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Les combinaisons des skieurs ne font pas tout

Cuche et son ancienne combinaison, victorieux en Allemagne. Keystone

La qualité de la combinaison définit-elle la qualité du skieur? La question a été reposée suite aux récents succès des skieurs suisses, après une longue période de disette.

Tour d’horizon technique, entre perméabilité des tissus et traînées aérodynamiques!

Les combinaisons des skieurs helvétiques défraient la chronique depuis le mois de décembre. Désespérés par leurs contre-performances, les descendeurs ont renfilé celles de la saison précédente depuis la mi-janvier.

Et les premiers podiums sont arrivés. Durant les courses de Kitzbühel en Autriche d’abord, et, le week-end dernier, lors de la descente de Garmisch-Partenkirchen, avec la victoire de Didier Cuche.

L’occasion pour les skieurs suisses de clamer haut et fort que les nouvelles combinaisons n’étaient pas compétitives et pour les dirigeants du ski pool (groupe de sponsors de l’équipe suisse de ski auquel participent tous les fournisseurs de matériel) de fustiger l’attitude des athlètes: on ne critique pas le matériel sur la place publique.

Alors, effet psychologique ou réelle défectuosité des nouvelles combinaisons?

Une réglementation stricte

La question de la perméabilité des tissus, étroitement liée à la problématique de l’aérodynamisme, est centrale. Ainsi, les tenues des skieurs doivent laisser passer une quantité minimale d’air pour être homologuées par la Fédération internationale de ski (FIS).

Or, la réglementation de la FIS n’a pas connu de bouleversement radical à l’entre-saison. Par conséquent, les combinaisons revêtues depuis le mois d’octobre 2003 devraient présenter le même degré de perméabilité à l’air qu’il y a un an.

La réglementation de la FIS est sur ce point sans équivoque: «Les vêtements propres à la compétition, ainsi que les sous-vêtements, dessous, etc…, ne doivent être plastifiés ni à l’extérieur ni à l’intérieur et ne pas être traités de quelque façon que ce soit avec des produits chimiques (gazeux, liquides ou solides)».

«Les coutures ne doivent exister que pour l’assemblage des parties vestimentaires. Des piqués-retournés et ourlets vers l’extérieur sont interdits. Toutes les parties des vêtements doivent être poreuses tant de l’extérieur vers l’intérieur qu’inversement, la perméabilité à l’air minimale étant fixée comme suit:

Un tissu non tendu doit présenter sous effet d’un vide mesuré d’une colonne d’eau de 10mm une perméabilité moyenne de 30 litres minimum par mètre carré et par seconde».

«Les combinaisons Slalom Géant et Super G peuvent spécialement être protégées au niveau des épaules, des bras, des genoux et des tibias. Les combinaisons de Slalom peuvent spécialement être protégées au niveau des épaules, des bras et des jambes».

S’agissant des gants, «les déformations ainsi que l’emploi du skaï, visant à obtenir de meilleures propriétés aérodynamiques, ne sont pas autorisés».

Améliorer la traînée aérodynamique

Le caractère rigide de ces prescriptions n’élimine pas pour autant toute amélioration. Sans pouvoir jouer sur la perméabilité du tissu, il s’agira de jouer sur la traînée aérodynamique générée par le frottement entre l’air et la combinaison.

Autrement dit, pour les fabricants, il ne s’agit donc pas tant de trouver de nouveaux tissus que d’améliorer le frottement dans l’air des équipements existants.

«Nous traitons des combinaisons de ski alpin, de patinage ou des maillots de bains selon un procédé mécano-chimique qui n’affecte pas la perméabilité des tissus», explique Alain Midol.

Pour ce ‘tribologue’, ou spécialiste de la science des frottements, «les combinaisons de certaines équipes ne sont même pas taillées dans le sens du tissu, ce qui n’est pas sans répercussions négatives au niveau des traînées aérodynamiques».

Des tests en soufflerie effectués par la Fédération française de ski (FFS) ont démontré que l’ajustement de la combinaison sur le skieur (plis, état des coutures) pouvait avoir une influence sur le coefficient de traînée aérodynamique (Cx).

«Il s’agit d’orienter les rugosités du tissu ou des coutures en fonction du sens de la glisse. Tout un travail qui se traite au niveau du micron», poursuit Alain Midol.

Le psychisme des athlètes en question

Certes, l’évolution technologique peut avantager les coureurs lorsque les écarts sont extrêmement ténus.

Mais elle ne leur permet pas encore de faire totalement la différence, comme le confirment les résultats des tests menés par la FFS: «Les différences de temps entre deux skieurs dues aux seuls effets aérodynamiques ne peut pas excéder un à quelques dixièmes de seconde».

Une conclusion que partagent les responsables du matériel des skieurs suisses. «Déterminer la perte de temps que peut engendrer une combinaison défectueuse est extrêmement difficile. Même la météo peut influencer les résultats», soutient Guido Mätzler.

Pour le président des équipementiers du Swiss Ski Pool, il n’existe pas de preuve qui permette de dire que les combinaisons utilisées cette saison sont moins performantes. «C’est une question qui, pour moi, reste ouverte à ce jour», souligne l’intéressé.

La position du skieur, la composition de la semelle des skis, la façon de «poser» son ski sur la neige, le mélange de farts, les qualités techniques du coureur sont autant de facteurs qui contribuent, eux aussi, à la performance globale des athlètes.

Et compte tenu des écarts de plusieurs secondes séparant les premiers Helvètes des vainqueurs, en début de saison, le matériel ne peut, à l’évidence, être tenu pour seul responsable.

«Beaucoup de choses se passent dans la tête, renchérit Guido Mätzler. Le lendemain de sa victoire, Didier Cuche a terminé neuvième et pourtant, il portait la même combinaison que la veille».

Quoi qu’il en soit, le responsable de l’équipement ne souhaite qu’une chose: mettre au point une combinaison optimale pour la saison prochaine. Reste à savoir si cela permettra de clore la polémique née entre les skieurs et leurs dirigeants.

swissinfo, Jean-Didier Revoin

– Les combinaisons des skieurs doivent présenter un certain degré de perméabilité à l’air.

– La norme est fixée par la Fédération internationale de ski (FIS) depuis plusieurs années déjà, ce qui n’empêche pas les tenues des athlètes d’évoluer au fil des saisons.

– Les progrès sont réalisés notamment dans l’assemblage des pièces de tissus, la confection de coutures qui leur confèrent une meilleure traînée aérodynamique. Des travaux qui s’opèrent à l’échelle du micron.

– A la mi-janvier, les descendeurs suisses ont renfilé leurs équipements de la saison précédente. Une nette amélioration s’est fait sentir avec la troisième place d’Ambrosi Hoffmann à Kitzbühel et la victoire de Didier Cuche à Garmisch-Partenkirchen.

– Le Neuchâtelois, toujours avec une combinaison de la saison passée, à toutefois terminé neuvième le lendemain.

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