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Les syndicats reprennent du poil de la bête

Le mouvement syndical suisse a perdu 16% de ses membres depuis 1990. Keystone

C'est une première en onze ans. Début 2001, l'Union syndicale suisse (USS) comptait 386 979 membres, soit 6795 de plus qu'une année auparavant. Une inversion de tendance plutôt réjouissante. Pour autant, la crise du syndicalisme suisse n'est pas terminée.

A vrai dire, cette augmentation spectaculaire est due presque exclusivement à l’adhésion à l’USS de l’Association suisse des employés de banque. Si l’on n’en tient pas compte, c’est en réalité à une nouvelle érosion à laquelle doit faire face le syndicalisme suisse, puisque les différentes centrales associées au sein de l’USS ont perdu en l’an 2000 8174 unités, soit un recul de 2,1%.

Pour Serge Gaillard, secrétaire central de l’USS, l’arrivée des employés de banque indique clairement que la frontière entre organisation ouvrière traditionnelle et association d’employés tend à s’estomper. «S’ils sont venus chez nous, c’est qu’ils ont considéré l’USS comme un bon instrument pour défendre leurs intérêts», commente le secrétaire central.

Il n’empêche que le mouvement syndical suisse a perdu 16% de ses membres depuis 1990. Et l’on observe le même mouvement à peu près partout dans les pays industrialisés. «Le phénomène traduit les changements structurels qui ont affecté le monde du travail, notamment le fait que les secteurs à forte tradition syndicale emploient de moins en moins de monde», constate Paul Rechsteiner, président de l’USS.

Constat renforcé par l’analyse de Klaus Armingeon, directeur de l’Institut de Sciences politiques de l’Université de Berne et auteur du livre «Les syndicats en Suisse». Pour lui, les organisations de travailleurs ont raté plusieurs virages ces dernières années.

D’une part, elles n’ont pas réussi leur entrée dans le secteur en pleine expansion des services (ce que dément toutefois partiellement le succès du syndicat UNIA, qui a gagné plus de 1000 membres l’an dernier, soit une hausse de 7%) et de l’autre, elles ne parviennent toujours pas à attirer les employés hautement qualifiés, par exemple dans l’informatique.

Dans ce dernier domaine, Paul Rechsteiner admet volontiers que tout reste à faire. Le président de l’USS espère y parvenir au terme d’un processus d’apprentissage, lorsque les travailleurs de ces secteurs en expansion auront découvert que leurs emplois ne sont pas forcément assurés.

Les syndicats ne doivent pas moins compter avec une autre réalité: le fait qu’un actif aujourd’hui peut être appelé à changer de métier plusieurs fois au cours de sa vie. Ce qui nécessitera aussi de solides facultés d’adaptation de la part des syndicats. Paul Rechsteiner est donc convaincu que l’avenir est aux organisations de défense interprofessionnelles.

Klaus Armingeon va plus loin. Pour lui, un changement de mentalités ne suffira pas. Les syndicats doivent modifier radicalement leurs structures et leurs programmes s’ils veulent présenter quelque attrait aussi bien pour les professionnels sur-qualifiés que pour les travailleurs des nouveaux métiers.

«Le syndicat doit devenir un lieu où les membres peuvent exprimer leur individualité et leur droit à l’autodétermination, plaide le politologue bernois. L’exigence d’un Etat-providence un peu paternaliste que les syndicats défendent encore aujourd’hui est complètement dépassée».

swissinfo

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