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Lucerne, ville de paix… centenaire

La dernière manifestation pacifique en Suisse a eu lieu en 2003, contre la guerre en Irak Keystone

La tenue d'une conférence internationale permet à Lucerne de commémorer le centième anniversaire du Congrès universel de la paix, organisé en 1905.

Une occasion de rappeler que la lutte en faveur de la paix n’a pas encore trouvé son épilogue: dans le mondedes centaines de millions de personnes sont confrontées chaque jour à la guerre.

Il y a un peu plus d’un siècle, la paix a trouvé des défenseurs déterminés, et cela après des millénaires de guerres et de massacres.

En effet, un nombre grandissant de mouvements pour la paix sont apparus sur la scène internationale au cours des dernières décennies du 19ème siècle, dans un climat dominé par un nationalisme agressif et un impérialisme guerrier.

Issus d’un vaste éventail d’idéologies politiques – qui allait du libéralisme au socialisme et à l’anarchisme – les écrits, les manifestations et les congrès des pacifistes ont pris de l’ampleur.

C’est dans ce contexte que, en 1905, près de 400 délégués provenant d’Europe, mais aussi des Etats-Unis et de Chine, se sont réunis à Lucerne pour participer à la 14ème édition du Congrès universel pour la paix.

Berceau du pacifisme

Un siècle après, Lucerne veut rendre hommage à cet événement historique, qui avait attiré l’attention du monde entier. Deux journées seront dédiées aux thèmes de la paix et de la sécurité.

«Il s’agit d’un héritage important, qu’il fallait commémorer dignement, puisque la paix reste un sujet d’une brûlante actualité», souligne Ahmed M. El Ashker, président de l’association Lucerne initiative for peace and security (LIPS), qui organise la conférence.

Les espoirs de paix nourris par certains citoyens de Lucerne, comme l’industriel Jan Bloch, avaient déjà été partiellement concrétisés en 1902, par le biais de la création de ce qui devait être le premier musée mondial de la paix.

Neutre et démocratique, la Suisse était devenue une sorte de berceau vers lequel convergeaient les mouvements pacifistes de cette époque. Nombre d’entre eux y avait d’ailleurs établis leur quartier général.

Le fait que trois des quatre premiers lauréats du Prix Nobel de la Paix – Henri Dunant (1901), Elie Ducommun et Charles Gobat (1902) – étaient de nationalité suisse, ne doit donc rien au hasard.

Une opposition gauche-droite

«La Suisse peut sans aucun doute être définie comme la patrie de la paix; il suffit de se rappeler qu’elle n’a plus pris part à un conflit depuis plus d’un siècle et demi, et qu’elle mène une politique de neutralité, sans compter la présence de la Croix Rouge», observe Ahmed M. El Ashker.

«Mais, peut-être qu’en Suisse, on s’habitue un peu trop facilement à vivre dans un contexte de paix, comme si cela coulait de source», ajoute encore le président de la LIPS.

L’association Lucerne initiative for peace and security espère créer une base de travail et de communication pour la prévention et la résolution de conflits dans le monde.

La conférence de Lucerne veut rappeler que malgré plus d’un siècle de lutte pacifiste, une part importante de l’humanité continue de payer un lourd tribut à la guerre.

«Depuis la Révolution russe de 1917 et la chute du mur de Berlin en 1989, le clivage idéologique entre l’Est et l’Ouest a figé les aspirations pacifistes», observe pour sa part Markus Furrer, qui enseigne l’histoire à l’Université de Fribourg.

«Chaque débat était dominé par une opposition gauche-droite, et il n’était pas aisé de manifester en faveur de la paix. En Occident, on était systématiquement taxé de communiste, alors que dans les pays de l’Est, on passait pour des adeptes du capitalisme».

Une dimension beaucoup plus complexe

Selon l’historien, le pacifisme aurait enfin retrouvé un peu de son esprit et de son élan d’autrefois.

Aujourd’hui – c’était également le cas en 1905 – les idéologies ne dominent plus la scène politique. Le pacifisme est soutenu par un certain idéalisme, dans lequel se fondent des courants de pensées très divers, qui ne sont pas automatiquement instrumentalisés ou polarisés.

«Paradoxalement, les différences actuelles sont beaucoup plus marquées qu’auparavant. Ainsi, il y a un siècle, une certaine naïveté régnait parmi les pacifistes. Une grande partie de ces activistes étaient convaincus que quelques articles dans la presse ou de bons ouvrages scolaires suffisaient à rendre les gens plus pacifistes», relève Markus Furrer.

«Désormais, le pacifisme a pris une dimension beaucoup plus complexe, voire scientifique. Des dizaines d’organisations militantes pour la paix prennent part à des congrès comme celui de Lucerne et recourent à des arguments pointus et scientifiques pour mieux promouvoir leur lutte».

Entre résignation et utopie

Ill y a un siècle environ, l’espoir de changer la société prévalait de façon significative. Mais aujourd’hui, c’est plutôt un sentiment de résignation qui semble avoir gagné les esprits. L’Europe du début du siècle passé tenait un peu le gouvernail du monde. Au 21ème siècle, les conflits armés qui éclatent un peu partout sont nombreux et échappent à notre contrôle.

«L’époque que nous vivons est caractérisée par une absence de perspectives futures, pour une grande partie des gens. Peut-être que pour sortir de cette ornière, il faudrait tenter de renouer un peu avec l’esprit utopique qui animait les premiers pacifistes», suggère en conclusion Markus Furrer.

swissinfo, Armando Mombelli
(Traduction de l’italien: Nicole Della Pietra)

1901: Henri Dunant, fondateur de la Croix rouge, reçoit le Prix Nobel de la Paix
1902: Le premier musée de la paix, d’importance internationale, ouvre à Lucerne.
1905: Lucerne accueille la quatorzième édition du Congrès mondial pour la paix
2005: Afin de commémorer le centième anniversaire du Congrès, Lucerne organise une conférence internationale sur la paix et la sécurité

– Les 22 et 23 septembre se déroule la Conférence internationale de Lucerne «Vision pour la paix et la sécurité – Lucerne 1905-2005».

– La manifestation, qui est organisée par l’association Lucerne initiative for peace and security (LIPS), est notamment soutenue par la Confédération, le Canton et la Commune de Lucerne, ainsi que par plusieurs ONG et des mécènes privés.

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