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Les jours des comptes numérotés sont comptés

Les clients des banques suisses ne pourront bientôt plus se cacher derrière un numéro. Keystone

Les légendaires comptes secrets ne seront plus que l’ombre d’eux-mêmes après l’entrée en vigueur de la nouvelle ordonnance sur le blanchiment d’argent, le 1er juillet.

Désormais, les banques suisses devront révéler les noms des clients qui transfèrent des capitaux à l’étranger.

Bien que le principe du compte à numéro ne disparaisse pas complètement, les clients ne pourront plus effectuer leurs transactions sous le secret d’une combinaison chiffrée.

La nouvelle réglementation a été introduite en juin 2003 déjà, mais les institutions financières helvétiques ont bénéficié d’un délai de transition d’une année pour s’y préparer. Délai qui échoit au 30 juin.

Critiques internationales



A l’approche de la date fatidique, le ministre allemand des Finances, Hans Eichel, s’en prend aux pratiques des institutions financières suisses.

«Je suis très préoccupé de savoir que des banques suisses effectuent des transferts de capitaux sur des établissements allemands sans que le nom des personnes concernées soit connu», a-t-il déclaré au magazine suisse Cash.

«Fondamentalement, (la Suisse) contrevient aux standards internationaux de lutte contre le blanchiment d’argent… et (cette pratique) va à l’encontre des recommandations de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE)».

L’Association suisse des banquiers (ASB) rejette les accusations de Hans Eichel. Son porte-parole Thomas Sutter déclare: «Il est avéré sur le plan international que la Suisse a les règles les plus restrictives du monde dans ce domaine».

Flux de capitaux



Mais l’avocat bancaire genevois Carlo Lombardini, lui, remet en question l’efficacité de la nouvelle ordonnance.

Il ne croit pas que l’obligation faite aux dépositaires de révéler leur identité aura un impact quelconque sur la lutte contre le blanchiment de capitaux.

«C’est complètement inutile mais, malheureusement, la Suisse n’a pas eu le choix puisqu’elle a dû introduire ces mesures sous la pression internationale», explique Carlo Lombardini à swissinfo.

«Les vrais criminels ne passent pas par les banques… Personne ne serait assez stupide pour effectuer un transfert de fonds sous sa propre identité avec la mention ‘veuillez transférer ceci au nom du célèbre trafiquant colombien Pablo Escobar’».

Sous pression



Récemment, le gouvernement suisse a subi des pressions extérieures croissantes pour renoncer – ou en tout cas en partie – à sa sacro-sainte politique du secret bancaire.

La nouvelle ordonnance s’inspire en droite ligne des recommandations émises par le Groupe d’action financière sur le blanchiment de capitaux (Gafi). Cette organisation basée à Paris est responsable de la coordination de la lutte internationale contre le blanchiment.

Dans ses «Recommandations spéciales» sur le financement du terrorisme, le Gafi appelle les Etats à «obliger les institutions financières à inclure des renseignements exacts et utiles relatifs au donneur d’ordre (nom, adresse et numéro de compte) concernant les transferts de fonds.»

Pour Carlo Lombardini, c’est un exemple de la manière dont la Suisse «s’est mise k.o. toute seule». «Ce n’était pas un thème suisse, mais imposé par les organisations internationales de lutte contre le blanchiment de capitaux», estime l’avocat.

Remonter les filières



Il sera peut-être plus facile de remonter les filières de transferts de capitaux dès le 1er juillet, mais les historiens rappellent le contexte dans lequel le secret bancaire a été institué.

Marc Perrenoud estime que les comptes numérotés sont apparus il y a un siècle au moins. «Dès les années 40, ces comptes constituaient déjà l’un des piliers de la prospérité des banques helvétiques», estime-t-il.

Jusqu’ici, ces dernières ont continué de défendre le principe du secret, par crainte de voir leur riche clientèle déserter le pays si la confidentialité n’est plus garantie.

Mais Carlo Lombardini n’est pas de cet avis: «Je ne pense pas que les nouvelles règles auront un impact significatif… parce qu’il y a toujours un moyen de contourner des règles».

Marc Perrenoud ne pense pas non plus que c’est le début de la fin de l’industrie bancaire suisse.

«L’ère de l’ordinateur a permis aux banques de développer de nouvelles méthodes de travail qui, bien sûr, n’existaient pas il y a cent ans, lorsque les comptes numérotés furent introduits».

Et ce conclure qu’elles ont «encore de beaux jours devant elles».

swissinfo, Ramsey Zarifeh
(traduction: Isabelle Eichenberger)

Introduite en juillet 2003, la nouvelle ordonnance sur le blanchiment d’argent a bénéficié d’un sursis qui s’achève à fin juin.
La réglementation vise à lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.
Désormais, les clients des banques suisses ne pourront plus opérer des transferts à l’étranger sans donner leur identité.

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