Le tabac est un serial killer
Le tabagisme est responsable de toute une série de cancers, pas seulement ceux des voies respiratoires. Une étude dirigée par un scientifique suisse le démontre.
L’Agence Internationale de Recherche sur le Cancer (AIRC) est dirigée depuis 1994 par Paul Kleihues, professeur de pathologie à l’Université de Zurich. Il s’agit d’une agence de l’Organisation Mondiale de la Santé.
Sous la houlette du scientifique suisse, l’AIRC – basée à Lyon -, elle a procédé à l’analyse de toutes les études relatives aux effets du tabac sur la santé. Le résultat vient d’être publié à Lyon et à Washington.
Le foie, le col de l’utérus, les reins
Pour la première fois, l’AIRC prouve l’existence d’un lien entre le tabagisme et toute une série de cancers autres que le cancer des poumons.
«Nous montrons que les effets du tabac concernent des organes profonds, tels que l’estomac, le foie, le col de l’utérus, les reins. Et nous démontrons que le tabac est impliqué dans certaines formes de leucémie», déclare Paul Kleihues à swissinfo.
Le professeur suisse ajoute que «le problème du tabagisme est plus important que ce que nous pensions pour certains sites, comme la gorge, le larynx et la cavité buccale».
En Suisse, 33% de la population de plus de 15 ans fume. Surtout, le maryland, un tabac réputé pour sa légèreté.
Cela dit, Paul Kleihues nuance quelques idées reçues: ni le type de tabac fumé, ni la méthode d’inhalation n’influe sur le facteur risque.
«Que vous fumiez du maryland ou d’autres tabacs, que vous fumiez la cigarette, la pipe ou le cigare, il n’y a pas de différence», souligne en effet Paul Kleihues.
Augmenter la pression sur Berne
Pour la première fois aussi, un lien est établi entre le cancer des poumons et le tabagisme passif ou involontaire, – celui de l’entourage du fumeur.
A cet égard, Paul Kleihues affirme que l’étude de l’AIRC vient renforcer le droit des non-fumeurs à ne pas être exposés au tabac.
«En Suisse, et en Europe en général, les droits des non-fumeurs ne sont pas mis en évidence», déplore le chercheur.
«Je crois, dit-il, que notre étude va augmenter les pressions qui s’exercent sur Berne et les autres gouvernements pour qu’ils interdisent aux fumeurs de fumer dans les lieux publics et sur les lieux de travail».
Aux Etats-Unis, de moins en moins de personnes fument et les droits des non-fumeurs ont pris le pas sur ceux des fumeurs.
Cette semaine, le Centre américain de contrôle des maladies publie une étude qui confirme le fait que l’interdiction de fumer pratiquement partout, sauf en plein air, a «considérablement réduit les risques associés au tabagisme involontaire».
Le directeur de l’AIRC souhaite que la Suisse se penche à nouveau sur les problèmes posés par le tabac.
«Nous avons en Suisse de très bonnes banques de données épidémiologiques et nous faisons un bon suivi des cas de cancers, mais il est malheureux que le dernier référendum ait rejeté l’interdiction de la publicité pour les cigarettes dans les médias», estime Paul Kleihues.
Un referendum sur le tabac uniquement
Le scientifique suggère qu’à l’avenir, la proposition soumise à un éventuel référendum ne devrait porter que sur le tabac. «Je crois que, pour éviter un nouveau revers aux urnes, il ne faudra plus mélanger la question du tabac avec celle des produits alcoolisés, déclare-t-il.
Selon l’étude de l’Agence Internationale de Recherche sur le Cancer, la moitié des fumeurs succomberont à une maladie causée par le tabac. L’Agence calcule que les fumeurs réduisent de 20 à 25 ans leur espérance de vie par rapport aux non-fumeurs.
swissinfo/Marie-Christine Bonzom
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