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Les affamés du sport

Les poids plume volent plus loin. Keystone Archive

Pour améliorer leurs performances, les athlètes suisses ont tendance à se sous-alimenter. Surtout les femmes, selon une étude de l'EPFZ.

Les sportives sont d’ailleurs plus menacées par des troubles du comportement alimentaire, comme l’anorexie.

Plus légers, ils courent plus loin, roulent plus vite, volent plus haut. L’étude menée par l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ) révèle des carences nutritives essentiellement chez les athlètes qui pratiquent des sports d’endurance.

Performance et esthétique

Un poids inférieur permet de réaliser de meilleures performances dans de nombreux sports: la course, le cyclisme, le ski de fond, le saut à ski, etc.

Dans des disciplines comme le judo, il permet aussi de jongler entre les différentes catégories de poids.

Autre raison qui pousse les sportifs d’élite à manger léger: l’aspect esthétique. C’est le cas pour les danseuses, mais aussi pour les patineurs artistiques, par exemple.

Les femmes plus touchées

Ces problèmes de carences nutritives touchent tout particulièrement les athlètes femmes. Pas forcément parce qu’elles sont plus soucieuses de leur poids que les hommes. Mais surtout parce qu’elles ont besoin de plus d’énergie.

«Les femmes ne peuvent pas emmagasiner autant d’hydrates de carbone que les hommes, précise Paolo Colombani, l’un des auteurs de l’étude menée par l’EPFZ. Elles devraient donc en consommer plus. Surtout avant les compétitions.»

Un élément nouveau apporté par l’étude de l’EPFZ. Jusqu’ici, les régimes préconisés pour les athlètes femmes se basaient sur des recherches faites sur des sportifs masculins.

Anorexia athletica

Les sportives d’élite sont également plus menacées que le reste de la population par les troubles du comportement alimentaire, comme l’anorexie. Ou plus précisément l’anorexia athletica, un phénomène propre au sport de compétition.

«Il s’agit ici d’une forme de trouble de l’alimentation où l’athlète essaie sciemment de perdre du poids, précise Mattia Piffaretti, psychologue du sport. C’est un comportement à risque et pas réellement une maladie.»

Sur le fil

Mais la limite entre l’anorexia athletica – une attitude contrôlée et volontaire pour améliorer la performance – et l’anorexie classique est étroite. Un athlète peut basculer de l’une à l’autre.

«Au début, un entraîneur conseille à un sportif de perdre du poids pour améliorer ses performances. Et puis, on entre dans un cercle vicieux», lance Paolo Colombani.

«C’est une question de vulnérabilité personnelle, nuance Mattia Piffaretti. Si l’athlète est fragile, le comportement à risque pourrait être un facteur déclenchant et le faire sombrer dans des formes graves d’anorexie.»

Les difficultés de la prévention

L’Office fédéral du sport a déjà lancé plusieurs campagnes de prévention. En collaboration avec Swiss Olympic, il a notamment créé une page Internet qui propose des conseils diététiques.

«Mais on ne peut pas résoudre des problèmes comme l’anorexie avec des menus ou des recommandations», avoue Christof Mannhart de l’Institut des sciences du sport de Macolin.

«Le plus souvent, les athlètes concernés savent qu’ils ne mangent pas assez, poursuit le spécialiste en nutrition sportive. Mais le souci de la performance l’emporte. C’est une valeur qui est encouragée par notre société.»

Autre problème soulevé par Mattia Piffaretti: «Il est difficile de faire passer le message au niveau des instances, parce que les troubles de l’alimentation restent une pathologie relativement mineure en termes de nombre. Mais pas en termes de gravité.»

L’Institut des sciences du sport de Macolin en est conscient. Pour améliorer la situation, médecins, nutritionnistes et psychologues travaillent main dans la main. Et l’institut communique régulièrement avec les entraîneurs et les instances dirigeantes.

swissinfo, Alexandra Richard

Etude menée de 1996 à 1999 auprès de 119 sportifs d’élite.
79 hommes et 40 femmes.
En Suisse, on compte environ 1000 sportifs d’élite.

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