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Les poissons menacés par les cocktails chimiques

Les poissons bientôt réduits à vivre en aquariums? Keystone

Pollution, endiguement et hausse des températures sont parmi les facteurs qui mènent à une décrue rapide des populations piscicoles en Suisse.

Arrivé à son terme, le projet de recherche «Fischnetz» dresse le catalogue des mesures à envisager.

L’été du siècle a engendré la misère sous la surface. Les hautes températures sont responsables d’une mortalité dramatique dans les ruisseaux et les rivières.

Entre Stein et Schaffhouse, sur le Rhin supérieur, la plus importante population de cendres en Suisse a pratiquement été réduite à néant.

Sur place, les professionnels ont repêché pas moins de 40’000 spécimen (16 tonnes) passés de mort à trépas.

Mais ce qui s’est joué durant quelques jours d’été aux yeux de tous trouve plus insidieusement son équivalent dans les eaux profondes depuis des années.

Disparition des poissons

«En Suisse, la population piscicole s’est rapidement réduite ces quinze dernières années, malgré les 15 millions de poissons réintroduits annuellement», indique le rapport final du projet de recherche fédéral «Fischnetz».

Plusieurs centaines de professionnels des cantons, des organisations de pêche, de l’industrie chimique et de l’Université de Berne ont recherché l’origine de ce rapide déclin.

Et cela sous l’égide de l’Institut fédéral pour l’aménagement, l’épuration et la protection des eaux (EAWAG) et de l’Office fédéral de l’environnement (OFEFP).

«Les causes principales de ce déclin sont la disparition des milieux naturels, la pollution chimique, la maladie rénale proliférative (MRP) et la hausse générale des températures», indique la patronne de cette recherche.

Mais selon Patricia Holm, aucun de ces facteurs ne peut être tenu pour responsable à lui seul de la régression des populations de poissons.

La MRP est révélatrice à cet égard. Cette maladie rénale proliférative, le plus souvent mortelle, touche truites de rivières, truites arc-en-ciel et cendres.

Observée dans la quasi-totalité du pays, elle atteint surtout les poissons déjà affaiblis par la pollution chimique des eaux.

Mortelle, la MRP le devient surtout lorsque la température des eaux dépasse 15 degrés plus de deux semaines durant. Une configuration toujours plus fréquente ces dernières années.

Un ultime facteur intervient: les drainages et autres endiguements de cours d’eau, qui empêchent souvent le poisson de trouver un peu de fraîcheur salvatrice.

Manque de volonté politique

Face à cette situation, les mesures envisagées par les pêcheurs et les organisations de protection de l’environnement se heurtent à un manque de volonté politique.

L’application parcellaire et lacunaire de la loi sur la protection des eaux de 1992 est là pour le démontrer.

«La colère des pêcheurs à ce sujet est énorme», assure Werner Widmer, président de la Fédération suisse de pêche.

Du coup, cette association lancera une initiative populaire afin de contraindre cantons et Confédération à une application rigoureuse de la loi.

Ce qui va dans le sens de «Fischnetz», pour laquelle les mesures à prendre sont avant tout politiques.

Outre l’amélioration de la gestion des eaux, les auteurs évoquent des normes de qualité pour les substances déversées dans les eaux.

La qualité des milieux naturels et les liaisons entre les cours d’eau doivent être améliorés, la végétation des rives favorisée et les débits soumis à des minima, avancent les chercheurs.

Cocktails chimiques

En Suisse, malgré réglementations et contraintes, d’inestimables quantités de produits chimiques divers se retrouvent dans lacs et cours d’eau en provenances de l’industrie, des ménages et de l’agriculture.

Ces produits ont parfois des effets très dommageables pour les poissons, même à très faible concentration.

Souvent peu ou pas connus, ces véritables «cocktails chimiques» exigent des efforts de recherche urgents. «Il y a un trou patent dans nos connaissances, qu’il faut combler rapidement», martèle Patricia Holm.

A l’étranger aussi, la fébrilité domine. Dans l’Union européenne, on ne connaît pas les effets sur l’homme et l’environnement de la plupart des 100.000 produits chimiques en usage.

L’état de la connaissance sur le sujet serait même «rudimentaire», estime la Commission à Bruxelles. L’Union européenne s’est donc décidée à préparer une nouvelle loi chimique.

Dans un premier temps, ce texte de loi exigera une solide analyse des effets sur l’homme et l’environnement des 30’000 substances les plus dangereuses arrivées sur le marché ces derniers vingt ans.

swissinfo, Katrin Holenstein
(traduction et adaptation: Pierre-François Besson)

– On compte en Suisse 70 espèces de poissons. Parmi elles, huit sont considérées comme disparues, cinq sont en voie de disparition et 45 en danger.

– Le mauvais état des milieux naturels, la pollution chimique et la maladie rénale proliférative (MRP) expliquent ensemble cet état de fait.

– Le projet «Fischnetz» lancé par la Confédération propose plusieurs mesures pour le contrecarrer:

– Par exemple l’amélioration de l’habitat des poissons, le rétablissement des rives naturelles, la réduction des pesticides et fertilisants.

– «Fischnetz» envisage aussi une meilleure application de la loi sur la protection des eaux, une amélioration des moyens de traitement des eaux ainsi que la promotion de l’agriculture biologique.

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