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Les déchets électroniques pèsent sur la Convention de Bâle

Des câbles et des pièces électroniques contenant notamment du cuivre sont détruites et incinérées, provoquant des émanations chimiques toxiques. Keystone

Vingt ans après l'adoption de la Convention de Bâle, une montagne «catastrophique» de déchets électroniques vient gonfler la masse des matières polluantes dangereuses.

La Convention de Bâle, a soufflé ses 20 bougies mardi dernier. Ce traité international, signé par 172 Etats, règle le mouvement transfrontaliers sur les déchets dangereux et leur élimination.

«En 1989, la pollution électronique n’existait même pas. Aujourd’hui, la masse globale de ces déchets dangereux progresse de manière exponentielle», a dénoncé Katharina Kummer Peiry, secrétaire du traité international, face à un parterre de journalistes à Genève.

L’Organisation des Nations Unies estime à quelque 50 millions de tonnes les matières d’origines électroniques jetées chaque année aux ordures.

En Europe, ces matériaux polluants augmentent de 3 à 5% par année, soit trois fois plus vite que la production totale d’ordures. Les pays développés vont vraisemblablement tripler leur production de déchets électroniques au cours des cinq prochaines années.

La Convention de Bâle insiste sur le fait que les déchets électroniques sont un sous-produit du commerce et de la consommation des biens de communication.

«Ajoutez à cela une demande en constante croissance pour les jeux électroniques, les téléviseurs à haute définition et autres appareils «intelligents», et le résultat conduit à l’accumulation catastrophique de déchets électroniques, aujourd’hui et à l’avenir», lit-on dans une déclaration annexe.

La plus grande partie des déchets d’origine électronique termine sa course dans les pays en voie de développement, où ces ordinateurs, téléphones portables et autres téléviseurs, sont démantelés pour qu’en soient extraits les métaux recyclables – en relâchant diverses substances toxiques au passage.

L’an dernier, dans un site d’élimination de déchets électroniques au Ghana, Greenpeace a relevé des taux élevés de plomb, de dioxine et de phtalates, dangereux pour la santé. Des quantités similaires de produits polluants ont été détectées dans d’autres sites en Inde et en Chine.

Responsabilité des producteurs

Conformément à la Convention de Bâle, l’exportation de déchets toxiques des pays industrialisés vers les pays pauvres est en principe illégale, à moins d’avoir obtenu le consentement préalable et explicite des gouvernements concernés.

Selon un rapport établi par le secrétariat de la Convention de Bâle, basé à Genève, 101 pays ont exporté légalement près de 11,2 millions de tonnes de déchets toxiques et autres détritus dangereux vers 51 Etats en 2006. On recensait 9,7 millions de tonnes en 2004.

A cela s’ajoutent d’autres quantités de déchets dangereux pour l’homme et l’environnement, exportées illégalement.

«Pour les exportateurs, la façon la plus simple de contourner la régulation consiste à requalifier des déchets d’origine électronique en ‘marchandises de seconde main’ destinée au recyclage», explique Tom Dowdall, coordinateur de la campagne internationale «Green electronics» auprès de Greenpeace International.

Greenpeace, qui d’ailleurs a appelé les fabricants d’appareils électroniques à mettre au point des produits plus sûrs, et à en assumer la responsabilité tout au long du cycle d’existence du produit.

«Malgré ce constat plutôt sombre, d’importants efforts ont été fournis ces dernières années», concède Tom Dowdall. «Des entreprises comme Sony ou Phillips ont mis en place des modèles d’entreprise, et des sociétés ont formé une coalition en Europe afin de promouvoir la responsabilité des producteurs. Si l’objectif est loin d’être atteint, des progrès importants ont tout de même été accomplis».

La tête dans le sable

De son côté, Jim Pucket, le coordinateur de l’ONG Basel Action Network, basée à Seattle, estime que les déchets d’origine électronique sont l’une des plus grandes préoccupations planétaires, au même titre que les épaves des navires.

«Même s’ils sont soumis à la Convention, certains pays ferment les yeux face aux dangers et aux risques que présentent ces déchets. Il s’agit d’exploitation pure et simple», dénonce-t-il.

