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Naturalisations, santé et information soumis aux urnes

Dimanche de votations sur le territoire de la Confédération. Keystone

Le peuple est invité à se rendre aux urnes le 1er juin afin de se prononcer sur deux initiatives et un référendum. Les deux objets les plus importants concernent les naturalisations et l'avenir de la politique de santé.

La Suisse étant un Etat fédéral, les procédures de naturalisation ne sont pas partout les mêmes. Le sort des candidats au passeport rouge à croix blanche peut être scellé par des exécutifs, des assemblées ou encore des parlements communaux.

Il y a quelques années encore, certaines communes – alémaniques – soumettaient les demandes de naturalisation directement au peuple. Les citoyens pouvaient alors décider qui deviendrait leur nouveau concitoyen dans l’isoloir des urnes.

Mais cette pratique a été abandonnée depuis que le Tribunal fédéral l’a déclarée anticonstitutionnelle, car discriminatoire. En effet, les citoyens de la commune d’Emmen (Lucerne) avaient systématiquement refusé des demandes de naturalisation émanant de personnes aux noms à consonance balkanique.

Démocratie contre arbitraire

Avec son initiative intitulée «Pour des naturalisations démocratiques», l’Union démocratique du centre (UDC / droite nationaliste) demande que les communes qui le souhaitent puissent à nouveau faire voter les citoyens sur les demandes de naturalisation.

Pour l’UDC, le principal argument a trait à la préservation de la démocratie. Elle estime que laisser aux citoyens l’occasion de se prononcer sur des naturalisations constitue un droit démocratique fondamental. Par ailleurs, l’UDC dénonce l’ingérence du pouvoir judiciaire dans ce même système démocratique et refuse par conséquent l’idée que les personnes dont la demande de naturalisation a été refusée puissent recourir auprès d’un tribunal.

Pour les adversaires de l’initiative – c’est-à-dire pratiquement tout le reste de l’échiquier politique – la démocratie n’a rien à voir dans ce débat. Pour eux, des exécutifs, des parlements ou des commissions sont simplement plus aptes à statuer sur des demandes de naturalisations en raison de leur plus grande connaissance des dossiers des candidats. Le peuple, par contre, peut facilement être amené à prendre sa décision sur la base de l’origine ou du faciès des candidats, ce qui conduit irrémédiablement à une discrimination interdite tant par le droit suisse qu’international.

Les derniers sondages montrent que l’initiative de l’UDC n’a pas vraiment le vent en poupe (33% d’avis favorables seulement). Mais une surprise reste possible le 1er juin. Par le passé, l’UDC a déjà prouvé être en mesure d’obtenir à elle seule une majorité sur des thèmes liés à l’immigration ou à l’identité nationale.

Echec programmé

Aucun suspens par contre pour la seconde initiative soumise au vote le 1er juin. Les derniers sondages ont en effet montré que 60% des personnes interrogées étaient hostiles à l’initiative «Souveraineté du peuple sans propagande gouvernementale». Avec de tel pronostic, l’échec semble d’ores et déjà programmé.

Cette initiative émane d’un groupe nommé «Citoyens pour les citoyens», totalement inconnu jusqu’ici mais que l’on dit proche de l’UDC. Ces «citoyens» demandent que le gouvernement cesse d’utiliser l’argent de tous les contribuables pour présenter les objets soumis à votation de manière unilatérale. Bref, en d’autres mots, qu’il cesse de faire de la propagande.

Pour les auteurs de l’initiative, c’est aux partis qu’il revient de mener des campagnes politiques. Etant au-dessus des partis et œuvrant dans l’intérêt de tous les Suisses, le gouvernement devrait pour sa part s’en tenir à une présentation objectives des faits. Il pourrait simplement faire connaitre sa position sur un objet soumis à votation au travers d’une communication brève et unique.

Les adversaires de l’initiative, soit l’ensemble des partis hormis l’UDC, estiment au contraire qu’il est justement du devoir du gouvernement de participer au débat politique et d’éclairer la population. Ils recommandent dans un peuple de refuser cette «Initiative muselière».

Issue ouverte

Le troisième et dernier objet soumis au vote le 1er juin est l’article constitutionnel «Qualité et efficacité économique dans l’assurance-maladie». Celui-ci vise à inscrire dans la Constitution quelques principes relatifs à la transparence du système, à la responsabilité des assurés ou encore à la concurrence entre les différents acteurs.

Mais s’il est relativement aisé de comprendre ces grands principes, il s’avère bien plus difficile de se faire une opinion sur l’usage qui pourrait en être fait.

Les partisans de l’article – les partis de droite – jurent la main sur le cœur qu’il ne s’agit effectivement que de grands principes depuis longtemps connus. Il s’agit maintenant de les inscrire dans la Constitution pour que les futurs débats sur la santé puissent avoir lieu dans un cadre clair. Mais, toujours selon les partisans, cet article ne contient aucune menace, car toute décision concrète devra de toute façon être discutée au Parlement et, le cas échéant, soumise au peuple via un référendum.

Les adversaires pensent en revanche que cet article constitutionnel est loin d’être inoffensif. Pour eux, il s’agit d’un premier pas qui débouchera irrémédiablement sur une prise en main du système de santé par les caisses maladies avec, à la clef, l’établissement d’une médecine à deux vitesses.

Face à ces deux positions diamétralement opposées, les citoyens sont pour l’heure partagés. Les derniers sondages montraient que 39% étaient favorables à l’article constitutionnel et 45% défavorables. L’issue du vote de dimanche est donc ouverte.

Une chose est sûre: les chances des adversaires sont bonnes. En effet, dans le système politique suisse, un référendum ne passe généralement la rampe du scrutin populaire que lorsqu’il draine des oppositions multiples. Or c’est le cas de cet article constitutionnel qui est combattu à la fois par la gauche, les cantons, les médecins et les organisations de consommateurs.

swissinfo, Olivier Pauchard

Le peuple suisse est invité à se rendre aux urnes dimanche. Au programme de ces votations fédérales:

– l’initiative “Pour des naturalisations démocratiques” qui propose que les demandes de naturalisation puissent à nouveau être soumises au verdict des urnes dans les communes qui le souhaitent.

– l’initiative “Souveraineté du peuple sans propagande gouvernementale” qui exige que le gouvernement ne participe plus aux campagnes politiques dans le cadre de votations, mais qu’il se contente d’une prise de position brève et unique.

– l’article constitutionnel “Qualité et efficacité économique dans l’assurance-maladie” qui vise à inscrire des principes généraux dans la Constituion pour mieux cadrer les futurs débats sur la politique de santé.

L’initiative populaire permet à des citoyens de proposer une modification de la Constitution. Pour être valable, elle doit être signée par 100’000 citoyens dans un délai de 18 mois.

Le Parlement peut directement accepter l’initiative. Il peut aussi la refuser ou lui opposer un contre-projet. Dans tous les cas, un vote populaire a lieu.

L’adoption d’une initiative nécessite la majorité du peuple et des cantons.

Le référendum (facultatif) permet à des citoyens de demander au peuple de se prononcer sur une loi adoptée au Parlement. Un scrutin a lieu si le comité référendaire parvient à réunir 50’000 signatures en 100 jours.

Le référendum facultatif ne nécessite que la majorité du peuple.

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