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Les squats à la recherche d’un deuxième souffle

Une centaine de policiers et de pompiers ont évacué, lundi, des squatters d'un immeuble du quartier genevois des Grottes. Keystone

L'évacuation d'un squat, cette semaine à Genève, met en évidence l'essoufflement du mouvement et embarrasse la gauche.

L’événement a fait la Une des journaux romands. Lundi, à Genève, l’évacuation d’un squat a tourné à l’affrontement entre cinq jeunes et la police. Depuis, la gauche a critiqué cette intervention musclée et le fait que des personnes aient été mises à la rue en plein mois de janvier. Mais les critiques n’ont porté que sur la forme.

C’est que cette évacuation a été décidée par l’exécutif de la Ville, à majorité de gauche. Qui se justifie en affirmant que l’immeuble en question abritera, après rénovation, des «vrais» logements sociaux.

Revendications écoutées

Les proches des squatters ne peuvent qu’applaudir. A son origine, le mouvement luttait contre la disparition de logements bon marché en ville, et contre la spéculation immobilière. En se battant contre la destruction d’immeubles, ces militants voulaient aussi préserver un patrimoine architectural.

Mais, depuis les années soixante-dix, les choses ont bougé. Et les squatters ont été entendus. Du moins par les autorités publiques.

«Sans cette résistance, le quartier des Grottes n’existerait plus», note Carlo Sommaruga, de l’Association suisse des locataires (Asloca). Désormais, la Ville privilégie la rénovation de certains immeubles et les appartements à loyer modéré.

Mouvement canalisé

Les contrats de confiance ont également répondu au besoin de logements très bon marché. A Lausanne, les autorités proposent même aux propriétaires d’immeubles vides de les mettre à la disposition des jeunes. Et les squats ont pratiquement disparu.

Ailleurs, certains anciens occupants sauvages ont même fondé des coopératives de logements. Et racheté leur immeuble.

Selon plusieurs observateurs, le mouvement a perdu en intensité. Et semble moins organisé. Il n’existe d’ailleurs plus aucune coordination nationale.

Même la philosophie des squatters a changé. «Au départ, le mouvement était très politisé, résume Carlo Sommaruga. Aujourd’hui, c’est devenu un combat social pour des personnes qui défendent un mode de vie différent.»

Intérêts divergents

Ce droit à une vie différente, c’est le cheval de bataille de la gauche. «Il faut laisser des marges, souligne Roberto Broggini, conseiller municipal Vert et ancien squatter. Il fait laisser à certains la possibilité de vivre un peu différemment.»

Le problème, c’est que cette revendication entre en confrontation avec d’autres intérêts. Notamment avec la construction de logements sociaux. A Genève, comme ailleurs, les appartements vides se font toujours plus rares.

En 1991, 0,80% des logements du canton étaient inutilisés. Ce taux a flirté avec les 1,50% durant toute les années nonante. Mais, l’an dernier, il n’était plus que de 0,38%. Et, selon les projections de l’Office cantonal du logement, la situation devrait aller en empirant.

Les amis des squatters se retrouvent dans une situation inconfortable. Députée au Grand Conseil pour SolidaritéS, Anne Cuenod ne cache pas sa sympathie pour les milieux alternatifs. Mais elle admet qu’il ne s’agit pas de promouvoir les endroits squattés alors qu’il y a une pénurie des logements.

Les squatters n’ont donc plus beaucoup d’appui politique. «Le soutien n’a pas disparu, mais les fronts politiques ne sont plus aussi distincts», dit Carlo Sommaruga. Pour autant, selon l’avocat, la bataille engagée contre certains propriétaires privés garde toute sa signification.

Dérive par rapport à l’objectif initial

A Lausanne, Bernard Métraux se montre plus catégorique. Durant l’été 2000, cet ancien municipal communiste (POP) – également connu pour ses affinités avec le milieu alternatif – a fait évacuer le squat de Prélaz.

Aujourd’hui, il cherche à comprendre. «Chez certains squatters, affirme Bernard Métraux, nous observons une dérive par rapport à leurs objectifs de départ. Et c’est à eux de nous expliquer leur nouvelle démarche.»

Caroline Zuercher

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