Mais le principal souci de Jim Puckett est «le manque de volonté politique» pour lutter contre l’exportation de déchets toxiques par les pays riches à destination des pays pauvres. Le «Ban Amendment» de 1994 – qui va plus loin que la Convention et qui prévoit l’interdiction totale de l’exportation – n’est jamais entré en vigueur.

«Le secrétariat de la Convention de Bâle a échoué dans la promotion de ce texte, regrette le coordinateur. Il a cédé aux pressions exercées par les Etats-Unis, le Japon et le Canada ».

Mais Franz Perrez, chef de la section des affaires globales de l’Office fédéral de l’environnement (OFEV) estime que l’amendement ne pouvait pas entrer en vigueur dans sa forme actuelle.

«C’est devenu une sorte de symbole pour les ONG… mais ce n’est pas suffisant, puisque l’amendement couvre uniquement les transports de déchets des pays de l’OCDE vers les pays non-membres de l’Organisation de coopération et de développement économique», analyse-t-il.

La Suisse et l’Indonésie, qui participent à un groupe de travail sur la question, veulent examiner les possibilités envisageables pour régler la question et prévoient de présenter des solutions à l’horizon 2011.

Néanmoins, en cette vingtième année d’existence de la Convention, Franz Perrez estime que le bilan de la Convention de Bâle doit être jugé favorablement.

«Il s’agit d’une ‘success story’ et on a trop tendance à l’oublier», souligne Franz Perrez. «Le phénomène dit du ‘colonialisme toxique’ a reculé de manière significative», constate-t-il. «Toutefois, le texte se concentre excessivement sur les déchets toxiques et pas suffisamment sur l’ensemble du problème et la longévité des produits».

Simon Bradley, swissinfo.ch
(Traduction de l’anglais: Nicole della Pietra)

L’élimination d’un mètre cube de déchets toxiques coûterait entre 400 et 680 dollars US en Europe, soit quinze fois de plus qu’en Afrique ou en Asie.

Selon le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE), la quantité de déchets d’origine électronique produite chaque année dans le monde se monte à 50 millions de tonnes.

En 2005, une étude du Basel Action Network relevait que près de 75% des déchets provenant de téléviseurs et ordinateurs expédiés au Nigeria afin d’être recyclés comme «produits de seconde main» avaient en réalité été incinérés ou enterrés.

La durée de vie moyenne des produits électroniques dans les pays industrialisés a baissé de six ans en 1997 à deux ans en 2005. Les téléphones portables ont même une longévité inférieure à deux ans.

183 millions d’ordinateurs ont été vendus en 2004, soit 11,6% de plus que l’année précédente. Et 674 millions de téléphones portables avaient été vendus en 2004, marquant une progression de 30% par rapport à 2003.

D’ici 2010, quelque 716 millions de nouveaux ordinateurs seront vendus dans le monde. La Chine comptera 178 millions de nouveaux utilisateurs et l’Inde 80 millions.

1989. La Convention de Bâle a été adoptée en 1989 afin de lutter contre l’exportation de déchets toxiques par des pays riches dans des pays défavorisés. La Suisse et la Hongrie sont à l’origine du traité.

Longue liste. Le traité couvre les matériaux toxiques, les poisons, les matières explosives, corrosives, inflammables, écotoxiques et contagieux.

172 pays. Le texte est entré en vigueur en 1992 et a été ratifié par 172 pays.

Genève. La ville de Bâle, qui avait accueilli la conférence qui a donné naissance au pacte en 1989, a donné son nom à la convention. Et c’est à Genève que se trouve le secrétariat de la convention.

Rotterdam et Stockholm. Les autres textes qui réglementent la question, sont la Convention de Rotterdam sur les substances chimique et la Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants.

Basel Waste Solutions Circle. Pour marquer son 20ème anniversaire, la Convention de Bâle lance la Basel Waste Solutions Circle. Cette initiative doit compléter la déclaration de Bali sur le climat. Elle a débuté à Bâle le 17 novembre dernier.

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