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Peu à peu… la France a perdu

Ce soir-là, on passe un mauvais film. swissinfo.ch

Pendant deux heures, la France s'est arrêtée. Avant de se réveiller, avec la gueule de bois. Ce match France-Italie, les Bleus devaient le gagner. Chacun a cherché le meilleur endroit pour le regarder... certains se sont retrouvés au cinéma.

Des pop-corn, des bonbons, une salle obscure. Comme pour n’importe quelle séance de cinéma. Mais aujourd’hui, le film se passe pour de vrai et en direct de la pelouse du Letzigrund Stadion. Le public est tout excité: ça piaille, ça crie. Dans la salle, un vrai mélange bon enfant: quelques couples, des personnes âgées, un groupe de gamins, tous affublés du fameux maillot bleu, des filles venues entre copines et beaucoup d’hommes – après tout, c’est quand même un match de foot.

180 entrées. Ce soir, Raymond Domenech remplit la salle 3 du Gaumont de Montparnasse. Au milieu de la marée de supporters français, on trouve quelques Italiens, pas du tout intimidés par la supériorité numérique de leurs adversaires. «Je sais que c’est l’Italie qui va gagner. Je suis venu parce que j’aime voir la détresse du peuple français», explique l’un d’entre eux, provocateur dans son maillot vert Kappa.

Même les Français ne partent pas très optimistes. L’un avertit «de toute façon, si la Roumanie mène 2 à 0 à la mi-temps, je m’en vais», l’autre réfléchit «j’ai mangé italien avant de venir… je me demande si c’était une bonne idée». Il faut dire que la tâche s’annonce difficile: pour se qualifier, non seulement la France doit l’emporter face à l’Italie, mais il faut éviter que la Roumanie ne batte les Pays-Bas.

Allez, les Bleus!

Peu importe – il faut y croire et les gens veulent passer une bonne soirée. Alors, ils applaudissent à tout va dès qu’ils aperçoivent le bout du nez de Thierry Henry. Et La Marseillaise, tous en cœur s’il vous plaît, et debout pour certains. Le match débute, on les applaudit, on les soutient. Et même si les premières minutes ne sont pas excitantes, on fait comme si.

Sur l’écran – dix mètres sur quatre mètres cinquante – seulement la pelouse. C’est une retransmission pure, sans logo, sans chaîne, sans décompte des minutes et… sans commentateur. Du coup, on est transporté à Zurich. Quand le public, dans les tribunes du stade, entonne une série de «Allez, les Bleus!», les spectateurs du cinéma parisien reprennent le cri.

– Oh, non, il s’est blessé !
– Maintenant, c’est mort…

C’est l’incrédulité, avec la blessure de Ribéry. Ça n’avait pas l’air si grave, au départ; «ça lui apprendra à vouloir faire des fautes pour rien» bougonne un fan, mécontent.

L’ambiance s’est alourdie. Avec la perte de leur meneur, les aficionados repensent au début de la compétition: «Vous non plus, les Suisses, vous n’avez pas eu de chance, hein? Votre équipe n’était pas très forte et vous avez perdu Frei». «C’est nul», ajoute son voisin, «que cela arrive aux organisateurs…»

Penalty

Les malheurs des Fançais se poursuivent. Carton rouge, penalty, but… tout est allé tellement vite que les spectateurs refusent d’admettre la réalité. Au milieu de la salle, une jeune fille de 14 ans est tétanisée. On dirait qu’elle vient de vivre l’un des pires drames de sa vie. D’autres se rassurent comme ils peuvent: «De toute façon, les Italiens, ils ne marquent que sur penalty!»

Les minutes passent, la Squadra Azzurra se rapproche des buts français, encore et encore. Plusieurs occasions ratées. Le public est sous le choc: «Il pourrait y avoir 4 à 0, ça serait pareil!». La rancœur contre les ennemis de toujours monte: «Dans ces conditions, autant que la Roumanie gagne… »

A la mi-temps, ils se sont renseignés: toujours 0 à 0 entre la Roumanie et les Pays-Bas. Eux sont menés 1 à 0. Tout est encore possible pour les Français. En tout cas, ils tentent de s’en convaincre.

L’ardeur du début de match n’y est plus: les visages et les gestes suivent les attaques, on pousse des exclamations… mais il n’y a plus la même énergie. Comme si inconsciemment les fans se disaient «A quoi bon? Il y a quatre blancs devant: ils vont reprendre le ballon».

Gros plan sur les tribunes du Letzigrund Stadion. Un supporteur italien exulte, son téléphone portable à l’oreille… les Français ont compris: les Pays-Bas viennent de marquer, leur adversaire se rapproche de la qualification.

Désespoir

Puis vient le deuxième but de la Squadra. Attendu. «Bon, bon», murmurent les perdants avec un petit sourire penaud. Ils sont tristes. Leurs joueurs n’ont pas été à la hauteur de leurs attentes.

Côté italien, on se voit déjà champion d’Europe: «La France, ce n’est pas n’importe qui, dans le foot international – une victoire comme celle-là va mettre du baume au cœur des italiens. Après ça, ils vont exploser!»

Dans la salle obscure, on attend la sentence du coup de sifflet final. Avec impatience. La pièce est remplie d’un silence lourd. Comme les joueurs, les spectateurs ont compris qu’il n’y avait plus moyen de remonter. Les dernières minutes de jeu semblent des heures.

swissinfo, Miyuki Droz Aramaki à Paris

Classement

1. PAYS-BAS 3/9
2. ITALIE 3/4
3. Roumanie 3/2
4. France 3/1

1/4 de finale

Espagne – Italie
Suède/Russie – Pays-Bas

Thierry Henry
‘Ce n’était pas notre soir, surtout quand, dès le début du match, il y a la blessure d’un joueur comme Franck Ribéry. De plus, il y a eu le carton rouge (d’Eric Abidal, à la 24e minute, ndlr). Mais, malgré tout, à dix, nous avons posé des problèmes aux Italiens. Sur le coup franc du 2e but italien, j’avais le pied tourné vers l’extérieur. Ce qui s’est passé avec Ribéry et le carton rouge a été une catastrophe.’
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Raymond Domenech
‘J’ai de vrais regrets, cette équipe avait quelque chose dans les tripes, de l’abnégation, du talent, elle a montré beaucoup de choses. Avec la blessure de Ribéry et l’expulsion (d’Abidal), au bout d’une demi-heure de jeu, il n’y avait plus qu’un seul changement à faire, c’est compliqué pour gérer un match. Cette équipe a de l’avenir, un vrai potentiel, je suis fier d’eux, les jeunes ont montré qu’ils peuvent prétendre à de grandes carrières.’

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