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Les montagnes suisses, paradis pour la santé

Hydrothérapie style Belle Epoque. Bircher-Benner-Archiv

Le Musée national redore le blason écorné de la Suisse en racontant comment les «montagnes magiques» ont construit l’image d’un pays sain et guérisseur – que l’écrivain Thomas Mann nommait aussi «pénitencier hygiéniste».

Les montagnes ? Inhabitables, résidus du déluge qui a puni les humains de leurs péchés. L’altitude ? Elle fait éclater les veines et multiplier les goitres. Et la mauvaise qualité de l’eau et de l’air, emprisonnés entre les montagnes est la première cause du crétinisme en Valais.

C’était l’opinion dominante au 17e siècle, comme le rappelle l’historien François de Capitani dans le catalogue de la nouvelle exposition du Musée national, «La Suisse, sanatorium et centre de fitness» (jusqu’au 15 août). Or, deux siècles plus tard, le même pays, la Suisse, sera qualifié de «sanatorium» ou de «fontaine» de l’Europe.

Au tournant du 20e siècle, la Suisse est en effet considérée comme un paradis d’air pur, d’altitude salutaire et d’eau salvatrice. Les gens malades – et les bien portants fatigués mais suffisamment à l’aise financièrement pour se payer le voyage – viennent faire des cures dans les Grisons, l’Oberland bernois, au Tessin ou dans les Alpes vaudoises.

C’est ce pays-là, qui nous change du secret bancaire et des problèmes internationaux que connaît la Suisse actuelle, que rappelle l’exposition du Musée national à Zurich. Et comme le soulignent ses conservateurs, «c’est un chapitre important de l’histoire suisse».

«Les théories des Lumières, de Jean-Jacques Rousseau surtout, ont acquis une nouvelle actualité à la fin du 19e siècle en réaction à la modernisation et à l’urbanisation, explique un des commissaires d’exposition, Felix Graf. Ces théories sur l’hygiène de vie, l’alimentation et le sport ont essaimé dans toute l’Europe. Le succès actuel du bio et des médecines parallèles vient de là.»

Quatre «montagnes magiques»

L’exposition est composée de quatre «montagnes magiques» (du nom du roman publié par Thomas Mann en 1924, «der Zauberberg»). La première est en fait une colline, initialement nommée «Monescia», au-dessus d’Ascona et du Lac Majeur.

C’est là qu’un groupe fonde le sanatorium Monte Verità en 1900. Hermann Hesse y passera trois semaines en 1907. Centre de rencontres international, le Monte Verità accueillera anarchistes, naturistes et végétariens aux accents parfois sectaires.

La deuxième «montagne magique» est le sanatorium «Lebendige Kraft» («force vive») de Max Bircher-Brenner sur le Zürichberg. Thomas Mann le décrit comme un «pénitencier hygiéniste». Pénitencier qu’il finira par apprécier, lui qui fit de nombreux autres voyages dans des sanatoriums suisses.

Gandhi à Leysin en 1931

Leysin, dans les Alpes vaudoises, et ses 80 cliniques figure aussi en bonne place dans l’exposition, avec ses célèbres visiteurs, notamment Gandhi, venu y voir, en 1931, son ami Romain Rolland.

Le médecin Auguste Rollier y avait développé l’«héliothérapie», thérapie par le soleil, pour les tuberculoses extra-pulmonaires. Les photographies montrent les visiteurs en culotte et chapeau, dans la neige, pour que les ultraviolets touchent tous les organes…

Il y a enfin le Schatzalp, au-dessus de Davos, qui a prêté des chaises longues originales au Musée national.

Bonbons, bouillons, Heidi…

Les visiteurs découvriront encore l’inventivité des producteurs de bonbons aux herbes et autres produits réputés suisses et «sains», de même que le destin de la petite héroïne Heidi, qui recouvre la santé en quittant la ville pour retrouver ses montagnes.

La dernière salle, composée d’anciens instruments de fitness, est plus anecdotique. Mais elle rappelle qu’il a bien fallu redonner vie aux sanatoriums après la découverte de la streptomycine en 1944, qui allait permettre de soigner les tuberculeux. Dans les années 60, les beaux bâtiments décatis se transformèrent en cliniques de réhabilitation, en hôtels ou en centres de «wellness»…

Silence sur les nazis

Avec ses objets originaux jamais exposés et ses riches documents photographiques, l’exposition permet de se replonger dans un monde qui semble figé dans une sorte de joie éternelle. Dommage qu’elle fasse l’impasse sur un chapitre sombre de la vie des sanatoriums.

Dans les années 1930 et 1940, Davos a en effet accueilli – entre autres – nombre de dignitaires nazis. C’est ce qu’avait montré en 2009 la réalisatrice Danielle Jaeggi dans son film, «A l’ombre de la montagne».

Pourquoi ne pas en parler? «Il est vrai qu’il y a eu une composante brune à Davos entre 1933 et 1945, répond le conservateur Felix Graf. Mais nous n’avons pas voulu le thématiser. Cela n’est pas directement lié à l’image de la Suisse comme lieu de santé…»

Ariane Gigon, swissinfo.ch, Zurich

L’exposition temporaire «La Suisse, salle de fitness et sanatorium» dure jusqu’au 15 août 2010, au Musée national suisse de Zurich.

Elle éclaire un chapitre relativement récent de l’histoire de la Suisse moderne: grâce aux mouvements de retour à la nature et grâce aux pionniers de la diététique, la Suisse a pu, au tournant du 20e siècle, se faire une réputation de «paradis pour la santé.»

Altitude, soleil, air et eau purs ont permis de développer les méthodes médicales de lutte contre la tuberculose.

Des sanatoriums ont existé en de nombreux endroits d’Europe, mais la Suisse alpine était particulièrement recherchée pour son climat.

L’exposition développe cette thématique en présentant quatre «montagnes magiques»: le Monte Verità d’Ascona, le sanatorium «Lebendige Kraft» du Zürichberg, Leysin et ses 80 cliniques et le Schatzalp, au-dessus de Davos.

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), un tiers de la population du globe est actuellement infecté par le bacille tuberculeux et une nouvelle infection a lieu chaque seconde.

On estime que 1,7 million de personnes sont mortes de la tuberculose en 2004.

Selon l’OMS, on a aujourd’hui la preuve de l’existence de souches qui résistent à un médicament utilisé seul, voire à tous les principaux antituberculeux.

Il est généralement possible de soigner les personnes atteintes de tuberculose pharmacorésistante mais la chimiothérapie requise est longue (jusqu’à deux ans), souvent d’un prix exorbitant et également plus toxique pour les patients.

En 2006, l’OMS a lancé la nouvelle stratégie «Halte à la tuberculose».

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