Des perspectives suisses en 10 langues

Les étrangers instrumentalisés dans la campagne électorale

Keystone

Les représentations négatives des étrangers ont marqué la campagne pour les élections fédérales 2007. C'est le résultat d'une étude de la commission fédérale contre le racisme.

En cause, surtout les musulmans et les jeunes étrangers. La commission a critiqué ces acteurs qui ont trop souvent confondu liberté d’opinion et «liberté de diffamer».

Si les étrangers ont été largement stéréotypés durant la campagne électorale, c’est plutôt dans le rôle de coupables que dans celui de victimes, regrette la Commission fédérale contre le racisme (CFR).

Présentée mardi à la presse à Berne, une étude de l’Université de Zurich a mis en évidence le large recours à des simplifications pour parler des étrangers durant la campagne électorale.

Les chercheurs se sont basés sur les articles et reportages de sept quotidiens, quatre journaux dominicaux, deux hebdomadaires et les journaux télévisés des trois régions linguistiques, mais aussi sur les annonces de fin juin à fin octobre.

Stéréotypes négatifs d’abord à l’UDC

L’Union démocratique du centre (UDC, droite nationaliste) est responsable des trois quarts des stéréotypes négatifs. En cause: l’amalgame entre délinquants et étrangers ou musulmans et mal intégrés. A ses côtés figurent aussi dans une moindre mesure l’hebdomadaire alémanique «Weltwoche» et la «NZZ am Sonntag».

Ces généralisations ont pour effet de créer une distance entre les étrangers et le reste de la population. Dans de rares cas, elles ont favorisé une empathie vis-à-vis des étrangers, perçus alors comme des victimes, note l’étude. Reste que quasiment à aucun moment, l’étranger n’est vu comme un simple voisin, un collaborateur ou un collègue.

Près de huit fois sur dix, les stéréotypes négatifs ont été corrigés par les autres partis ou les médias, surtout romands, constatent les chercheurs du Département de recherche d’opinion publique et société de l’Université de Zurich.

La majeure partie de la presse romande a réagi aux amalgames en affirmant que c’était l’UDC elle-même qui constituait le problème. Le Parti socialiste est le deuxième groupe, notamment à travers la présidente de la Confédération Micheline Calmy-Rey, à avoir rejeté les stéréotypes. Au final, on constate surtout que les étrangers n’ont pas eu voix au chapitre.

Simplifier plutôt qu’analyser

«Durant la campagne, nous avons assisté à un discours noir et blanc, d’exclusion qui affaiblit les minorités et la démocratie», analyse Boël Sambuc, vice-présidente de la CFR. En parallèle au populisme politique, on a vu arriver un populisme médiatique ou quand les médias préfèrent simplifier plutôt qu’analyser.

C’est surtout le cas des journaux dominicaux. De manière générale, les hebdomadaires orientés idéologiquement ont davantage utilisé soit des stéréotypes négatifs («Weltwoche», proche de l’UDC), soit des références à ces stéréotypes pour les contrer («WoZ», gauche).

Pour le chercheur Kurt Imhof, le phantasme, la peur a pris le pas sur la réalité. Il n’y a donc que peu de contre-discours possible, relève Mme Sambuc. Passer sous silence les propos de l’UDC serait une solution, mais constituerait un risque financier trop grand pour les médias, admet-elle.

Il faut surtout davantage débattre du fond et donner la parole «aux cibles, pour ne pas dire victimes», préconise la vice-présidente de la CFR. Les journalistes doivent mettre en avant les destins individuels, les témoignages afin que l’étranger redevienne «le sujet de l’article et non l’instrument», a conclu le président de la CFR Georg Kreis.

swissinfo et les agences

Titres étudiés: «Le Temps», «Le Matin», «Le Matin Dimanche», «Berner Zeitung», «Blick», «Neue Luzerner Zeitung», «Neue Zürcher Zeitung», «Tages-Anzeiger», «NZZ am Sonntag», «SonntagsBlick», «SonntagsZeitung», «Weltwoche» et «WochenZeitung» (WoZ).

Ont également été étudiés les journaux télévisés («19:30», «Tagesschau», «10 vor 10» et Telegiornale sera») et toutes les annonces électorales publiées dans ces médias.

En conformité avec les normes du JTI

Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative

Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !

Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision