ans, le palmarès de Dario Cologna est déjà bien garni. Il a été sacré trois fois champion du monde chez les moins de 23 ans et a remporté le marathon de l’Engadine en 2007.

Depuis ses débuts en Coupe du monde en novembre 2006, il s’est classé à 8 reprises parmi les 10 premiers.

Cette saison, il est monté pour la première fois sur un podium de Coupe du monde (2e du 30 km libre à La Clusaz, en France).

En conformité avec les normes du JTI

Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative

Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !

Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision