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Les directeurs d’UBS mieux payés en 2010

Carsten Kengeter sourit, malgré une diminution de salaire de près de 2 millions de francs (sur 11…) Keystone

Les bonus des 13 directeurs d’UBS ont augmenté au total de plus d’un tiers malgré une diminution de 11% de l’enveloppe globale des rémunérations en 2010, année où la banque a renoué avec les bénéfices. Le CEO Oswald Grübel renonce à son bonus.

Dans son rapport annuel 2010 publié récemment, UBS, qui a retrouvé les chiffres noirs pour la première fois en quatre ans, a indiqué avoir diminué l’enveloppe globale des salaires de 11% à 4,25 millions de francs. Mais, dans le même temps, les 13 principaux directeurs de la grande banque ont vu leur rémunération passer de 68,7 millions de francs à 91 millions.

L’an dernier, le système de rémunération avait été rejeté par 40% des actionnaires lors d’un vote consultatif, bien que 55% d’entre eux approuvaient le rapport lui-même. Le mois dernier, 38% des actionnaires s’opposaient à leur tour aux salaires des directeurs de Novartis.

Roby Tschopp, directeur d’Actares (Association pour une économie durable), reconnaît que les salaires d’UBS ne sont pas aussi «provocateurs» que ceux d’autres entreprises, comme Credit Suisse, dont le directeur général Brady Dougan a reçu 70 millions de francs en 2009 grâce à un modèle de bonus datant de 2004.

A UBS, Carsten Kengeter, responsable de la division «investment banking», est resté le mieux payé des directeurs: il a perçu 9 millions de francs en 2010, contre 13 en 2009. Le président du conseil d’administration, l’ancien conseiller fédéral Kaspar Villiger, a de son côté eu droit, en 2010, à une rémunération doublée à 1,5 million de francs.

«Nous devons analyser le rapport dans tous ses détails, explique Roby Tschopp. Mais, d’ores et déjà, je ne crois pas que nous allons accepter ces chiffres qui sont plus élevés que ce à quoi nous nous attendions.»

Mécontentement des employés

Les bonus 2010 pourraient aussi provoquer des vagues au sein des employés d’UBS. L’an dernier déjà, Elli Planta, l’ancienne présidente du comité de représentation des employés de la banque (ERC), avait déclaré qu’une méfiance générale s’était installée sur la politique des bonus.

«Dans le passé, on disait aux employés qu’ils avaient droit à un bonus si leur évaluation était satisfaisante. Des gens ont bien travaillé dans des conditions difficiles l’an dernier, ils n’y comprennent plus rien», avait-elle expliqué.

Récemment, UBS a modifié le système des objectifs pris en compte dans la fixation des bonus. Cela n’a pas vraiment contribué à apaiser les esprits des employés, qui se sentent victimes d’un nouveau style de gestion agressif, considéré comme typiquement américain.

«Les nouveaux managers américains, impitoyables, récoltent des millions pendant que nous autres travaillons comme des esclaves, faisant des heures supplémentaires et assumant des responsabilités supplémentaires, et ne récoltant rien au final», lâche un informaticien d’UBS en Suisse, interrogé par swissinfo.ch sous couvert d’anonymat.

Et, selon lui, «cela ne changera pas avec le retour des bénéfices: cela restera pareil». L’opinion publique est elle aussi plus que jamais «remontée» contre les bonus des grandes entreprises.

D’autant plus que le Parlement ne cesse de tergiverser sur l’initiative populaire de l’entrepreneur Thomas Minder «contre les rémunérations abusives», déposée il y a plus de trois ans.

Changement de cap?

Le Conseil national (Chambre du Peuple) a en effet décidé de renvoyer le projet en commission pour étudier une nouvelle contre-proposition. Il n’est pas entré en matière sur l’imposition des bonus au-dessus de 3 millions de francs. Thomas Minder s’est indigné contre «ce Parlement léthargique».

Pour Roby Tschopp, la pression générale va toutefois forcer les grandes entreprises à faire des concessions. Un tiers des 100 plus grandes sociétés suisses autorisent désormais le vote consultatif sur les systèmes de salaires et deux grands dirigeants – Peter Brabeck de Nestlé et Daniel Vasella de Novartis – ont abandonné leur double casquette de président du conseil d’administration et de CEO.

Le directeur d’Actares est convaincu que le secteur non financier a bien reçu le message, même si quelques grands patrons résistent encore. «Lorsque ces derniers feront des compromis, nous verrons de réels progrès dans les politiques de rémunération. Mais le secteur financier pourrait demeurer problématique pendant quelque temps encore.» Les statistiques salariales de Credit Suisse seront présentées le 24 mars.

Le directeur général d’UBS Oswald Grübel a perçu 3 millions de francs en salaire de base en 2010 et il a renoncé à tout bonus, pour la 2e année consécutive.

Le responsable de la division banque d’investissement Carsten Kengeter a perçu un salaire de base de 874’626 francs, dopé à 9,3 millions grâce aux bonus, soit 2 millions de moins qu’en 2009. Majoritairement indépendant de ses performances, le bonus lui sera versé ultérieurement, à hauteur de 88%.

Le président du Conseil d’administration Kaspar Villiger a vu son salaire de base augmenter de 600’000 francs à 850’000 francs. Avec des actions, bloquées pendant quatre ans, il parvient à une rémunération de 1,5 million de francs (contre 677’000 en 2009).

Tous les autres membres de la direction d’UBS reçoivent un salaire de base de 325’000 francs en 2010, comme en 2009, avec des parts variables entre 100’000 et 450’000 francs.

Le meilleur second salaire du Conseil d’administration est celui du directeur indépendant senior David Sidwell, responsable du «Risk Committee» (975’000 francs), tandis que le nouveau membre Wolfgang Mayrhuber percevait 475’000 francs. 

En 2010, 40% des actionnaires d’UBS ont rejeté le rapport sur les rémunérations lors d’un vote consultatif, approuvé par 55% des actionnaires.

Selon Ethos, un tiers des 100 plus grandes entreprises du pays vont, cette année, autoriser un vote consultatif sur les salaires de leurs dirigeants.

Les autorités américaines et japonaises enquêtent pour savoir si UBS a tenté de manipuler le taux de référence interbancaire Libor.

Le London Interbank Offered Rate, ou Libor, sert de référence pour déterminer le taux auquel les établissements se prêtent de l’argent entre eux. Il constitue aussi le taux de référence qu’utilise la Banque nationale suisse (BNS).

UBS a fait elle-même part de cette enquête, dans le cadre de la publication de son rapport annuel 2010, en évoquant des provisions à ce titre.

L’établissement indique mener une enquête à l’interne, tout en précisant qu’il coopère avec les autorités concernées.

Les soupçons selon lesquels des banques auraient influencé le Libor avec des données embellies datent d’il y a trois ans.

Source: ATS

Traduction de l’anglais Ariane Gigon

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