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Les accros des casinos sont toujours plus nombreux

Il y aurait entre 10’000 et 20’000 joueurs pathologiques en Suisse. Keystone

Un an après l'ouverture du premier Grand Casino, les groupes de prévention tirent la sonnette d'alarme. Le nombre de joueurs dépendants est en augmentation.

Beaucoup d’accros accumulent des dettes d’au moins 50’000 francs avant de demander de l’aide.

Le premier casino de classe A s’est ouvert à Lucerne en juin 2002. Il fait partie des sept casinos de cette catégorie choisis l’an dernier par le gouvernement.

Il a été suivi par ceux de Berne, Baden, Lugano et Montreux. Les deux derniers – ceux de Bâle et Saint-Gall – devraient voir le jour à la fin de l’année.

Sans limitation de mises



Et les mises, dans ces casinos de type A, sont illimitées, au contraire de ceux de type B.

Selon des groupes de prévention, l’émergence de ces nouveaux établissements de jeux a coïncidé avec une recrudescence des appels au secours pour combattre la dépendance.

«Dans la deuxième moitié de l’année dernière, nous avons constaté une augmentation importante du nombre de demandes relatives à la dépendance des jeux d’argent», explique Heidi Fritschi, directrice de Berner Gesundheit, un centre de conseil à l’attention des accros du jeu installé dans la capitale.

Des appels à l’aide

Cette augmentation a-t-elle un lien direct avec l’ouverture en juillet dernier du nouveau Grand Casino de Berne? Il est pour l’heure trop tôt pour l’affirmer, explique à swissinfo Claudia Roth, collaboratrice de la Berner Gesundheit.

Cela dit, Claudia Roth précise que le centre travaille en étroite collaboration avec les dirigeants du casino afin de s’assurer que les joueurs dépendants appellent à l’aide avant qu’il ne soit trop tard.

«Nous avons un accord avec le casino (de Berne). Si quelqu’un présente un comportement suspect, le personnel, qui est formé à cette tâche, prend en charge le joueur et le met en relation avec notre équipe», explique encore Claudia Roth.

«Mais ils ne viennent que s’ils désirent être aidés. La plupart des personnes que nous détectons refusent de reconnaître leur dépendance».

Une surveillance très serrée

La législation établie par la Commission fédérale des jeux stipule que tous les établissements qui ont obtenu la licence A doivent faire tout ce qui est en leur pouvoir pour éviter que les joueurs ne misent au-dessus de leurs moyens.

La Commission peut infliger des amendes allant jusqu’à 500’000 francs aux exploitants qui ne respectent pas ces règles et qui laissent entrer un joueur banni des casinos.

Stefan Harra confirme que son équipe a suivi une formation pour s’occuper des clients qui ont des ennuis.

Selon le directeur du Grand Casino de Berne «ce n’est tout simplement pas dans notre intérêt de laisser les accros jouer dans notre établissement».

Des dettes de jeu

Mais Claudia Roth estime que beaucoup d’accros du jeu passent outre les restrictions légales et continuent malgré tout à jouer. En y laissant leurs derniers sous.

Et seuls quelques-uns d’entre eux cherchent de l’aide auprès des groupes de prévention.

«Les gens qui font la démarche de nous contacter savent qu’ils doivent changer. Mais ils n’en ont pas vraiment envie, explique Claudia Roth. Ma tâche consiste à les motiver».

«La plupart de ceux qui demandent de l’aide, ajoute-t-elle, ont déjà des dettes pour au moins 50’000 francs quand ils arrivent pour leur première séance».

«Il est très important de leur réapprendre à gérer leur argent, car ils doivent prendre conscience que leur dette ne sera pas réduite».

«Beaucoup sont désespérés, certains d’entre eux sont suicidaires, parce qu’ils ont perdu leur travail et leurs amis. Ils n’ont plus de projets d’avenir», note encore Claudia Roth.

Accro guéri

Andreas (prénom fictif) est l’un des clients de Claudia Roth au centre de conseil. Il a 46 ans. C’est un ancien accro du casino de Berne, où il accumulé une dette de plusieurs centaines de milliers de francs.

Rencontré par swissinfo, Andreas confie qu’il a commencé par dépenser «de la petite monnaie, entre 20 et 50 francs» dans des machines à sous.

Mais rapidement, il a développé une importante dépendance vis-à-vis des jeux d’argent. Il dépensait régulièrement 6000 francs sur les tapis en une seule nuit.

«J’ai fait le pas quand j’ai réalisé que je ne pouvais plus sortir de chez moi avec de l’argent en poche, parce que… après deux minutes, je ne pouvais m’empêcher de penser à aller le jouer au casino», raconte-t-il.

«J’ai réalisé que j’avais de sérieux problèmes et que ce n’était pas bon pour ma vie de famille. Ils voyaient bien que je ne pouvais plus m’occuper d’eux et que ce problème commençait à me dépasser».

Andreas n’est pas le seul: la commission pour le contrôle social des casinos en Suisse – un organe fondé par les exploitants de casinos – estime que les joueurs pathologiques sont entre 10’000 et 20’000 dans le pays.

Et selon Careplay, un centre de prévention basé à Lucerne, une écrasante majorité des accros sont des hommes.

Souffrance des familles

Claudia Roth ajoute que la famille proche souffre également des conséquences de la dépendance.

«Parfois, des épouses de joueurs invétérés viennent me voir et me disent qu’elles n’ont plus rien à manger dans leurs placards et qu’elles n’ont plus d’argent pour payer le loyer ou les assurances maladies.»

Aujourd’hui, Andreas dit qu’il a vaincu sa dépendance et qu’il n’est plus tenté par les jeux aux mises élevées offerts par le nouveau parc des Grand Casinos.

«C’est juste un combat entre toi et la machine à sous, explique-t-il. Au début, tu penses que tu peux la battre – je me tenais devant elle et je lui disais: «tu vas voir ce que tu vas voir…». Mais finalement, j’ai compris que la machine à sous gagnait toujours».

swissinfo, Ramsey Zarifeh
(Traduction : Christine Salvadé)

En 2001, le Conseil fédéral octroie des licences appelées Classe A à sept casinos, sans limite de jeu
Le premier de ces Grands Casinos a ouvert ses portes à Lucerne en juin 2002
Les deux derniers ouvriront à Bâle et Saint-Gall cet automne
Les exploitants de casinos peuvent se voir infliger une amende allant jusqu’à 500 000 francs s’ils laissent revenir dans leur établissement des joueurs bannis.

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