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Les médecines alternatives hors-jeu

Seule l'assurance complémetaire remboursera désormais la médecine traditionnelle chinoise. Keystone

Dès le 30 juin, cinq catégories de médecines «douces», dont l’homéopathie, seront biffées du catalogue de base de l'assurance maladie obligatoire.

Le Ministère de l’intérieur motive sa décision par le caractère économique, mais surtout par l’efficacité, jugée insuffisamment établie, des dites thérapies.

Dès la fin du mois, les caisses maladie ne seront plus tenues de rembourser l’homéopathie, la phytothérapie, la thérapie neurale, la médecine anthroposophique et la médecine traditionnelle chinoise. Admise depuis plus longtemps, l’acupuncture demeure par contre dans la liste des prestations obligatoirement à la charge des assureurs.

La décision était attendue. Elle a été communiquée vendredi par le ministre de l’intérieur Pascal Couchepin.

En 1999, ces cinq approches thérapeutiques avaient été inscrites provisoirement dans le catalogue de prestations de l’assurance de base. Autrement dit, elles étaient remboursées, à condition qu’elles soient pratiquées par un médecin agréé.

C’est la ministre Ruth Dreifuss, à l’époque en charge de la santé, qui avait souhaité donner à la médecine parallèle une chance de démontrer son efficacité.

Pas assez efficace ?

Durant cette période d’essai, les cinq disciplines ont fait l’objet d’un Programme d’évaluation des médecines complémentaires (PEK), qui a coûté sept millions de francs.

Selon le Ministère de Pascal Couchepin, il n’a pas été suffisamment prouvé que ces méthodes complémentaires satisfaisaient aux critères d’économicité, mais surtout d’efficacité et d’adéquation définis par la Loi sur l’assurance maladie (LAMal).

«Le problème n’était pas de savoir si elles pouvaient soulager, voire guérir», note le Ministère, qui ne veut porter aucun jugement de valeur sur ces alternatives à la médecine classique.

Pas une question de coûts

Le critère économique n’a pas joué un rôle déterminant, dans la décision du Ministère. En effet, contrairement à ce que l’on craignait en 1999, l’admission de ces thérapies dans le catalogue des soins remboursés n’a pas conduit à une explosion des coûts.

Au cours des dernières années, les médecins ont facturé des prestations de médecine complémentaire pour un montant de 60 à 80 millions de francs.

Ce résultat s’explique d’une part parce que les consommateurs payent de nombreuses factures de leur poche et d’autre part parce qu’une proportion importante de ces prestations est déjà financée par des assurances complémentaires.

Le Ministère part d’ailleurs du principe que de nouvelles offres d’assurance complémentaire bon marché verront rapidement le jour pour couvrir la demande.

Et d’avertir que ce qui vient d’arriver aux médecines complémentaires n’est que le début d’un vaste processus. Dans les mois et les années à venir, toutes les prestations couvertes par l’assurance de base seront réexaminées selon les mêmes principes d’économicité, d’efficacité et d’adéquation.

Votation en vue

Ce qui ne devrait pas empêcher les Suisses d’apprécier les thérapies alternatives. Un sondage Polyquest réalisé en mars dernier montre qu’un tiers de la population y a déjà eu recours, une fois ou l’autre. Et plus de 80% des sondés se disent satisfaits des résultats obtenus.

L’opinion publique leur semble donc favorable. Pour preuve, en quelques mois, l’initiative «Oui aux médecines complémentaires» a recueilli plus de 120’000 signatures. La décision négative de Pascal Couchepin pourrait donc bien mener à une votation populaire.

La décision ne satisfait personne

En attendant cette décision déclenche vendredi un tollé de critiques. Pour l’Union des sociétés suisses de médecine complémentaire, elle «va à l’encontre de la volonté du peuple et crée une médecine à deux vitesses».

«En Suisse, deux tiers des patients souffrent de maladies chroniques, contre lesquelles les médecines complémentaires sont souvent plus efficaces que la médecine classique», écrit encore l’Union.

Le Conseil suisse des aînés estime que la décision aura «des conséquences graves». Les patients devront payer eux-mêmes les traitements ou chercher à contracter une assurance complémentaire, qui fera grimper leurs primes.

La Fédération romande des consommateurs ne comprend pas non plus ce «mauvais signe à la population». Selon elle, les patients n’auront d’autre choix que de se tourner vers la médecine allopathique plus coûteuse ou de «se soigner dans leur coin à l’aide de petites pilules dont la sécurité n’est pas garantie».

Même colère du côté à la Fédération alémanique pour la protection des consommateurs. Pour sa présidente, la sénatrice Simonetta Sommaruga, le ministre de la santé transfère une fois de plus des coûts vers les assurés tout en ménageant la branche pharmaceutique.

Même le président de la Fédération des médecins suisses (FMH) Jacques de Haller évoque un «non raide et contreproductif». La décision s’attaque à des prestations qui ne coûtent pratiquement rien et crée des barrières financières, déplore-t-il.

Avec l’exclusion de ces médecines douces de l’assurance de base, on perd également le contrôle de qualité et de formation sur les praticiens, relève le président de la FMH. Pour être remboursés par l’assurance obligatoire, les traitements devaient en effet être administrés par des praticiens ayant suivi une formation reconnue par la FMH.

swissinfo et les agences

En Suisse, il y a actuellement:
270 médecins homéopathes
300 à 400 spécialistes en médecine traditionnelle chinoise (sans compter l’acupuncture)
250 phytothérapeutes
106 médecins spécialisés en thérapie neurale
150 médecins spécialisés en anthroposophie

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