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Les copeaux de bois laissent un goût amer aux vignerons

Les vignerons suisses sont partagés sur les copeaux de chêne. Keystone

La perspective de voir autoriser l'usage de copeaux de chêne pour parfumer les vins suisses a soulevé un tollé parmi les vignerons.

Ils clament que l’irruption de ces pratiques à l’américaine va diluer l’authenticité d’une tradition vinicole séculaire et semer la confusion chez les consommateurs.

Depuis le début 2006, l’Union européenne (UE) autorise l’adjonction au vin de copeaux de chêne à la suite d’un accord décisif passé avec les Etats-Unis.

Les Suisses, qui sont liés à Bruxelles par toute une série d’accords bilatéraux, devraient suivre au début 2007.

Il y a plusieurs années que les vignerons nord et sud-américains, sud-africains et australiens ajoutent des copeaux de chêne pour parfumer leurs vins. Ce procédé économique accélère le processus de vieillissement et permet d’éviter une conservation aussi longue que coûteuse en fûts de chêne.

Mais en Suisse, les adversaires de cette méthode craignent que les consommateurs ne soient déboussolés – comme l’affirme l’Association suisse des consommateurs – et que la qualité des vins nationaux n’en souffre.

Rester un marché de niche

«Avec 15’000 hectares seulement, la Suisse est un petit pays vinicole et nous devons rester un marché de niche avec des vins de caractère. Nous n’avons pas besoin de nous lancer dans une production industrielle qui ne ferait que nuire à la qualité», indique Michel Duboux, président de l’Association suisse des vignerons et encaveurs.

«Ce que je crains le plus est que, si on autorise les copeaux de chêne, la prochaine étape consistera à autoriser les arômes artificiels. Ce serait ouvrir les vannes à des pratiques qui priverait nos vins de leur authenticité», explique-t-il à swissinfo.

Des dirigeants régionaux de l’association, qui compte plus de 500 membres, se sont réunis jeudi pour condamner cette pratique à l’unanimité.

Tout dans l’étiquetage

L’Association suisse des vignerons et encaveurs, tout comme l’Association suisse des consommateurs exige que l’adjonction de copeaux de chêne soit clairement indiquée sur les étiquettes.

Mais l’Office fédéral de la santé (OFS), qui est déjà en train de réviser la législation, propose une autre solution. Il entend stipuler que les vins parfumés aux copeaux de bois ne puissent porter la mention «vieilli en fût de chêne».

«L’idée est de ne pas autoriser la mention si des copeaux de chêne ont été utilisés», indique Pierre Studer, responsable des boissons alcoolique et de l’eau à l’OFS.

«Je crois qu’aux Etats-Unis, on fait la différence entre ‘vieilli en fût de chêne’ et ‘avec bois de chêne’, mais nous n’avons pas l’intention de rendre obligatoire la mention de cette pratique».

Pas de langue de bois

Afin que le public ne puisse être induit en erreur, l’Association suisse des consommateurs est sur pied de guerre et exige que l’usage de copeaux soit déclaré.

«Il n’y a aucune indication sur les bouteilles que des copeaux ont été utilisés. Mais la transparence est absolument prioritaire pour un produit naturel tel que le vin», déclare l’association sur son site Internet.

Monique Perrottet Richard, directrice de la Fédération suisse des vignerons, fait montre de pragmatisme. Elle explique que son organisation – qui représente toutes les régions vinicoles du pays – ne s’oppose pas à l’utilisation en soi de copeaux de bois, mais que les consommateurs doivent être informés clairement si le vin a été altéré ou non.

«Je ne pense pas que cela nuise à l’authenticité des vins suisses, mais il est important de communiquer clairement au public ce qu’il en est et, surtout, comment faire la différence entre les deux types de vins», déclare Mme Perrottet Richard.

«Les gens doivent savoir que les vins élaborés avec des copeaux de chêne ne vieillissent pas aussi bien que ceux qui sont vieillis en fûts. Il y a une grande différence de qualité dans le produit final».

swissinfo, Adam Beaumont
(Traduction de l’anglais: Isabelle Eichenberger)

– Les vins suisses sont souvent distingués lors des concours internationaux, malgré le fait que seul un pour cent de la production totale (un million de litres) est exporté.

– Suite à la libéralisation du marché domestique, une nouvelle génération de vignerons a amélioré ses crus en diminuant la production, en replantant des cépages et en soignant les spécialités régionales.

– Le Guide Hachette des vins 2005 a octroyé trois étoiles pour marquer l’«exceptionnalité» de 17% des 190 vins suisses recensés. Seuls 2% des vins français peuvent en dire autant.

En Suisse, le Valais est le premier producteur de vin, suivi de Vaud, Genève et du Tessin.
Ces dix dernières années, les vins suisses ont gagné 40% du marché domestique.
En 2003, pour la première fois, les vignerons suisses ont produit plus de rouge que de blanc.

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